mardi 29 septembre 2020

AN UNKINDNESS OF RAVENS #1, de Dan Panosian et Mariann Ignazzi

 

Parce que j'aime bien Dan Panosian, dont je suis le travail depuis qu'il participait au (défunt) site participatif Comictwart (où j'ai aussi découvert Chris Samnee, Evan Shaner, Tom Fowler...), j'ai acquis le premier numéro de An Unkindness of Ravens, la première série qu'il écrit pour Boom ! Studios. La présence à ses côtés, au dessin, de Marianna Ignazzi (que j'ai, elle, découverte sur Instagram) a fini de m'attirer. Je ne le regrette pas.



Wilma Farrington et son père s'installent dans la ville de Crab's eye pour y prendre un nouveau départ. Il la dépose au lycée et elle rencontre la principale, Diane Andrews. Puis en parcourant un couloir, elle tombe sur un avis de recherche concernant Waverly Good.


La ressemble entre Wilma et la disparue est saisissante, comme elle le remarque avec Ansel Friend, un élève qui l'aborde. Wilma apprend ensuite que le casier qu'on lui a donné était celui de Waverly. Curieusement, à l'intérieur, elle lit des inscriptions qu'elle seule voit.


La scène est observée par deux bandes de filles rivales, que lui présente Ansel : d'un côté, il y a Scarlett Dansforth, une chipie et ses copines ; et de l'autre, les Ravens, des marginales. Wilma et Ansel s'éloignent avant que la principale n'ait un échange à couteaux tirés avec Donald Dansforth, le père de Scarlett, chez qui Waverly a été vue pour la dernière fois.


Au réfectoire, Ansel déjeune avec Wilma lorsque Scarlett s'invite à leur table et interroge la nouvelle venue sur ses fréquentations et sa ressemblance avec Waverly. Ce sont ensuite les Ravens qui invitent Wilma à se joindre à elles et lui donnent rendez-vous après les cours.


Wilma décide de répondre favorablement à cette seconde invitation et demande à Ansel de l'accompagner. Mais les Ravens le congédient aussitôt. La chef de la bande interroge Wilma sur les inscriptions dans son casier et lui dévoilent leur secret...

Je l'avoue, parfois j'en ai assez des super-héros, de leur folklore, de la manière dont les Big Two (Marvel, DC) les publient. Comme tout fan de comics, je passe par des périodes d'abattement en me demandant si tout cela vaut la peine d'y consacrer autant d'argent et de temps. Par réaction alors j'ai envoie de me tourner exclusivement vers les creator-owned où les éditeurs pressent moins leurs équipes artistiques, explorent des genres différents, où on est libéré du poids de la continuité, des relauchs, etc.

Qui n'a jamais éprouvé ce sentiment est un fieffé menteur. 

Mais je sais aussi que c'est aussi récurrent qu'éphémère, comme une allergie saisonnière. Il n'empêche, je me suis plongé dans An Unkindness of Ravens après avoir lu Thor #7, Daredevil Annual #1 et Daredevil #21, dont je suis sorti découragé (au point d'avoir renoncé à écrire sur les deux derniers). Je n'ai pas aimé ces comics, ce qu'écrivaient leurs auteurs, la prestation des artistes. J'avais besoin d'autre chose - autre chose que du super-héros en tout cas.

Boom ! Studios a la manie, répandue, de promouvoir ses séries avec des références absurdes pour les rendre plus familières aux lecteurs : ici, étaient évoquées Sabrina the teenage witch et The Marked, pour suggérer que ça parlerait magie et adolescence. Heureusement, moi, ce qui m'intéressait davantage, c'était ceux qui réalisaient cette BD.

