mardi 11 janvier 2022

DARK KNIGHTS OF STEEL #3, de Tom Taylor et Yasmine Putri


Pour le troisième épisode de Dark Knights of Steel, Tom Taylor lâche les chevaux : je ne m'attendais pas à un tel coup d'accélérateur, mais le scénariste brûle plusieurs cartouches alors qu'il atteint juste le premier quart de sa série. On ne s'ennuie pas en tout cas. Et visuellement, Yasmine Putri continue d'éblouir.


Une météorite s'écrase dans les terres du seigneur Magnus. Prévenu, Bruce décide d'aller sur place de quoi il s'agit avec l'accord de Dame Lara. Avant de partir avec Alfred, Bruce demande à Harley d'aller parler à la Dame de la forêt, même s'il devine que cela la contrariera.


Cependant, le roi Jefferson se rend sur l'île des Amazones, dont la reine Hippolyte vient d'apprendre le décès du fils de son visiteur. Face à la menace que représente la maison El, Jefferson obtient le soutien des amazones, ce qui révolte Diana, qui décide de retrouver Zara.


Celle-ci attaque après que Jefferson a repris la mer. Elle coule son bâteau et le tue. N'ayant pas vu venir cette agression, Constantine jure à Jefferson qu'il prendra soin de sa fille Anissa qui lui succédera sur le trône.


Au même moment, Bruce et Alfred arrivent sur le site du crash et ils découvrent les cadavres des Metal Men du seigneur Magnus. Puis dans un cratère, une roche verte qui provoque un malaise che Bruce. Alfred l'éloigne et va lui expliquer ce qui lui arrive en lui relatant ses origines...

Encore une fois, Tom Taylor mène son récit tambour battant. Il n'en est pourtant qu'au premier quart de sa mini-série, mais il ne va pas hésiter à enchaîner les péripéties pour que l'histoire bascule complètement, de telle manière que le lecteur soit déboussolé.

Si, bien entendu, le scénariste se permet tout cela, c'est qu'il a des munitions pour la suite. Quand on s'engage pour douze épisodes, c'est plus prudent, mais c'est tout de même étonnant .

Tout commence par le crash d'une météorite, observé par Jimmy Olsen, un jeune astronome. Mis au courant, Bruce et Alfred partent enquêter sur place. Taylor s'amuse déjà en rédigeant des dialogues ironiques : Kal-El refuse de croire à une quelconque prophétie qu'évoque Bruce au prétexte que la planète dont il vient n'admettait pas ces fadaises - or on sait que Krypton a dû sa perte à de mauvais augures niés par ses autorités politiques. Taylor glisse aussi une allusion à une mystérieuse Dame de la forêt avec laquelle Harley Quinn a des contacts et bien sûr le lecteur aura deviné qu'il s'agit de Poison Ivy (mais il faudra attendre encore un peu pour voir à quoi elle ressemble dans ce contexte).

Pendant ce temps, comme un fil rouge (rouge sang !), on suit les pérégrinations vengeresses de Zara qui massacre les Metal Men du seigneur Magnus (sur les terres duquel s'est écrasée la météorite). Que Taylor ait convoqué des versions médiévales des Metal Men pour aussi vite les tuer est un indice sur la progression fulgurante de l'intrigue et il y a fort à parier qu'on aura droit à d'autres caméos de ge genre car c'est distrayant de puiser dans l'abondant catalogue de personnages de DC même pour de la figuration. 

La séquence forte de l'épisode se situe juste après avec la visite du roi Jefferson aux amazones pour sceller une alliance contre la maison El. La mise en scène est parfaite (Jefferson n'a pas le droit de poser un pied sur la terre sacrée de ses hôtesses) et les palabres se poursuivent dans le bâteau du régent. Tom Taylor oppose habilement le caractère impétueux du roi, qui plus est meurtri par le décès de son fils, au calme autoritaire d'Hippolyte et à la fougue de Diana. Le pacte qui est signé voit cette dernière partir à la recherche de Zara qu'elle refuse de considérer comme une meurtrière (et pour cause : c'est son amante). Mais le choix de Diana va sûrement avoir de lourdes conséquences par la suite.

Enfin, dans la dernière partie de l'épisode, où Zara tue Jefferson et Bruce découvre la part maudite de sa nature (puisqu'il est à moitié kryptonien et que la météorite contient de la kryptonite), le scénario s'emballe à nouveau. J'avoue que la mort de Jefferson m'a sidéré parce que je ne pensais pas une minute que Taylor sacrifierait ce personnage aussi vite, aussi brutalement. Voilà toutes les cartes rebattues et on se demande à la fois jusqu'où Zara va aller dans sa vendetta, mais aussi comment le camp du roi va réagir, juste après son alliance avec les amazones et avec Anissa Jefferson sur le trône, avec Constantine comme conseiller.

Ce qui est certain, c'est que, encore une fois, Tom Taylor est vraiment dans son élément avec cet "elseworld". Il peut tout se permettre et maîtrise parfaitement sa narration. Ah, si Marvel donnaît de pareilles libertés à ses scénaristes en dehors des séries régulières, je serais curieux de voir ce qui serait produit... Mais DC me régale avec ces mini-séries dépaysantes, débarrassées du poids de la continuité mais bourrées d'easter eggs (sans que cela ne parasite la lecture des non initiés).

Et puis la réussite de ces projets passe par la qualité des artistes associés. Yasmine Putri est une révélation. Certes elle était déjà une cover-artist de talent, que j'appréciai, mais comment imaginer qu'elle serait une narratrice graphique aussi accomplie ?

Ce qui me frappe peut-être le plus dans son travail, c'est son sens de la composition. Elle sait parfaitement occuper l'espace, disposer les personnages, jouer avec les angles de vue, la valeur des plans. Pour quelqu'un que je je n'ai jamais vu à l'oeuvre sur des planches intérieures, elle affiche une maturité époustouflante. Les personnages ont du charisme, on les identifie clairement (même si, comme je l'ai soulevé dans la critique du précédent numéro, Kal et Bruce se ressemblent beaucoup).

Surtout, Putri n'a pas peur et elle possède une technique impeccable. Il en faut à la fois pour découper un dialogue aussi intense que la discussion entre Jefferson, Hippolyte et Diana, tout comme il en faut pour réaliser l'attaque du navire du roi - un moment spectaculaire, violent, fulgurant. Le bâteau est magnifique et l'action est explosive mais toujours lisible.

Espérons que ça continue sur des bases aussi élevées, sachant que le prochain chapitre sera dessiné par Bengal (pour permettre à Yasmine Putri de souffler, même si elle signera la couverture). En tout cas, Tom Taylor propose un divertissement de haute volée, imprévisible et énergique.

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