jeudi 14 avril 2022

X-MEN #10, de Gerry Duggan et Javier Pina


X-Men #10 confirme la bonne lancée de la série depuis quelques numéros. Il aura fallu être patient mais ça valait le coup. Certes Gerry Duggan n'est pas à l'aise pour animer l'équipe, mais quand il se concentre sur un personnage comme ce mois-ci, c'est très efficace et plaisant. Javier Pina remplace toujours aussi avantageusement Pepe Larraz (qui ne signe que la couverture, pas terrible).


Des repérages effectués depuis Arakko par Malicia indiquent des traces d'adamantium sur Phobos, la lune colonisée par Feilong et Orchis. Wolverine (Laura Kinney) part enquêter sur place.


Elle s'introduit dans le repaire de Feilong incognito et cherche le métal précieux. Et elle découvre qu'est détenue là Lady Deathstrike, à qui le Dr. Stasis a promis un antidote.


Wolverine exfiltre Lady Deathstrike mais Feilong surprend l'intruse et les expulse dans le vide sidéral. Malicia vole à leur secours. Elle récupère leurs corps. Sur Krakoa, on les ressucite.


Guidée par Destinée, Malicia contacte un ami au sujet de la localisation exacte du Gameworld...

Si on s'en tient aux déclarations initiales de Gerry Duggan quand il a débuté son run sur X-Men, il avait une histoire qui occuperait toute une année. Autrement dit, avec la parution de ce dixième numéro, on n'est plus très loin de l'échéance et on peut vérifier si le scénariste avait effectivement un plan.

Force est de reconnaître que si ce plan a eu du mal à s'affirmer, il se concrétise et devrait effectivement toucher son but juste avant l'event Judgment Day. L'ensemble a été décousu, mais les lignes narratives se rejoignent progressivement comme en atteste la fin de cet épisode.

Mais avant cela, X-Men #10 reprend une forme chère à Duggan depuis qu'il anime la série, et pour cause : c'est là où il donne le meilleur de lui-même. Pour le dire simplement, le scénariste ne m'a jamais paru à l'aise pour écrire l'équipe des X-Men en tant que telle. Il a essayé, au début, mais il a, à mes yeux, échoué, la montrant comme une formation invincible face aux menaces que lui envoyait Cordyceps Jones depuis le Gameworld. Etrangèment, c'est quand il réduisait l'effectif de l'équipe que Duggan semblait plus probant.

Puis il y a eu un tournant, net, avec le subplot concernant Captain Krakoa. Tout à coup, la série s'est trouvée une direction et un élément dramatique à exploiter - puisque Cyclope devait rester "mort" aux yeux du public, il a pris une nouvelle identité et les X-Men ont du même coup compris le vrai danger qu'incarnait Orchis, dont l'organisation se structurait mieux, avec le Dr. Stasis et Feilong.

Feilong en colonisant la lune de Mars/Arakko, est devenu le caillou dans le jardin des mutants, celui qui les provoquait ouvertement et ainsi détournait l'attention des X-Men. Exhibant, comme on l'apprend au début de ce numéro les restes de Nightcrawler (recueillis lors de la première attaque contre la station Orchis dans House of X #3-4) et recelant de l'adamantium, il génère du dégoût et de la curiosité chez les héros. 

Wolverine (Laura Kinney) décide d'enquêter au sujet du métal précieux, craignant que Orchis ne l'exploite pour cloner de nouvelles armes X (comme elle-même). Duggan ménage habilement la tension (lorsque Jean Grey tente de calmer Laura) et l'humour (les autres membres prennent les paris pour savoir combien de temps Wolverine restera sous les radars de Orchis pendant sa mission). On se rend surtout compte, depuis les runs de Tom Taylor et avant lui de Mariko Tamaki, à quel point Laura Kinney est devenue un personnage plus intéressant que Logan, revitalisant le nom de Wolverine.