Dan Panosian est un artiste qui a été repéré très jeune, à quatorze ans, lorsqu'il a candidaté chez Marvel, et que son travail a été repéré par Walt Simonson et Neal Adams. Lorsque plusieurs talents quittent la maison des idées pour fonder Image comics, il les suit et se consacre à l'encrage, mais ces collaborations lui vaudront la réputation d'être un artiste moyen (ce qui est inévitable quand on assiste Rob Liefeld). Il se diversifie en réalisant des storyboards (sur King-Fu Panda notamment) puis en revenant aux comics humblement, après avoir perfectionné son style. Aujourd'hui, il est un auteur complet (sa série Slots) et un camarade apprécié (grâce aux vidéos du "Drink and draw club" où plusieurs dessinateurs se réunissent pour relever des défis).

Pour An Unkindness of Ravens, il illustre les trois premières pages et la couverture, mais rédige surtout l'intrigue et le script. La série s'inscrit effectivement dans la veine du récit d'apprentissage, avec des éléments familiers : une jeune et jolie héroïne blonde, frappée par un drame familial (la mort de sa mère dans un accident), qui s'installe avec son père dans une petite ville, sa ressemblance troublante avec une élève récemment disparue, la rivalité de deux bandes de filles, un zeste de fantastique s'ajoutant à l'ensemble.

Panosian excelle, sans user de grands effets de manche, à poser une ambiance captivante. Le prologue (qu'il dessine donc) établit son histoire dans le sillage des histoires de sorcières persécutées, mais dont certaines auraient échappé aux châtiments des hommes et auraient des héritières aujourd'hui. Pas de mystère sur ce point : les Ravens sont ces descendantes de femmes maudites et il ne fait guère de doute que Wilma Farrington a elle aussi une connection avec cette dimension surnaturelle. Tout repose sur la nature de ce lien, en relation avec la disparition de Waverly Good - et la responsabilité des Dansforth, une riche famille de Crab's eye, chez qui la jeune fille a été vue pour la dernière fois ?

On est donc facilement accroché par la propositionde Panosian, même si, à ce stade, tout n'est qu'esquissé et finalement classique. Avec peu, l'auteur sait faire beaucoup : camper des personnages forts, élaborer une énigme, entretenir une atmosphère. C'est prometteur.

Je ne sais pas grand-chose de Marianna Ignazzi. je suis tombé par hasard sur ses dessins sur Instagram en croyant qu'elle était peut-être styliste ou une simple artiste amateur. Mais j'ai été séduit par son trait fluide, fin, aérien, et son sens des couleurs acidulées. Il n'y a pas à se forcer pour lui trouver des qualités. Mais que faisait-elle à part poster ses jolies images ?

En découvrant qu'elle signait les dessins de An Unkindness of Ravens, c'était l'occasion de voir ce qu'elle valait comme narratrice. Et c'est une divine surprise. Souvent quand on découvre comme cela une artiste sur les réseaux sociaux, le passage à l'art séquentiel peut s'avérer cruel car il ne s'agit plus seulement de charmer ses followers mais de leur prouver qu'on est en mesure de raconter visuellement une histoire, de camper des personnages, de bâtir des décors. Ignazzi réussit tout cela avec, qui plus est, une aisance confondante. Elle a sur conserver la beauté de ses images postées sur Insta tout en découpant des planches aux compositions solides, des personnages expressifs.

La comparaison avec Sabrina the teenage witch et sa dessinatrice Veronica Fish reste un peu inutile, bien que Ignazzi ait en commun avec sa collègue un style léger, lumineux. Il faudra maintenant voir dans quelle direction Panosian va orienter son histoire et la capacité d'adaptation de son artiste, mais j'ai envie d'y croire.

C'est un bon "pilote" pour une série : tout y est bien et rapidement posé, et très bien valorisé. De quoi consoler le lecteur parfois un peu fatigué des super-héros ou déçus par ce qu'en font certains auteurs surcôtés.

lundi 28 septembre 2020

HIDDEN SOCIETY #3, de Rafael Scavone et Rafael Albuquerque

 


C'est la semaine des revenants : après Skulldigger + Skeleton Boy et Sabrina the teenage witch, au tour de Hidden Society de retrouver sa place dans les bacs. La mini-série de Rafael Scavone et Rafael Albuquerque ne suscitait pourtant pas la même attente car son format et son ambition sont plus modestes. Peut-être trop d'ailleurs en à juger par ce troisième épisode dont l'action ne méritait certainement pas vingt pages...



