jeudi 20 janvier 2022

CATWOMAN #39, de Tini Howard et Nico Leon


C'est une reprise que j'attendais avec gourmandise, celle de Catwoman après le run de Ram V. C'est donc Tini Howard qui prend les commandes de la série en promettant de revenir aux fondamentaux, c'est-à-dire Selina Kyle en cambrioleuse de haut vol, frayant avec la pègre tout en refusant d'en faire partie. Le pari est audacieux, mais ce premier épisode est très encourageant, grâce aussi au dessin superbe de Nico Leon.



De retour à Gotham, en l'absence de Batman, Catwoman veut savoir qui tient les rênes du crime organisé et s'adresse pour cela à une vieille connaisssance, Eiko Hasigawa. Mais celle-ci, qui contrôle les docks, ne veut pas que Catwoman vienne l'embarrasser.


Prenant ses quartiers dans un palace où résident les femmes des principaux caïds, Selina peut collecter des infos à leur insu sur leurs maris en se joignant à leurs occupations. Mais, ensuite, elle découvre qu'un admirateur, Valmont, l'épie, sans, jure-t-il, servir personne.


Une réunion a lieu entre Eiko, Argos Ibanescu (qui contrôle la prostitution), Federico Tomasso, et Finbar Sullivan (qui règne sur les maisons de jeux). Tous veulent avoir accès aux docks mais Eiko n'est pas disposée à négocier facilement.


Catwoman interrompt ces palabres en défiant ces barons du crime organisé. Mais elle ignorait qu'un cinquième membre était invité et il s'agit de Roman Sionis alias Black Mask. Obligée de battre en retraite, elle trouve chez elle un présent laissé par Valmont qui va lui permettre de contre-attaquer...

Après Joelle Jones et Ram V, c'est donc au tour de Tini Howard de se faire les griffes sur Catwoman. Pour cela, elle n'a pas hésité à renoncer à son contrat d'exclusivité avec Marvel (chez qui elle écrivait Excalibur et pour lequel elle signera à partir d'Avril Knights of X), convaincant DC sur un pitch détaillé.

Je ne vais pas le cacher : je n'ai pas été un grand fan de ce que Howard a produit chez Marvel, Excalibur m'a perdu très vite. Mais en revanche, j'ai apprécié la complémentarité entre elle et Jonathan Hickman sur X of Swords. Qui plus est, Ram V est parti un peu brusquement de Catwoman et j'espérai que son successeur ait des projets à long terme pour la féline fatale.

Ce qui est amusant, c'est que, comme Ram V, Tini Howard démarre son run en présentant les méchants sur lesquels elle va s'appuyer. Nous faisons donc la connaissance de parrains évoluant à Gotham, et non plus seulement à Alleytown, quatre familles du crime organisé, avec chacune leur domaine de prédilection (prostitution, jeux, accès aux docks...). Ce qui permet de cerner la dangerosité de ces personnages et de planter le décor : la scénariste se démarque en n'utilisant pas des vilains comme le Pingouin ou le Sphinx. 

Un peu plus loin, apparaît un mystérieux individu, Valmont (référence assumé aux Liaisons Dangereuses de Choderlos de Laclos), que les scénariste prend soin de ne pas étiqueter, si ce n'est qu'il admire Catwoman, tout en ayant son propre agenda (mais lequel ? Patience.). En tout cas, il ne sert aucun des gangsters précités mais affiche une arrogance certaine.

Le but de Catwoman est lui-même sujet à interprétation : Howard nous fait comprendre qu'elle veut renouer avec la cambriole mais sans sombrer dans le grand banditisme. Il semble que Selina Kyle veut surtout prendre le pouls de ces crapules et s'assurer qu'ils ne l'embarrasseront pas dans ses activités. Elle agit bien à sa manière, avec culot, insolence, voire suffisance. Et quand Roman Sionis alias Black Mask s'invite dans la partie, tout le monde (elle, nous) comprend que la situation vient de basculer.

Là aussi, comme Ram V, Howard s'adresse aux fans du run de Ed Brubaker qui avait de Black Mask la némésis de Catwoman, dans une lutte culminant dans un épisode traumatique (Catwoman finissait pas tuer Sionis - mais nous parlons là d'une histoire qui a vingt ans et depuis DC s'est réinventé au moins deux fois, donc les compteurs sont remis à zéro concernant les morts). C'est prometteur, surtout si Howard reste plus longtemps sur le titre que Ram V.

L'autre écueil du run de son prédécesseur résidait dans la partie graphique. Tant que Fernando Blanco dessinait les scripts de Ram V (ou Otto Schmidt durant l'intermède Future State), tout était pour le mieux. Ensuite, ça a été plus difficile.

En débauchant Nico Leon de chez Marvel (où il jouait les fill-in de série en série), DC a fait preuve de flair car l'artiste épate (de chat). Récemment, en interview (pour Newsarama), Leon reconnaissait avoir hésité car il estimait que son style ne conviendrait peut-être pas à Catwoman. Mais il admettait aussi que c'était l'opportunité à la fois pour tenter d'évoluer esthétiquement et pour s'établir sur une série régulière. Il a donc beaucoup travaillé pour cette mission, s'exerçant notamment à rendre son dessin plus sombre mais aussi à peaufiner la texture vinyl du costume de Catwoman...

Jordie Bellaire est la seule rescapée de la précédente équipe, et elle soutient magnifiquement Leon dont le trait fin, précis et expressif fait merveille. Je ne l'attendais pas à ce niveau, mais franchement ses planches sont magnifiques. Le découpage est très dynamique et fluide, les compositions inspirées, les valeurs de plans toujours intelligentes, les angles de vue recherchés.

Bellaire a discuté avec Leon sur le look à donner à la série et ensemble ils ont donc opté pour une colorisation contrastée, qui n'hésite pas à pousser sur les des teintes prononcées. Ainsi, on évolue d'abord dans une ambiance assez froide, avec des bleu-gris, puis lors de la séquence de la réunion des quatre familles, les lumières dominantes virent au rose, presque fuschia, imitant des projecteurs d'un club. C'est audacieux mais réussi. Et cela fait passer le côté parfois un peu trop appliqué des fonds numérisés (les décors urbains des toits de Gotham, la suite épurée de Selina Kyle dans un étage désert en rénovation).

Cet épisode a tout pour séduire. Comme ce premier arc ne comptera que quatre numéros, on ne s'engage pas dans quelque chose d'interminable, et la narration est énergique. Bref, ça sent bon. De quoi ronronner. 

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