vendredi 24 juin 2022

FABLES #152, de Bill Willingham et Mark Buckingham


Cela fait quand même un drôle d'effet de nos jours de s'atteler à la critique du n°152 d'une série. Surtout après que ladîte série s'est interrompue pendant dix ans. Mais ça prouve que l'oeuvre de Bill Willingham occupe une place à part dans les comics. Le scénariste ne va pas vite, il en est encore à exposer son retour, mais ça ne signifie pas qu'il ne se passe rien. Et puis on se régale avec les superbes planches de Mark Buckingham.


Morgue de New York. Cendrillon revient à elle devant les yeux médusés du médecin-légiste. Il extrait de sa cuisse l'artefact qui lui a permis de revenir d'entre les morts. Et doit lui trouver des vêtements...


La nouvelle Jack in the Green s'installe, sans se gêner, chez son prédécesseur. Il commence à la former et lui confie son arme la plus puissante, la flèche de Thanatos.


Fabletown. Gepetto pense déjà à reconquérir les royaumes à la faveur du chaos qui règne. mais Peter Pan le neutralise avec Clochette et part à la recherche d'un territoire encore viable.
 

La Ferme des animaux. Stinky (alias Brock Blueheart) s'installe avec quelques amis dans l'ancienne maison tenue par Rose Red. Bigby Wolf et Blanche Neige achèvent la construction de leur nouveau foyer...

Ce résumé prouve bien que Bill Willingham n'est pas pressé. Et en même temps qu'il expédie quelques éléments de manière express et étonnante. On peut interpréter cela comme une volonté d'endormir le lecteur puis de le piquer au vif au moment où il pourrait piquer du nez.

De façon classique, éprouvée même, le scénariste divise l'épisode de ce mois-ci (comme du mois dernier) en séquences, correspondant chacune à un endroit et à un personnage. On saute d'un site à un autre, d'une situation à une autre, d'un protagoniste à un autre. Cela est distrayant, et donne au lecteur à picorer, sans le brusquer.

Pour l'instant, donc, impossible d'anticiper sur l'éventualité que ces personnages, aux quatre vents, se croiseront, dans quelles circonstances. Rien ne les relie, sinon leur appartenance à l'imaginaire collectif, au monde des Fables. Il apparaît cependant certain que si Willingham les a choisis, porte notre attention sur eux, c'est bien pour, au final, qu'ils se rencontrent, sans doute s'affrontent. Pour quel gain ? Mystère.

Nous avons donc Cendrillon qui s'est réveillée à la morgue de New York et qui est revenue à la vie grâce à un artefact implanté dans une de ses cuisses. Mais il lui faut s'en débarrasser vite car ce qui l'a sauvée est toxique et peut la tueur définitivement désormais.

Willingham joue malicieusement de la situation, avec une dose d'érotisme inattendue car progressivement, dans cette séquence, Cendrillon reprend forme humaine et elle est nue comme un crime. L'effroi du médécein-légiste nuance le trouble du lecteur. Que va-t-elle faire une fois dehors ? 

Puis c'est au tour de Jack in the Green. Cette jeune femme, Gwen, a un aplomb séduisant, presque suffisant. Elle s'établit sans demander son avis à son prédécesseur chez lui, arguant qu'il y a de place pour deux - elle n'a pas tort, objectivement, vu la taille de la cabane dans l'arbre qu'il occupe.

Puis il commence à l'entraîner, mis devant le fait accompli. Gwen étant armée d'un arc, il lui donne une flèche redoutable, celle de Thanatos, la plus puissante de toutes, mais à ne tirer qu'en dernier ressort. Willingham a encore su créer (ou revisiter) une figure avec beaucoup d'esprit, et le ton des échanges entre le maître soumis et l'élève insolente est savoureux.

Là où l'épisode offre ce qu'il a de meilleur tient dans la séquence avec Gepetto et Peter Pan. Gepetto parle de profiter du chaos consécutif à la révélation de Fabletown pour repartir en conquête. Mais Peter resurgit aussitôt pour l'en empêcher. Il neutralise le tailleur de bois avec l'aide de la fée Clochette de façon radicale et rapide avant de l'abandonner dans les gravats.

Bien entendu, il faudrait être naïf pour croire que le cas de Gepetto en restera là. Je n'imagine pas une seconde que Willingham s'en soit débarrassé ainsi - et peut-être que Cendrillon va repasser par les ruines de Fabletown en tombant sur le cocon dans lequel est enfermé, miniaturisé, Gepetto...

Les deux scènes en miroir de Stinky et de la famille Wolf sont plus anecdotiques. Mais là aussi, elles sont toutes sauf innocentes : si Willingham nous montre ces personnages, c'est bien pour indiquer qu'ils vont servir. Pour Bigby, Blanche Neige et leurs marmaille, c'était prévisible, étant donné qu'ils sont les vedettes de la série depuis son origine. Pour Stinky et les animaux dans la Ferme, c'est plus nébuleux, mais Stinky a joué dans des arcs importants de la série, portant le deuil de Boy Blue, devenant un membre de la Super Team contre Mr. Dark...

Cette collection de scènes éparses peut décontenancer, et même décevoir, mais nous n'en sommes qu'au deuxième chapitre d'une histoire qui en comptera douze, donc on peut estimer que le scénariste veuille ménager sa monture. Prises individuellement, elles sont toutes assez accrocheuses, avec de la personnalité, et entre personnages connus et nouveaux visages le castng est déjà riche, fournissant autant de pistes narratives.

En outre, si on peut trouver que tout ça ne bouge pas assez vite, il ya les dessins de Mark Buckingham pour se sustanter. Chaque planche est merveilleusement ouvragée, avec un luxe de détails dans les décors exceptionnel. Le trait du dessinateur est précis et vif à la fois, il maîtrise cet univers, ses codes avec une qualité indéniable, sachant rendre attractif des héros familiers comme récemment introduits.

Plutôt que déception, je parlerai donc d'expectative. C'est le cas typique d'un épisode de transition. On ne sait pas où ça va, mais c'est beau à lire et intrigant à suivre. En attendant plus de mouvements et de croisements... Mais après 150 épisodes, le vrai fan de Fables sait se montrer patient.

La variant cover de Mark Buckingham.

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