Après la caputure du mage Ulloo par la Fratrie de Nihil, et le départ de Mercy, le groupe est désormais réduit à trois. Orcus et Laura laissent à Jadoo le temps d'apprendre des sorts qui lui permettront d'empêcher la réapparition d'un dragon avec l'éruption imminente de l'Etna.


Mercy a, donc, elle, préféré faire cavalier seul. Mais à présent qu'elle est sur le point de quitter Catane, le doute l'étreint. Le volcan qui gronde la fait changer d'avis et elle enfourche sa moto pour s'en approcher.

L'objectif est le même pour le trio mais pour cela il leur faut un véhicule. Pendant que Jadoo occupe le gardien d'un parking, Laura et Orcus volent une voiture puis embarque leur jeune complice pour une folle virée.


Mercy fonce à toute allure et franchit des barrages de police. Elle est stoppée mais repousse les agents en leur tirant dessus. C'est alors que Laura, Orchus et Jadoo arrivent à son niveau et l'invite à bord. Une fois au pied du volcan, reste encore à grimper à son sommet...


Comme ce résumé le prouve, le scénario de cet épisode est famélique. Sachant que Hidden Society se concluera au prochain numéro, on peut se demander légitimement si, en vérité, l'affaire n'aurait pas profité à compter seulement trois épisodes. Voire deux...

Car il ne faut pas se leurrer, si Rafael Scavone a certainement des idées pour une suite (cette mini-série a dès le départ été conçue comme un test pour une éventuelle ongoing), la star du projet est son compère Rafael Albuquerque. Et cet épisode le prouve bien puisque si ce n'était pas lui qui dessinait, tout ça n'aurait aucun attrait.

Albuquerque est un artiste remarquable. Son aisance à animer les personnages, ses compositions très dynamiques, le rythme qu'il imprime au récit, confèrent à Hidden Society une classe supérieure à ce que cette BD possède réellement. Albuquerque est un coureur de F1 qui pilote une histoire trop petite en vérité pour son talent. Quand on dispose d'un dessinateur pareil, on écrit quelque chose de spectaculaire, pas un épisode avec quatre personnages aux actions aussi anodines qu'apprendre un sort, et forcer des barrages de police pour aller au pied d'un volcan en attendant le finale.

Mais Scavone n'a visiblement pas l'intrigue pour cela. Son groupe de magiciens-justiciers-aventuriers ne manque pas de charme, mais il échoue à lui donner vie, à faire interagir ses membres, à les faire progresser au diapason de l'enjeu de son histoire (qui demeure du coup assez anecdotique). Il y avait là la matière à une pseudo-Scooby gang, mais faute de liant, on a des personnalités grossièrement caractérisées, qui courent de tous les côtés sans éveiller une grande passion.

Individuellement, chaque membre de cette Societé Cachée a du potentiel à revendre et un aspect accrocheur, mais le scénario n'en fait rien. Seuls sortent un peu du lot Laura et son génie, Orcus, mais uniquement parce que ce binôme existe dès le départ. En revanche l'esprit de groupe est totalement nul, on ne saisit jamais à quel point les compétences des uns et des autres sont utiles pour les autres et la mission qu'ils doivent remplir. De même qu'on ne vibre jamais par rapport au danger auquel il s'expose (après la Fratrie de Nihil qui a capturé le mage Hulloo, la menace du volcan). 

