vendredi 21 janvier 2022

ETERNALS #9, de Kieron Gillen, Esad Ribic et Guiu Vilanova

 

Le déclin de la série Eternals se poursuit inéluctablement depuis le début de ce deuxième arc narratif. C'est étonnant comme Kieron Gillen semble avoir perdu son mojo, si rapidement. A tel point qu'en vérité on a davantage le sentiment de lire une série sur Thanos que sur les Eternels. Pour ne rien arranger, Esad Ribic pique franchement du nez et délègue une dizaine de pages à Guiu Vilanova pour un résultat très moyen.



Thanos a décidé de déployer une armée pour capturer Phastos et l'assaut est donné contre Lemuria, la capitale des Déviants où résident depuis peu un groupe d'Eternels. Sersi sonne le rassrmblement. Ikaris et Thena partent au combat tandis que Kingo est chargé de protéger Phastos.


Fidèle à lui-même, Thanos massacre des innocents et dévaste leur cité sans faire de quartier. Lorsque Ikaris arrive, le titan fou prend les choses en main et s'en prend aux Déviants pour qu'ils lui indiquent directement où trouver les Eternels.
 

C'est ainsi qu'il moleste Tolau et attire Thena. Elle négocie avec Thanos pour qu'il épargne son amant et finit par lui livrer l'adresse de l'endroit où se trouve Phastos. Mais Tolau voit sa dégénérescence s'accéler et Thena n'a d'autre choix que de l'achever par compassion.


Phastos aux mains de Thanos, les Eternels décident de se rendre à Celestia, où Ajak et Makkari leur expliquent que pour en savoir plus les faiblesses du titan, ils doivent s'introduire dans le Céleste mort qui sert désormais de QG aux Avengers...

Et si Kieron Gillen avait construit sa reprise de Eternals sous la forme d'une mini-série ? Si, comme chez DC avec le Black Label, il en avait tiré une histoire en dix ou douze épisodes ? Est-ce que ça n'aurait pas été mieux ?

Ces questions, on peut se les poser en comparant la qualité du premier arc, qui se concluait sur une révélation magistrale, et celle de ce deuxième arc, où le scénariste semble incapable de répéter son tour de force.

Pire que ça : la série fait clairement du surplace, et baisse inéxorablement en intensité. En vérité, il ne s'agit plus tellement d'une histoire avec les Eternels mais de plus en plus d'une intrigue autour de Thanos (d'ailleurs le titre de cet arc est Hail Thanos). Et si on en avait déjà un peu marre du titan (après dix ans passés à hanter le MCU) ou que ce méchant ne suscite aucun intérêt majeur chez le lecteur, l'ennui guette.

Ce neuvième épisode concentre un peu tout ce qu'on n'aime pas chez Gillen : des personnages monolithiques, nunidimensionnels, réduits à des fonctions. Des rebondissements artificiels. Un récit décompressé. On se détache de tout ce qu'il raconte parce que ce qu'il raconte n'est tout simplement pas accrocheur.

Pourquoi au juste Thanos veut-il capturer Phastos ? On l'a un peu oublié, et c'est déjà embêtant en soi. Mais la sauvagerie du titan, qui massacre les Déviants, que Gillen met en scène comme de la chair à canon (alors qu'ils sont censés être des guerriers redoutables, avec un chef puissant), devient malaisante. Si c'est pour souligner que Thanos est une ordure, merci, mais on le savait.

Outre le fait que les Déviants de Gillen ne valent donc rien, ses Eternels ne sont pas plus efficaces, incapables de ne serait-ce que freiner l'attaque de Thanos et son armée, alors que Ikaris est présenté comme un combattant surpuissant, que Sersi et Thena ne sont pas en reste. Druig, en complice de Thanos, n'est même pas inquiété, alors que les Eternels devraient avoir compris depuis un moment que, hors de leur champ de vision, il doit se planquer pour une bonne raison. 

Rien n'a de sens dans ce spectacle qui sonne creux. Le sort du pauvre Tolau est expédié sans émotion car on n'a pas eu l'occasion de vraiment s'attacher à lui. Kro, le chef des Déviants, est absent dans l'action et, de toute façon, encore une fois, il n'a rien de commun avec la créature terrifiante croquée par Kirby ou John Romita Jr. C'est un échec total. 

A force de déifier les Eternels, pour ensuite, dans ce deuxième arc, tenter de les rendre plus humains, plus conscients de leur vulnérabilité, Gillen les a réduits à l'état de personnages octoplasmiques, pour lesquels on a toutes les peines du monde à ressentir de la sympathie. Ils se méfient de tout et de tous, y compris d'eux-mêmes, et réagissent comme des automates (Thena n'hésite pas à tuer Tolau même si, elle verse ensuite une larme).

C'est un peu le syndrome du Dr. Manhattan : si vous animez un personnage quasi-divin sans contrepartie, sans contrebalance avec des personnages plus humains, empathiques, vous serez d'abord fascinés par sa puissance, son charisme, avant d'être largué par cet individu qui, lui, est indifférent à tout ce qui nous importe. Gillen a écrit les Eternels comme une équipe de Dr. Manhattan découvrant le prix à payer pour être des dieux, mais depuis cette découverte, il n'a absolument pas creusé la question, préférant se concentrer à nouveau sur un autre Dr. Manhattan avec Thanos.

Pour ne rien arranger, cet épisode est graphiquement une bouillie. Esad Ribic en dessine l'essentiel mais en délaissant de plus en plus les décors et les finitions. Coup de pompe ou lassitude ? Je l'ignore, mais l'artiste n'est clairement plus aussi investi. Il donne son maximum sur une page pour montrer les troupes de Thanos et leurs vaisseaux, puis ensuite se consacre aux personnages, dans des postures de plus en plus figées, avec des expressions amorphes, renforçant leur peu d'humanité.

Puis pendant une dizaine de pages (de la page 8 à 17 exactement), Guiu Vilanova suppléé Ribic et là, ce n'est plus du tout la même affaire. Le trait est gras, les attitudes sont maladroites, les expressions hideuses, les compositions brouillonnes. C'est moche tout simplement. Ni fait ni à faire. Pour une série qui s'est arrêtée pendant plusieurs mois en son premier et deuxième arc, c'est à la limite du foutage de gueule puisque ce hiatus devait permettre à Ribic de prendre de l'avance. Et au bout de quatre épisodes, il doit se faire aider. Et Marvel ne trouve rien de mieux que Vilanova pour ça. J'aurai préféré que l'épisode soit reporté d'un mois - même si, en vérité, le mal est ailleurs, plus profond, car c'est l'ensemble qui déçoit.

La chute de l'épisode, qui voit le retour de Ajak et Makkari (féminisées comme dans le film) et qui annonce une visite mouvementée chez les Avengers (et donc un prélude à l'event de l'été prochain Judgment Day), n'a rien de bien engageant (à moins d'adorer les bastons entre héros...). C'est vraiment ce qui s'appelle tomber de haut...

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