jeudi 19 mai 2022

NEW MUTANTS #25, de Vita Ayala, Rod Reis et Jan Duursema


Il s'est fait attendre, ce 25ème épisode de New Mutants (le n°24 datait de Février dernier) mais enfin le voilà ! Ce titre, un des meilleurs de la franchise X depuis sa refondation par Jonathan Hickman, a trouvé un second souffle grâce à l'écriture dense et efficace de Vita Ayala qui nous embarque dans une nouvelle aventure, toujours aux côtés de Rod Reis au dessin, avec Magik en vedette.


Les Limbes. Belasco arme S'ym d'une massue magique en prévision d'un combat imminent. Krakoa. Après s'être entraînée avec Mirage et Felina, Magik est rejointe par Madelyne Prior.


Les quatre femmes partent pour les Limbes car Magik a décidé de tourner cette page de son existence en confiant ce royaume à Madelyne. Pour formaliser cette transition, elle a rédigé un contrat.


Mais avant la signature, Mirage et Felina expriment leurs doutes, doutant de Madelyne. Pour Magik, c'est la meilleure candidate et si elle entend la méfiance de ses amies, elle croit en sa successeur.


Mais la cérémonie est intrrompue par l'attaque d'une horde de démons menée par S'ym. Magik se jette sur lui et son épée frappe la massue de son ennemie pour un résultat terrible.


Autrefois, prisonnière de Belasco, Ilyana Rasputin traîne dans la bibliothèque de son geôlier à la rechercue d'un moyen de s'évader des Limbes. Ou d'une façon de vaincre le démon...

New Mutants revient, sans être renuméroté, et c'est judicieux car Vita Ayala est toujours aux commandes de la série et entame un nouvel arc après sa longue saga sur le Roi d'Ombre. La scénariste a gagné ces privilèges par la qualité de son travail, ayant repris le titre quand il était au plus bas (commercialement et artistiquement). Mine de rien, elle a imposé New Mutants comme un des meilleurs titres de la refondation de la franchise X de Hickman.

On savait depuis un moment que la vedette de ce nouvel arc narratif serait Ilyana Rasputin alias Magik (je sais, en vf, c'est Magie, mais pour une fois je reste sur la vo, qui claque plus, à laquelle je suis plus habitué). C'est mérité car le personnage, en plus d'être charismatique, était un peu en retrait durant la saga du Roi d'Ombre, alors que dans la société krakoane elle fait partie des capitaines (responsables des forces de l'ordre).

C'est justement à l'agenda de ministre de Magik que s'intéresse Ayala : Ilyana est donc une capitaine de Krakoa, une membre fondatrice des Nouveaux Mutants, mais aussi, encore, la reine des Limbes. Encore enfant, elle fut arrachée aux siens par le démon Belasco qui dominait de royaume des enfers et où le temps s'écoule différemment de celui dans notre dimension. Absente quelques instants, elle est réapparue adolescente et dotée de pouvoirs immenses acquis aux côtés puis contre son geôlier.

Dès les premières pages, par le truchement d'une fable racontée en parallèle de son récit, Ayala insiste sur ce séjour traumatisant dans les Limbes qui a décidé Magik à tourner la page. Pour cela, elle ne compte bien entendu pas abandonner cette dimension infernale mais la confier à quel'un qu'elle juge digne du poste. Ainsi pourra-t-elle non seulement passer à autre chose, mais surtout s'occuper vraiment de l'éducation et de la formation de jeunes mutants sur Krakoa aux côtés de ses amis et remplir pleinement son rôle de capitaine de Krakoa.

Contre toute attente, et surtout contre l'avis de Mirage et Felina, Magik a souhaité que Madelyne Pryor lui succède. Celle-ci est une vieille connaissance des mutants : sosie de Jean Grey, elle fut l'amante de Cyclope, puis de Havok. Entre les bras des deux frères, devenue folle après avoir été abandonné par Scott Summers lors du retour à la vie de Jean Grey, elle a fait alliance avec le démon N'astirh et Mr. Sinistre (qui l'avait créé à partir de l'ADN de Jean Grey) pour déclencher l'Inferno (crossover de 1989). Récemment, Havok a fait pression sur Cyclope et le conseil de Krakoa pour qu'elle soit ressucitée (c'est ainsi qu'elle est le premier clone à avoir eu ce privilège).