Difficile dans ces conditions de se passionner pour un objet pareil et a fortiori d'imaginer quels développements pourraient lui être donnés après cette mini-série. On peut d'ailleurs douter fortement de la pérennité du projet quand on sait que Albuquerque s'est engagé pour une nouvelle extension de la série American Vampire (sous titrée 1976) de Scott Snyder (grâce auquel il a connu la notoriété). Vu la publication heurtée de Hidden Society, je doute également que le titre ait connu un succès public tel qu'une suite soit dans les tuyaux (quand bien même Dark Horse aurait bien besoin de nouveaux titres, après avoir perdu récemment les franchises d'exploitation d'Alien et Predator).

Cette déception ne m'empêchera pas de lire et de vous parler, le mois prochain, du quatrième et dernier épisode. Mais il est très peu probable que cette fin rattrape tout ce qui a été raté auparavant. Encore une fois, on s'en remettra à Albuquerque pour, au moins, nous régaler visuellement.


samedi 26 septembre 2020

SABRINA THE TEENAGE WITCH : SOMETHING WICKED #3, de Kelly Thompson et Veronica Fish

 

Alors que Sabrina the teenage witch : Something wicked avait maintenu sa publication en pleine crise sanitaire, il a fallu attendre depuis Mai dernier pour que ce numéro 3 soit publié. Heureusement, l'intrigue et ses ressorts m'étaient restés bien en tête et j'ai donc pu renouer avec ce que racontaient Kelly Thompson et Veronica Fish sans effort. 


Accablée par les conséquences de son utilisation de la magie comme le lui a montrée Della, Sabrina rentre chez ses tantes Hilda et Zelda pour les trouver en train d'invoquer des sorts dans leur cave, à la recherche du meurtrier qui sévit à Greendale.


Sabrina rentre à l'école le lendemain et prévoit une soirée entre filles avec son amie Jessa, qu'elle a négligée récemment. Ensuite, elle a une explication avec son prétendant Harvey à qui elle annonce préférer rompre car sa vie est trop compliquée actuellement pour une relation amoureuse.


Le moral au plus bas, après les cours, Sabrina décide d'aller chercher un peu de réconfort auprès de Della, mais celle-ci est affairée dans son arrière-boutique à une étrange cérémonie. Sabrina s'éclipse en se demandant à qui elle peut confiance ces temps-ci.


Une fois de retour chez ses tantes, Sabrina est attendue par Jessa et, mettant ses soucis de côté, l'accompagne dans le salon pour y regarder un film. Elles choisissent un long métrage d'horreur, de quoi se réunir devant des émotions communes.


Mais, au cours de la projection, Sabrina reçoit un appel de Harvey et sort pour lui répondre. Elle s'enfonce dans les bois où elle est agressée par une force mystique. Avant de recevoir une aide inattendue...

En Avril et Mai dernier, alors que j'étais, comme tout le monde, confiné, la lecture des deux premiers chapitres de Sabrina the teenage witch : Something wicked était une vraie petite bulle, un comic-book feel-good, bien agréable. L'actualité veut que je renoue avec cette série au moment où la crise sanitaire repart de plus belle; Etrange concordance. Pour un peu, on s'interrogerait pour savoir si un sorcier n'a pas lancé un vilain sort sur la rentrée...

Il n'empêche, même Sabrina Spellman n'a pas la pêche. Elle vient de découvrir que la magie avait un prix (comprenez : des conséquences sur son environnement), elle doute toujours de ses tantes (qu'un sortilège pointe comme les responsables des malheurs de Radka et Ren Ransom), elle a négligé ses amis, et joué avec les sentiments de deux garçons épris d'elle. C'est pas la joie pour la jeune magicienne.

Cette gravité nouvelle imprègne le script de Kelly Thompson et lui donne une nuance inédite. On n'est plus dans le divertissement léger, presque superficiel du premier volume. On ne sombre pas non plus dans le grim'n'gritty, je vous rassure. Mais il est indéniable que cette nouvelle salve d'épisodes entraîne l'héroïne et le lecteur dans un registre différent.

