samedi 25 juin 2022

NEW MUTANTS #26, de Vita Ayala et Rod Reis avec Jan Duursema


La lecture de ce 26ème épisode de New Mutants, qui est aussi le deuxième chapitre du nouvel arc entamé par Vita Ayala, est spécialement intéressant à analyser après Knights of X #3. On y trouve des motifs communs, en plus du fait que les deux séries sont écrites par des femmes. Visuellement, Rod Reis enchaîne les planches de toute beauté, avec la participation sur la toute fin de Jan Duursema.
 

Les Limbes. Magik a réussi à téléporter Mirage, Felina et Madelyne Pryor loin de S'ym. Mais les quatre femmes ont abouti dans un paysage hostile et Ilyana Rasputin a perdu sa Soulsword.


Felina guide la bande jusqu'à une forteresse assaillie par des Technarques semblables à Warlock. La place est vaillamment défendue par une Ilyana plus âgée qui accueillent les filles.


Magik élabore un plan efficace mais risquée pour se défaire des ses ennemis. Ilyana défie donc en duel singulier S'ym, corrompu par les Technarques et réussit à le vaincre, écartant les démons.


Echouant toujours à matérialiser la Soulsword, Magik se voit offrir par son double âgé l'épée Warlock... Par le passé, prisonnière de Belasco, la petite Ilyana tente de délivrer Cat de l'emprise de leur geôlier...

On peut appeler le zeitgest. Ou alors un plan concerté - ce qui est plus probable quand on sait que les auteurs d'une franchise se réunissent fréquemment, en présentiel ou en distanciel, pour des réunions au sommet au cours desquels ils accordent leurs violons et établissent des intrigues pour les moins à venir.

Jonathan Hickman, quand il était la "Head of X", avait coordonné les scénaristes de cette manière avec l'editor Jordan White afin que chacun soit au courant de la manière dont il souhaitait développer l'univers mutant. On pouvait craindre qu'avec son départ tout cela parte à vau-l'eau, et d'ailleurs Hickman n'a pas été remplacé à ce poste de superviseur artistique. Certains comme Al Ewing et Gerry Duggan ont pris une autre dimension, d'autres sont arrivés comme Kieron Gillen, et les autres poursuivent leurs productions comme Benjamin Percy, Tini Howard et Vita Ayala.

Il est donc très probable que ces deux dernières, Howard et Ayala, aient compris la similarité de leurs deux projets, avec Knights of X et New Mutants. En quoi consiste-t-elle ? Les deux séries ont en commun de se dérouler hors de Krakoa et d'être menées par des héroïnes. C'est sûrement une manière simple mais habile de ne pas dépendre de ce qui se passe sur l'île mais aussi d'explorer des zones voisines (l'Outremonde, les Limbes), déjà visitées par le passé.

L'autre élément commun, c'est la notion de quête. Les Knights of X traquent le Siège Périlleux qui leur permettraient de revenir dans notre dimension mais aussi de renverser Merlin. Les New Mutants cherchent à réformer l'Enfer en plaçant sur sur son trône une nouvelle maîtresse. Mais dans les deux cas, très vite, la tâche s'avère très compliquée.

Au terme d'une bagarre aussi rapide que brutale, Magik a vu son ennemi S'ym, le bras armé de Belasco, briser la Soulsword. Elle eu le temps de téléporter ses amis ailleurs, mais pas où elle le souhaitait puisqu'elles échouent  dans une contrée hostile, au climat rigoureux et surtout Magik ne réussit pas à rematérialiser son épée. Mais ce n'est que le début des surprises pour elle, Mirage, Feline et Madelyne Pryor.

Vita Ayala a construit cet arc comme un conte, flirtant avec l'épouvante psychologique. Magik veut confier les Limbes à Medelyne car elle veut s'éloigner de cet endroit qui a à la fois fait d'elle la formidable mutante qu'elle est devenue mais aussi où elle a vécu mille tourments. Pour ne pas laisser cet endroit en de mauvaises mains, elle a désigné Madelyne Pryor pour lui succéder, malgré les réticences de Dani Moonstar et Rahne Sinclair.

Les Limbes sont l'équivalent de la forêt dans laquelle la jeune fille se perd et dont elle cherche à sortir, en traversant mille périples. De façon symbolique, elle perd vite l'instrument de pouvoir qu'elle avait (ici la Soulsword) et redevient la petite fille apeurée qu'elle fut et dont la détermination est mise à rude épreuve. L'ogre est joué par S'ym, aux trousses d'Ilyana pour le compte d'un puissant sorcier, Belasco, qui retint jadis la jeune fille dans cet enfer. Pour l'accompagner dans ce chemin de croix, elle peut compter sur des alliées (Mirage, Felina, et dans une certaine mesure Madelyne Pryor), mais va aussi faire des rencontres révélatrices, comme ici une version plus âgée d'elle-même.

Comme à son habitude, Vita Ayala écrit de façon très dense. Chaque page revêt une exceptionnelle intensité, le sort des personnages est vraiment compromis, il y a un suspense très tendu et des coups de théâtre fracassants dont l'impact ne se limitera certainement pas à ce seul épisode. C'était déjà le cas dans la saga du Roi d'Ombre, son précédent arc (même si je pense que cette nouvelle histoire sera plus courte). En tout cas, il y a une volonté affichée d'emmener Ilyana Rasputin vers un autre point de son existence et on peut parier qu'elle ralliera Krakoa vraiment changée (et que ce changement ne sera pas contenue à elle seule). De même, il y a encore la figure d'un personnage surpuissant, dominateur, manipulateur (le Roi d'Ombre hier, Belasco aujourd'hui) et la prédominace des héroïnes (mais sans jamais que cela paraisse forcé).

L'intensité susmentionnée est servie par les dessins de Rod Reis qui investit le cadre avec une puissance évocatrice épatante. Grâce à son usage des techniques mixtes (bien que dominées par l'infographie), l'artiste parvient à produire des environnements hostiles et esthétiques, ici un paysage balayé par les vents et enneigé, une forteresse perdue au milieu de nulle part et assaillie par des technarques. 

A contrario, quand il s'agit de mettre en scène l'action, Reis privilégie des fonds neutres afin que les personnages deviennent les seuls éléments retenant notre attention. Le découpage devient très épuré, avec un nombre de cases limité pour appuyer chaque mouvement et optimiser chaque coup. Le duel entre la vieille Ilyana et S'ym devient fulgurant et brutal, avec comme issue un réglement de la situation conforme à l'idée de Magik (couper la tête de l'ennemi pour provoquer la fuite de son armée).

Comme lors du n° précédent, l'épisode de clot sur un flashback quand Ilyana était captive de Belasco et apprenait les rudiments de sa magie, notamment pour gagner le soutien d'autres prisonnières du démon. Jan Duursema signe deux planches, d'un trait beaucoup plus classique que Reis, mais l'effet, sobre, éprouvé, fonctionne par contraste avec les pages plus flamboyantes qui ont précédé.

L'important reste qu'on est incapable de deviner où la suite va nous mener et c'est délectable. New Mutants conserve son excellence intacte, pour notre plus grand plaisir.

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