jeudi 19 mai 2022

BATMAN - SUPERMAN : WORLD'S FINEST #3, de Mark Waid et Dan Mora


Troisième numéro pour ce qui est, sans doute, à mes yeux en tout cas, la meilleure série DC actuellement : Batman - Superman : Wolrd's Finest est un régal chaque fois renouvelé. On lit ça avec la banane, on tourne les pages épaté par la fluidité de la narration, le brio de l'écriture, l'efficacité du dessin. Mark Waid + Dan Mora = dream team !


Superman réussit à rompre le charme lancé par Felix Faust qui faisait croire à Batman qu'il était en enfer avec Billy Batson. Le sorcier vaincu, les deux héros partent aider leurs amis de la Justice League.


Pendant ce temps, la Doom Patrol est en Suisse à la recherche du général Immortus. Mais celui-ci est devenu sénile. Ses visiteurs évoquent le dieu Nezha, il ne se souvient que de l'île Corto Maltese.


De leur côté, en Chine, dans un lointain passé, Robin et Supergirl convainquent difficilement les Guerriers de Ji de leur raconter comment ils ont vaincu Nezha.


Superman et Batman se rendent à Central City et affrontent le Dr. Alchemy et le Maître des Miroirs qui attaquent Flash et Wonder Woman. Jusqu'à ce qu'ils soient piégés par un de leurs amis...

Lire Batman - Superman : World's Finest est une expérience étrange tant cette série ne ressemble à rien de ce que publie un éditeur comme DC (et même comme Marvel). Il y a dans ce titre un esprit, un ton différents, la volonté de revenir aux sources du divertissement. Presque un manifeste.

Ce troisième épisode illustre parfaitement ce que je ressens : l'intro est un leurre rompu facilement, et la suite est un enchaînement de scènes sur un rythme très soutenu, avec des personnages haut en couleurs, dans des décors insensés, qui servent une intrigue délirante. Tout est coloré dans ce comic-book, tout est facile à suivre. Ce qui ne signifie pas que c'est fait avec désinvolture.

Car ce qui distingue le travail de Mark Waid, c'est bien l'exigence. Il a de l'expérience, une culture comics faramineuse, il sait où il va et ne s'embarrasse pas/plus de manières. Mais c'est parce qu'il a confiance dans le lecteur, il mise sur son intelligence et sa complicité, et surtout il a à coeur de lui proposer quelque chose qu'il ne lit plus depuis belle lurette.

On pourrait dire que c'est rétro, vintage, classique. Ce ne serait pas faux, mais on risquerait de faire passer cette série pour un produit opportuniste, démodé, limite parodique. En vérité, ce que vise Waid, c'est renouer avec une forme de noblesse du genre. Ici, pas de méta-texte, pas de truc pour faire plus malin, pas d'effets de manche, pas de pose. World's Finest, c'est le retour à du comics qui s'assume, avec des héros sans ambiguïté, des vilains sans excuses, de l'action tout azimut, de la positivité, de l'énergie.

Au fond, qu'est-ce qui est prouvé ici ? Qu'il n'est nul besoin de réinventer (ou prétendre réinventer) la roue pour avancer. Les super-héros n'ont pas besoin d'être déconstruits et le genre super-héroïque n'a pas besoin d'être retaillé pour avoir l'air moderne. Si les personnages et leurs histoires sont bonnes, c'est intemporel. Si on écrit Superman comme un boy-scout, Batman comme un détective taciturne, hé bien, ça fonctionne encore. Waid le sait parce qu'il a écrit ces personnages iconiques dans un post-classique des comics (Kingdom Come) et il a appris que, même déplacé dans un contexte futuriste, face à des personnages reflétant ce qui a fonctionné dans les années 90, ce qui subsiste, c'est leur essence, leur personnalité veritable et les récits qui ont fait leur gloire.

Ainsi, les voir tenter de contrecarrer les plans d'un dieu maléfique dans des scènes archétypales, avec voyages dans le temps, pièges redoutables, coups de théâtre, seconds rôles en soutien (et pas seulement figurants faire-valoir), c'est renouer avec l'héroïsme le plus basique mais surtout le plus authentique, sans avoir à faire de Superman un type qui voit rouge (référence au Man of Steel de Zack Snyder) ou de Batman un justicier sempiternellement tourmenté (et qu'il faut éplucher comme un oignon pour trouver son coeur). Laissez les héros être ce qu'ils sont, tels qu'ils ont été créés et ça fonctionne (encore) : c'est la profession de foi du scénariste.

Bien entendu, comme les comics sont une affaire d'équipe, si le propos de l'auteur n'est pas soutenu par l'artiste, c'est un coup d'épée dans l'eau. Mais, ça tombe bien, en plus d'être fabuleusement doué, Dan Mora est sur la même longueur d'ondes que Waid.

Après avoir collaboré avec Mariko Tamaki, qui, à sa manière, incarne cette génération d'auteurs qui croit en la régénérescence des héros grâce à leur transfert dans des zones incongrues, et avec Kieron Gillen, qui se complaît dans un commentaire sarcastique sur les mythologies, Mora met son dynamisme au service du script premier degré à donf de Waid.

Avec sa fidèle coloriste Tamra Bonvillain, Mora dessine la série comme le manifeste implicite qu'elle est : quelque chose d'immédiatement plaisant, tonique et emblématique. C'est un artiste qui a un sens inné de la mise en scène : la valeur des plans, les angles de vue, il maîtrise et trouve toujours la bonne distance, le bon point de vue. C'est lisible sans effort, à l'instar de son trait, qui donne cette impression d'aisance insolente.

Tout est punchy chez Mora : il n'a pas besoin de beaucoup de cases pour poser un décor, une situation et les rendre attractifs. Idem pour les personnages qu'il a constamment à coeur de représenter de manière efficace et sexy - pas sexualisée, mais sexy, attirant. Du coup, on éprouve de l'intérêt pour eux, on esr subjugué par leur séduction, leur puissance. Même les freaks de la Doom Patrol renouent avec l'élégance de leurs débuts (quand Bruno Premiani les dessinait).

Difficile de surpasser tant de compétences. Mais si vous voulez retrouver ce qui vous rendait fou, gamin, avec vos premiers comics, alors Batman - Superman : World's Finest est pour vous.

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