Ceci renforce le sentiment que Thompson s'exprime beaucoup mieux dans une production telle que Sabrina the teenage witch que dans ses commandes pour Marvel (même si son premier épisode de Black Widow est encourageant). Elle anime ici un personnage avec lequel, c'est évident, son éditeur lui laisse plus de liberté. Il ne s'agit pas de respecter un cahier des charges, un univers partagé aussi strictement codifié qu'avec les héros Marvel, ou, surtout, avec une héroïne qu'elle est chargée de promouvoir pour correspondre avec l'agenda d'un film (comme avec Captain Marvel).

Contrairement à Carol Danvers, Thompson n'a pas à se forcer pour nous rendre Sabrina sympathique, pour qu'on ait de la compassion pour elle. On admet naturellement que, vu son âge, notamment, elle soit dépassé par la situation et ne sache plus à qui s'en remettre. Subtilement le scénario nous indique qu'en effet il est permis de douter de la bienveillance de Della, que le mystère entourant Hilda et Zelda soit un problème, mais aussi que des soucis plus terre-à-terre comme son amitié avec Jessa ou ses amours avec Harvey et Ren sont incompatibles avec ses responsabilités de magicienne.

En revanche, demeure un point en suspens qui trouble la lecture. Il s'agit de ce subplot concernant le tueur rôdant à Greendale. Non seulement on ne voit plus ses méfaits depuis le premier épisode, mais surtout Thompson a le plus grand mal à nous y intéresser alors qu'une menace pareille devrait occuper plus de place dans son récit. Pourquoi, ainsi, Sabrina se cache-t-elle pour espionner ses tantes, qui enquêtent, au lieu de leur proposer de collaborer ensemble ? 

Ce bémol mis à part, la série est aussi un plaisir renouvelé grâce au dessin de Veronica Fish. L'artiste, toujours accompagnée par son mari Andy au couleur, confirme son talent pour représenter les affres fantastico-existentielles de Sabrina. Son trait très expressif sert à merveille dans cet épisode particulier où on voit l'adolescente réellement tourmentée et traversant plusieurs moments dérangeants (mention spéciale à l'espèce de messe noire dans la boutique de Della).

L'apport d'Andy Fish est très notable, en particulier dans la scène où Sabrina use d'un sort d'invisibilité pour espionner ses tantes. L'encrage s'estompe habilement pour cet effet spécial en même temps que le ton de la scène elle-même déjoue la manoeuvre de la magicienne puisque, si elle est invisible, elle est sentie par le chat Salem et n'évite pas toujours de faire du bruit inopportunément.

Le découpage de la dernière scène est aussi très dynamique quand Sabrina est victime d'une attaque magique qui l'attire dans les bois voisins de la maison de ses tantes. Une tension traverse les plans tandis que l'héroïne use de sa magie sans succès pour se délivrer. L'illusion du mouvement est fort bien suggérée par des transitions intelligentes dans les angles de vue, les valeurs de plans et le rythme général de la scène.

S'il ne faut jamais juger un livre à sa couverture, celle de cet épisode est superbe et confirme que l'intérieur vaut l'achat. En attendant la suite, que le cliffhanger rend prometteuse...


vendredi 25 septembre 2020

JUGGERNAUT #1, de Fabian Nicieza et Ron Garney

 


Le Fléau est un des plus anciens ennemis des X-Men, et aussi le demi-frère du Professeur Charles Xavier. Pourtant, depuis Dawn of X, il est absent du paysage mutant, le personnage a été éloigné durant la série Uncanny X-Men avant la reprise de Jonathan Hickman. Marvel a confié à Fabian Nicieza le soin de ramener Juggernaut sur le devant de la scène, sans l'intégrer à l'actualité mutante. Ron Garney dessine les cinq épisodes de cette mini-série.



Le Fléau travaille pour la société Damage Control, qui s'occupe des chantiers causés par les dégats consécutifs aux batailles des super-héros. Actuellement il détruit des immeubles insalubres mais où résident des squatteurs. Lorsqu'il découvre une bande d'adolescents dans un bâtiment...


