vendredi 15 avril 2022

ETERNALS #11, de Kieron Gillen et Guiu Vilanova


Ce onzième étpisode de Eternals est tout simplement horripilant, de la première à la dernière page. Kieron Gillen fait le malin mais ne provoque que de l'irritation chez le lecteur avec une narration qui se veut ironique, distanciée. Esad Ribic ne signe que la couverture, laissant à Guiu Vilanova les pages intérieures, qui oscille entre le moyen et le moche. Un lamentable gâchis.
 

Pour gagner du temps afin que Ajak et Makkari extirpe des informations au Céleste mort qui sert de Q.G. aux Avengers, Kingo part défier ces derniers mais il est vite démasqué.


Il ne peut compter que les renforts d'Ikaris et Thena partis sauver la bourgade de Little Hollow sur le point d'être rasée par Thanos, cherchant, lui, à soutirer des informations à son père.


Druig propose au titan fou un autre moyen d'arriver à ses fins en eplorant télépathiquement le subconscient du père de Thanos.


Tandis que Black Panther et Captain America se chargent de Kingo, Iron Man, Captain Marvel, Thor et Echo rejoignent Little Hollow où ils demandent des comptes à Ikaris, Thena et Gilgamesh...

Je ne peux le certifier, mais en lisant ce deuxième arc de Eternals jusqu'à présent, c'est comme si Kieron Gillen cherchait à saboter sa série, détruisant méthodiquement tout ce qui avait impressionné le lecteur dans les cinq premiers épisodes. Si c'est le cas, c'est réussi. Mais c'est épouvantable à lire tellement c'est horripilant.

Comme il aime à le faire, que ce soit dans Eternals ou Immortal X-Men, Gillen emploie une voix off distanciée, qui lui permet de commenter le récit en s'amusant des déboires de ses personnages. Dans Immortal X-Men, le narrateur est Mr. Sinistre, caractérisé comme une commère et un bouffon (mais cela ne date pas de Gillen). Dans Eternals, c'est la fameuse Machine, ce dispositif qui sait tout sur tout, permet de ressuciter les Eternels, de les prévenir de menaces, etc.

Ce dispositif est le plus souvent insupportable si on n'en use pas avec mesure. Et Gillen a choisi délibérément d'en abuser. L'ironie se change plus souvent qu'à son tour en voix moqueuse, sarcastique, pour suggérer que la Machine ne fonctionne plus, qu'elle est déréglée et qu'elle en a conscience. Elle ricane des manoeuvres chaotiques des Eternels et des répliques anarchiques de ceux qui les affrontent, commentent les actions laborieuses de Thanos et Druig.

Introduire de l'ironie dans un récit qui doit pourtant faire croire au lecteur que ce qui se joue est dramatique revient à se tirer une balle dans le pied. Comment en effet croire que ce qu'on lit a une quelconque gravité si le narrateur omniscient vous parle d'un ton amusé ? C'était pourtant visiblement le pari de Gillen, mais c'est un pari idiot puisqu'il traite les événements comme s'ils étaient sans conséquence.

Surtout Gillen est bavard et donc cette voix off est très présente, donc elle devient vite insupportable. Combien de fois en une vingtaine de pages a-t-on envie de lui dire de se taire tout en sachant que notre supplique restera sans effet ? L'effet supposément comique est devenu lassant, et la distanciation s'est muée en une sorte de condescendance. Car, c'est là où le bât blesse : on a surtout l'impression que Gillen se sent plus intelligent, plus malin et regarde tout ça, la série, l'histoire, les personnages et même le lecteur, de haut, en considérant que l'ensemble est bien pathétique, bien grossier par rapport à son esprit si raffiné.

Passons là encore. Car si Gillen avait le même talent que, disons, Alan Moore, Frank Miller ou Neil Gaiman (qui l'a précédé sur Eternals, avec bien plus de talent et d'intelligence, mais aussi de respect), on pourrait lui accorder qu'il écrit ça avec une volonté déconstructrice assez audacieuse. Mais ce serait lui accorder une intention qu'il n'a pas et du talent qu'il gaspille. Non, c'est bien de la suffisance qu'on sent : il n'aime pas ses personnages, il se fout de leur histoire, les scène s'enchaînent sans relief, la caractérisation est terne au possible, le récit est décousu, trop découpé pour qu'on ait le temps de s'attacher à une ou l'autre des parties qui le composent.

Au fond, qui se soucie de Phastos qu'on n'a plus vu depuis trop longtemps alors que ses copains Eternels sont censés le sauver ? Qui ressent une quelconque émotion devant les tactiques affreuses (mais désamorcées par le verbe de Gillen) de Thanos (dont on ne sait plus trop ni pourquoi il s'encombre encore de Druig ni ce qu'il cherche vraiment à savoir) ? La seule chose claire dans ce salmigondis, c'est l'imminence de l'event Judgment Day qui justifie l'intrusian des Eternels dans le QG des Avengers, le combat ridicule entre Kingo et deux des héros, ou l'explication musclée entre Ikaris, Thena, Gilgamseh (qui repointe le bout de son nez comme ça, juste pour faire le nombre) et les autres Vengeurs ? Tout ça ne ressemble à rien et n'inspire que dépit et colère. C'est crétin, mais pas que...

... C'est aussi moche. Esad Ribic, qui ne faisait plus illusion, est absent des pages de cet épisode (dont il ne signe que la couverture, très générique). Guiu Vilanova, qui l'avait précédemment assisté, prend en charge les dessins de la totalité du numéro et il faut être peu regardant pour trouver ça plus concluant.

Encré très grassement, les pages sont au mieux moyenne, au pire franchment repoussantes. C'est horrible de voir les couleurs de Matthew Wilson perdues dans ce gloubi-boulga. Le découpage est paresseux, les scènes d'action sont maladroites, et les dialogues sont mal mis en valeur (de toute façon, ils sont déjà suffisamment mauvais).

Franchement, d'où sort ce rustre qui dessine avec une telle grossiéreté ? C'est là tout ce que Marvel a en réserve pour suppléer Ribic ? Y a-t-il un editor sur ce titre pour prévoir un coup de barre de l'artiste titulaire et qui possède un niveau technique décent ? C'est indécent de proposer ça, surtout à ce prix, en prétendant miser sur la série. C'est honteux. 

Cet arc s'achève le mois prochain et il est certain que j'arrêterai la série en même temps. Tout ça n'a été que de la poudre aux yeux, après un premier arc trompeur sur la qualité du projet. Mais ce n'est guère rassurant pour Immortal X-Men par ricochet et surtout pour Judgment Day (pour lequel on en est à espérer que Gillen sera du coup surveillé de près pour qu'il arrête de faire le malin avec sa narration)...

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