Il ne s'agit pas ici d'un cas de remplacement ou de doublon, comme c'est:ce fut le cas pour Thor ou Spider-Man ou Captain America. C'est plus subtil et sensible car Laura a été conçue comme le clone de Logan. Comme Kitty Pryde, c'est aussi un personnage qu'on a vu grandir, mûrir, fait rare et notable. A tel point qu'un clone de clone a été créé avec Honey Badger/Scout (Gabby Kinney), tout aussi attachant (et vue dernièrement dans New Mutants). La force originelle de Logan, complètement laminée depuis, c'était son caractère d'outsider, tellement cool et féroce à la fois. Mais cela s'est usé car la popularité de Logan a conduit Marvel à le mettre partout, à n'importe quelle sauce (tueur, professeur, chef). Dans cette configuration, Laura Kinney représente ce que Logan n'est plus depuis belle lurette : cette X-woman allergique à l'autorité, solitaire par nature, mais sans l'omniprésence éditoriale de son aînée.

Aussi, en la mettant au centre de cet épisode, non seulement Duggan se montre inspirée (car elle se lance dans une mission sans demander la permission des autres) mais surtout il exploite le personnage avec justesse, efficace, redoutable, sans être la copie de Logan. Comme, en prime, Duggan l'a peu écrite depuis le début de son run, on apprécie qu'elle soit mise en avant. Le scénariste confirme surtout qu'il est nettement plus à l'aise avec une histoire character's driven, reposant sur un héros, qu'avec un groupe entier.

Le déroulement de l'épisode est maîtrisé et très divertissant. Il rapatrie Lady Deathstrike. Et, in fine, il relie cette histoire avec Gameworld, Cordyceps Jones, très présent au début de la série. L'apparition d'une guest-star à la dernière page est amusante, sans être déplacée (car c'est quelqu'un que Duggan a déjà écrit par le passé, qui n'est dans aucune autre série actuelle, et dont le rôle est logique).

Visuellement, Javier Pina dessine là son quatrième épisode, égalant le nombre de prestations de Pepe Larraz. Et c'est toujours aussi fou de voir qu'il s'investit franchement plus que son confrère, mais surtout qu'il le suppléé sans que la série n'en souffre qualitativement. 

Pina imite volontiers le trait de Larraz, mais ses planches sont plus soignées, mieux cadrées. Larraz est un grand talent, c'est indéniable, mais il ne m'a jamais donné l'impression d'être vraiment là depuis qu'il dessine X-Men, comme si, au fond, ça ne l'amusait pas, ça ne l'inspirait pas. On peut légitimement penser que Larraz s'épanouit davantage avec des scripts qui challengent plus ses capacités (comme lors de House of X ou Planet-Size X-Men).

En revanche, Pina s'éclate sur X-Men, il profite. C'est un titre béni pour un artiste en quête de reconnaissance (comme peuvent l'être Avengers ou Spider-Man), et il s'investit, ne s'économisant pas. Ses pages sont belles et percutantes, elles débordent d'énergie et il est très en forme ce mois-ci. Il maîtrise le casting, donne du souffle au récit, valorise le décor. Son découpage est très performant, avec des moments de tension parfaits, que subliment les couleurs de Marte Gracia.

Ce n'est pas que je n'ai pas envie de revoir Larraz, mais les épisodes de Pina méritent vraiment qu'il devienne l'artiste titulaire de la série, il le mérite, et je crois que les fans savent qu'ils ne perdent pas au change. Parfois, il faut savoir donner sa chance au remplaçant, à celui qu'on n'attendait pas et Pina me fait penser à la trajectoire de Schiti, qui a vraiment explosé sur Guardians of the Galaxy, où s'est imposé quand McNiven ou Pichelli étaient incapables d'enchaîner les épisodes.

C'est, je le dis dès maintenant, ma lecture préférée de cette semaine, dans les nouveautés parues depuis Mardi. Ce n'est pas un grand épisode, un super numéro, mais c'est un numéro qui fait le job, qui le fait vraiment bien. Si X-Men, c'est ça désormais, alors ne touchez plus rien : Duggan a trouvé son rythme de croisière, Pina a supplanté Larraz, et la première "saison" de l'ère Reign of X/Destiny of X promet de s'achever en beauté. En réclamer plus risquerait de provoquer plus de dégâts que de profits.

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