Exilé dans les limbes après avoir affronté Magik, Cain Marko est privé des pouvoirs que lui donnent l'Oeil de Cyttorak. Il erre dans cette dimension parallèle en traînant derrière lui sa lourde armure en quête d'une sortie.


Dans un immeuble où il les a traqués, le Fléau affronte les jeunes squatteurs. Mais il tombe sur une adolescente doté de pouvoirs kinétiques. La bataile dégénère et un mur s'effondre sur la jeune fille. Le Fléau appelle les Secours et elle est hospitalisée.


Dans les limbes, Cain Marko arrive devant un arbre décharné qui marque un carrefour dimensionnel. Il comprend que pour obtenir une faveur, il doit sacrifier un bien qui lui est précieux et donne son casque en offrande. Il disparaît aussitôt après.


La jeune fille revient à elle. Le Fléau est resté à son chevet et apprend comment, à la suite d'un accident scientifique, elle a acquis ses pouvoirs. Elle défie le Fléau de se rendre vraiment utile et lui soumet une proposition risquée...

Avant que Jonathan Hickman ne donne un grand coup de balai dans la franchise X, Matthew Rosenberg a animé (avec Kelly Thompson et Ed Brisson au début) une énième série Uncanny X-Men, aussi interminable (à un rythme hebodmaire) que nulle. Cette série a donné la saga Age of X-Man (pas meilleure) tout en se poursuivant en parallèle. Rosenberg y massacrait un nombre affolant de mutants au long d'une intrigue affligeante, prétexte à réunir Wolverine et Cyclope (fâchés depuis la mini Schism de Jason Aaron). Lorsqu'on se rappelle de ça, on ne peut que remercier Marvel et Jonathan Hickman d'avoir fait le ménage et refondé l'univers mutant.

Rosenberg n'a pas tué le Fléau, il s'est "contenté" de l'envoyer dans les limbes grâce à Magik. Depuis, Cain Marko était invisible et on pouvait légitimement s'en étonner dans la mesure où il est quand même le demi-frère de Charles Xavier, le fondateur de la nouvelle Nation X. Un editor chez Marvel a dû se dire qu'il fallait corriger cela et a initié cette mini-série en cinq épisodes dont l'écriture a été confié à Fabian Nicieza et les dessins à Ron Garney.

C'est la présence de ce dernier au générique qui a motivé mon achat car je suis un fan de cet artiste. Il faut en outre en profiter car il s'agit de son dernier travail pour Marvel (en effet, il a signé pour illustrer un creator-owned d'après une idée de... Keanu Reeves !). Le Fléau est un personnage taillé pour Garney dont le style, désormais très influencé par celui de Frank Miller, convient parfaitement aux colosses engagés dans des histoires musclées.

Ce premier épisode ne met cependant pas tout à fait en valeur le talent de Garney. Il s'agit clairement d'un numéro d'exposition pour réintégrer le personnage tout en rappelant où il était passé via des flash-backs rapides. Fabian Nicieza cache-t-il son jeu ? En tout cas, il démarre modestement.

Pourtant, le postulat est malin : puisque le Fléau se caractérise principalement par sa capacité destructrice, en faire l'employé de Damage Control, une société spécialisée dans la gestion des zones ravagées par les combats de super-héros, est malicieux. Cain Marko achève de démolir des immeubles en ruines ou insalubres. Logiquement, il tombe sur des squatteurs et doit les chasser, mais délicatement car ce sont des adolescents.

Ainsi rencontre-t-il D-Cel, une jeune fille dotée de pouvoirs kinétiques (elle peut freiner le mouvement des objets). Une opposition habile pour une force de la nature instoppable comme le Fléau. Il se prend d'affection pour elle après qu'elle se soit blessée. En dialoguant, ils se rendent compte que tous deux n'utilisent pas leurs talents à bon escient et elle lui lance un défi de taille...

