vendredi 2 juillet 2021

CATWOMAN ANNUAL 2021 #1, de Ram V, Fernando Blanco, Kyle Hotz et Juan Ferreyra


Un Annual est toujours un exercice particulier : en raison de son format (plus long qu'un épisode classique), de sa parution (une fois l'an donc) et parfois de l'équipe artistique qui s'en occupe (et qui peut ne pas être celle de la série à laquelle il s'intègre). Mais Ram V reste aux manettes pour ce n° de Catwoman, où il révèle les origines du Père Vallée, le mystérieux tueur lancé aux trousses de Selina Kyle. Il peut s'appuyer sur trois dessinateurs aux personnalités graphiques fortes pour cela.


De nos jours, à Gotham. Laissé pour mort dans une ruelle de Alleytown, Leo Carreras est conduit à l'hôpital. Selina Kyle le rejoint pour s'assurer qu'il aille mieux. Elle sait qui s'en est pris à son lieutenant et compte bien le venger.


Autrefois. Ludovic Vallée était Azraël, champion de l'Ordre de St. Dumas. De retour d'une mission, il retrouve son protégé, Karl Wasieman, qui a des doutes sur l'organisation. Leur chef ordonne à Ludovic de débusquer une taupe et pour cela, d'assassiner les membres les moins importants de l'Ordre.


Ludovic exécute sa mission à contrecoeur mais avec efficacité jusqu'à ce qu'il doive éliminer Karl. Mais celui-ci préfère se jeter dans le vide depuis un balcon plutôt que de périr par l'épée de son mentor. Miraculeusement, il survit et se croit alors investi par Dieu d'un objectif précis
.

Karl va démasquer la taupe avant Ludovic et lui démontrer ainsi l'inutilité du massacre qu'il a commis en obéissant aveuglément aux ordres de son chef. Ludovic fournit ses papiers, une nouvelle identité à Karl qui jure de le tuer s'il le croise à nouveau.


De nos jours, à Gotham. Le programme Magistrat commence à s'appliquer dans Alleytown, provoquant des manifestations de protestation. Le Père Vallée profite du chaos pour faire sauter une bombe dans l'église où il avait installé ses appartements...

Depuis son apparition dans les pages de Catwoman, le personnage du Père Vallée s'est imposé tranquillement comme un méchant original. Recruté par le Pingouin qui voulait punir Selina Kyle qui l'avait escroqué, cet assassin a imposé ses conditions car il voulait décider seul du moment et du moyen de tuer sa cible. De fait, il s'est contenté d'abord de l'observer, de l'étudier, sans vraiment se cacher mais sans dévoiler son contrat. Il passait presque pour une sorte d'ange gardien auprès de Catwoman en assurant ses arrières quand elle a aidé le Sphinx contre une tueuse à gages.

Mais le lecteur ne doutait jamais de la dangerosité et de la malice de cet individu qui récitait des passages de la Bible d'une manière aussi inquiétante que Jules Winnfield dans Pulp Fiction. Avec son look peu commun (un haut de forme fatigué, un manteau et un pantalon noir, des lunettes rondes opaques, il n'avait rien à voir avec un super-vilain traditionnel non plus. Et lorsque le Pinguoin l'a pressé de remplir sa mission, le Père Vallée lui a fermement comprendre qu'il était libre d'agir comme bon lui semblait.

Raconter l'origin story d'un méchant est toujours périlleux car on peut craindre que le scénariste ne cherche à excuser sa conduite criminelle par un traumatisme, ce qui aboutit à l'affadir. Ou au contraire à le transformer en un monstre sans nuances, qui perdrait tout mystère. Ram V échappe à ces écueils avec sa maîtrise habituelle, quand bien même il aurait pu faire un peu plus court et plus nerveux.

L'épisode est encadré par deux scènes au temps présent : la première où on apprécie d'apprendre que Leo Carreras, laissé pour mort, a survécu aux tortures du Père Vallée ; la seconde où ce dernier aggrave le chaos qui s'empare de Alleytown où débarque la milice du programme Magistrat en renfort des forces du GCPD. L'ambiance de cette dernière scène nous plonge un peu plus dans l'avenir oppressant de Future State et prépare à nouveau le terrain pour le crossover de cet Automne, Fear State (qui concernera les Bat-titles, y compris Nightwing).

Mais le plus gros morceau s'inscrit dans un flashback où nous faisons connaissance avec Karl Wasieman, le vrai nom du Père Vallée. Ram V lie son destin à celui de l'Ordre de Saint-Dumas, au sein de laquelle on trouve Azraël. Ce personnage a un temps remplacé Batman, blessé à la suite d'un combat contre Bane (la saga Knightfall), en appliquant une justice expéditive, suivant les préceptes de l'organisation où il a été formé, une sorte d'avatar des Templiers. Par la suite on a découvert qu'il y avait plusieurs Azraël, un titre qui se transmet car produit d'un programme, même si Jean-Pierre Vallée s'est retournée contre ses maîtres et a fini par devenir un allié de Batman (malgré son état mental instable).

Karl est le protégé d'un certain Ludovic Vallée, un des Azraël, mais il doute du bien-fondé de la croisade menée par l'Ordre de St-Dumas. Au même moment, le chef de l'organisation ordonne à Ludovic de débusquer une taupe en son sein et pour cela, d'en éliminer les membres les plus négligeables. Une stratégie radicale et absurde, il faut bien l'admettre, et comme la suite de l'histoire va le prouver. Sur ce point, Ram V cède à un spectaculaire un peu complaisant et inhabituel chez lui, qui rallonge d'ailleurs la sauce et coûte des bons points à cet Annual.

Dans ce segment, Kyle Hotz assure le dessin : son style très sombre et tourmenté convient bien au script mais je dois dire que je n'en suis pas très fan. La manière de traiter les morphologies, les visages, de tout noyer dans des ombres, rend le passage pénible. 

Puis on passe à la mission assignée à Ludovic. Là Ram V se fait plus nerveux et allusif. On comprend l'horreur de ce qui se passe sans qu'il ait besoin d'insister sur la représentation. Le face-à-face entre Ludovic et Karl est un grand moment, intense, qui met en relief l'absurdité atroce de ce massacre. En même temps, il explique le délire mystique qui va s'emparer de Karl et le transformer en tueur à son tour, enfièvré mais plus malin puisque lui va s'employer à débusquer la taupe (et réussir). Au final, on comprend aussi comment il en vient à changer d'identité pour devenir le Père Vallée. Et Ram V laisse la porte grande ouverte à un retour de Ludovic, avec une dimension tragique.

Cette fois, à l'exception de quelques pages, c'est Juan Ferreyra qui hérite des dessins. Ou plutôt des peintures puisqu'il réalise sa partie en couleurs directes, avec sa précision habituelle. L'artiste s'était fait remarquer par sa technique sur le Green Arrow de Benjamin Percy avant de partir chez Marvel, où il n'a pas (encore) trouvé un titre aussi bon. Le revoir chez DC (puisque, apparemment, il n'est pas exclusif Marvel) est un plaisir : ses planches sont superbes.

Le prologue et l'épilogue sont quant à eux dessinés par Fernando Blanco (ce qui explique son remplacement par Evan Cagle sur le dernier n° de Catwoman). Comme d'habitude, il signe des pages épatantes, rythmées, au découpage très fluide. Son trait charbonneux et vif est un régal, soutenu par les couleurs de Jordie Bellaire.

Malgré donc quelques longueurs et quelques scènes un peu faciles, Ram V signe un Annual convaincant, qui s'intercale à merveille entre deux épisodes classiques de Catwoman. La suite promet d'être palpitante. 

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