Si son esprit semble avoir été purgé de ses mauvais penchants, Madelyne n'a toujours pas la confiance de tous, loin s'en faut. Mais sa connaissance des arts occultes et son envie de prouver qu'elle mérite une seconde chance ont convaincu Magik. Celle-ci a préparé un contrat et est sur le point de soulager Mirage et Felina lorsque des démons attaquent... Avec des conséquences dramatiques.

Vita Ayala a une écriture dense : ses épisodes sont toujours bien remplis, riches en rebondissements, avec une caractérisation approfondie, des enjeux importants. Elle n'est pas là pour faire du remplissage, chaque page, chaque chapitre compte, ça bouge, il y a des conséquences : New Mutants #25 le rappelle avec à-propos. En plus de la trame principale, il y a donc une deuxième couche, allégorique, en forme de fable, sur l'histoire d'un lutin persécuté par un démon qui trouve trois protectrices pour l'affronter. Et, à la toute fin, on a droit à un flashback sur l'enfance d'Ilyana dans les Limbes.

Pourtant, c'est fluide, captivant, jamais lourd, jamais indigeste. Ayala se distingue par une volonté affichée de raconter quelque chose de consistant, qui ne soit pas que divertissant. Elle a des projets pour ses personnages, veut les faire évoluer, leur imposer des épreuves, une adversité qui les révèle. Et elle organise tout ça au sein d'une construction tendue, intense, puissante. Avec Magik, elle tient une héroïne au potentiel énorme et on sent qu'elle a potassé le sujet, que Ilyana ne sera pas la même à la fin de cette histoire.

Par ailleurs, le succès d'Ayala s'est bâti sur sa complicité avec le dessinateur Rod Reis. Elle a trouvé en lui un artiste à sa mesure, capable d'intégrer ses exigences narratives et de les sublimer par un style très personnel, avec une influence marquée par Bill Sienkiewicz, sans doute celui qui le plus marqué la série par ses audaces formelles.

Rod Reis mixe comme d'habitude les techniques et les procédés de mise en scène. Pour la fable du lutain, il impose des pleines pages comme des tableaux tels qu'on en trouve dans des éditions illustrées de romans ou de contes. C'est déjà superbe car on peut apprécier le sens de la composition de Reis en même temps que les effets esthétiques qu'il adapte à ce niveau du récit.

Pour l'action principale, le découpage semble élaboré de manière à s'assurer que le lecteur ne sache jamais ce qui va se passer, et cette imprévisibilité visuelle est imparable. Reis passe d'une double page très nerveuse pour l'entraînement entre Magik, Mirage et Felina ou la charge des démons dans le palais de Magik, à des pages uniquement conçues avec des cases occupant toute la largeur de la bande quand il faut déployer un dialogue entre Magik et Madelyne dans la bibliothèque. Parfois, encore, il ouvre une planche par un plan d'un personnage de plein pied, sans cadre ni décor, avant d'enchaîner par des vignettes aux fonds tout aussi dépouillés mais dont la valeur insiste sur les visages, leurs expressions, pour créer un contraste saisissant.

Surtout, ce qui frappe peut-être le plus, c'est qu'entre le style de Reis et l'écriture de Ayala, on oublie qu'on est en train de lire un comic-book super-héroïque. Tout contribue à assembler les éléments narratifs, écrit comme graphique, pour banaliser l'image alors même que le look des personnages (notamment l'extravagante tenue de Madelyne) et les décors (principalement dans les Limbes) sont fantaisistes. Seul le plaisir de la lecture compte alors, nous sommes entraînés très rapidement dans une histoire où tout est raccord entre l'auteur et l'artiste, de telle sorte que le lecteur est immergé dans une expérience fascinante.

Les ultimes pages de l'épisode, dessinées par l'illustratrice Jan Duursema tranchent radicalement. On est loin de ce qu'elle a produit de meilleur, notamment quand on se souvient de ses travaux sur les séries Star Wars, mais il fallait de toute façon quelqu'un de totalement différent de Reis pour ce passage. A voir si elle reviendra (comme je le pense, car j'ai l'impression que ces flashbacks soutiennent une idée fil rouge dans l'intrigue de Ayala).

Retour gagnant donc pour New Mutants. Si vosu demeurez sceptique sur l'ère de Krakoa dans l'univers X, c'est sans doute la série la plus fidèle à ce qu'on a pu aimer avec ces personnages, tout en étant remarquablement exploitée par son équipe artistique.

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