Nicieza est donc modeste dans son entreprise mais cela ne signifie pas que sa mini-série manque d'allure ni de potentiel. Il me semble que son objectif est de racheter une conduite au Fléau, de le sortir du cliché du gros bourrin qui fonce tête baissée pour tout démolir sur son passage, et peut-être de lui donner une dimension héroïque, un nouveau destin. Au terme duquel il sera récupéré par la communauté mutante de son demi-frère ?

Nous verrons cela dans l'avenir, mais si tel est le cas, ce serait intéressant. Imaginez ce malabar dans une équipe comme les Marauders ou X-Force, ce serait une sacrée recrue. Et je serai curieux de voir sa nouvelle relation avec Charles Xavier.

 Graphiquement, cet épisode est aussi un peu timide. Ron Garney sert le récit sans faire d'étincelles. Il paraît même un peu sur la réserve dans l'unique scène d'action (lors de l'affrontement du Fléau contre D-Cel). C'est un peu décevant, mais bon, nul doute qu'avec ce qui se profile dans l'épisode 2, ça va changer.

Garney s'est pourtant investi dans le projet puisqu'il a redesigné l'armure de Cain Marko. C'est un relooking a minima mais qui rappelle un peu celui que le eprsonnage arborait quand il avait été transformé durant l'event Fear Itself. Garney le dessine aussi plus grand et moins massif. Dans les falsh-backs, il souligne le contraste entre Marko, qui est en fait un type malingre, hirsute et barbu, et le Fléau, qui est donc un quasi-géant, sculptural.

Pour cette mini-série, Garney collabore avec celui qui est devenu son coloriste régulier, Matt Milla. Les deux hommes sont sur la même longueur d'ondes, Milla comprend le trait jeté, brut, de Garney et sait l'habiller avec des couleurs qui le mettent valeur sans "manger" l'encrage. Milla sauve même des plans un peu expédiés par Garney, comme celles se passant dans les limbes, grâce à des teintes nuancées. De même il a opté pour des couleurs vives sur des parties précises (comme les lignes de l'armure, rouge sang) qui donne du pep's au design.

Il ne faut pas être ni trop exigeant ni trop sévère avec cet épisode inaugural. Je parie sur un début humble, mineur, avant des développements plus toniques, voire épiques (Nicieza a évoqué son intention d'explorer le rapport du personnage avec Cyttorak). De toute façon, en cinq épisodes, on n'aura guère le temps de s'ennuyer. 

SKULLDIGGER + SKELETON BOY #4, de Jeff Lemire et Tonci Zonjic

 


Après six mois d'attente, le quatrième épisode de Skulldigger + Skeleton Boy est enfin disponible. Avec autant de temps entre le précédent et l'actuel numéro, on pouvait craindre quelque difficulté à se replonger dans l'histoire écrite par Jeff Lemire et dessinée par Tonci Zonjic. Pourtant la reprise s'avère très facile. Et l'intrigue aussi palpitante et imprévisible.


GrimJim a enlevé le candidat à la mairie, Tex Reed. Dans le passé, ce dernier était le justicier the Crimson Fist et avait sauvé le fils de son ravisseur. L'enfant est aujourd'hui devenu à son tour un vigilant, Skulldigger, dont GrimJim veut connaître l'adresse.


Flanqué de Skeleton Boy, l'orphelin qu'il a a pris sous son aîle, Skulldigger entend retrouver Tex Reed en interrogeant des malfrats dans les bas quartiers. Le gamin insiste pour l'accompagner car il veut  se débarrasser des assassins comme GrimJim qui ont tué ses parents.



Skulldigger et Skeleton Boy tabassent quelques fripouilles dans un bar et parviennent à en faire aprler un. Mais Skulldigger ne veut pas attaquer GrimJim tout de suite car il le sait coriace et préfère préparer sa riposte. Il rentre donc avec Skeleton Boy à son repaire.


Cependant, la détective Amanda Reyes reçoit un savon de son supérieur. En sortant de son bureau, un collègue la prévient que Skulldigger a été vu dans les bas quartiers. Elle s'y rend aussitôt et aperçoit le justicier et son partenaire en train de quitter le bar. Elle les file.


Mais la situation va prendre une tournure inattendue et dramatique quand Skulldigger trouve GrimJim chez lui et que Reyes intervient au même moment...

Comme je le disais hier au sujet de X of Swords : Creation, un signe qui ne trompe pas sur la qualité d'une histoire, c'est sa capacité à rester en mémoire dans le flot des lectures qu'on absorbe. Prévu pour sortir en Mars dernier, cet épisode avait valeur de test car il fallait se souvenir des événements du numéro 2 de Skulldigger + Skeleton Boy.

On reconnaît donc bien là le savoir-faire de Jeff Lemire qui sait brillamment construire des histoires à la fois denses et claires, dont on n'a aucun mal à se souvenir, même des mois après. Il sait également magistralement développer une intrigue en animant ses personnages, en développant les liens qui les unissent afin de déployer une grande toile cohérente.

Le dénouement du précédent épisode révélait ainsi que le criminel GrimJim était le père de Skulldigger, qui, enfant, avait été sauvé par le justicier the Crimson Fist. Aujourd'hui ce dernier briguait la mairie mais son ennemi venait le kindapper lors d'un meeting en plein air.

Lemire avait disposé ses pions, restait à savoir quel serait son prochain coup. La vengeance de Skulldigger et la recherche de Tex Reed étaient attendues, mais le scénariste déjoue efficacement les pronostics en soulignant le caractère sadique de GrimJim qui torture Reed pour savoir où habite son fils. Reed doit le savoir puisqu'il fit de l'enfant son sidekick. De son côté, le justicier, flanqué de son protégé, est aussi sur les traces de son père.

Dans le dernier tiers de l'épisode pourtant, Lemire bouscule les attentes du lecteur et précipite son histoire dans une direction dramatique et imprévisible. La situation dévie complètement à cause de la détective Reyes, qui est obsédée par l'idée d'appréhender Skulldigger. En le suivant jusqu'à sa planque, elle surprend GrimJim. Une fusillade éclate et fait deux victimes (mais je ne vous dirai pas lesquelles).

C'est en tout cas culotté de la part de Lemire car le lecteur, après cela, ne sait plus du tout quelle sera la suite de l'histoire. C'est un délicieux frisson qui vous étreint alors parce qu'au fond c'est ce qu'on recherche : un vrai suspense, ne plus savoir où l'on va, comment l'auteur va rebondir. On sort des sentiers balisés dans lesquels la série semblait pourtant bien engagée. C'est comme si, avec ce rebondissement, Lemire remettait son titre en jeu, nous disait qu'il nous avait bien eus avec son intrigue de justiciers, de pères (biologique ou de substution), de filiation. 

Mais au fond est-ce si étonnant ? Oui si on considère la série en elle-même. Mais moins si on juge cela en fonction de Lemire lui-même car Skulldigger + Skeleton Boy est, rappelons-le, un spin-off de Black Hammer, par définition la série qui a été la plus imprévisible, la plus déroutante, et la plus jubilatoire proposée par un éditeur indépendant ces dernières années. Lemire ne fait "que" répéter ce qu'il maîtrise parfaitement. Et quand on connaît le talent du bonhomme, on peut être confiant sur le fait qu'il saura emmener cette histoire jusqu'à une conclusion satisfaisante.

Le retour de Skulldigger + Skeleton Boy permet aussi de relire des planches de Tonci Zonjic et c'est un plaisir. L'artiste a dû profiter de la suspension de parution de la série pour la terminer (même si Lemire et lui-même n'ont pas communiqué là-dessus). Il a en tout cas un style assez affirmé pour que sa production ne souffre pas de baisse de niveau après plusieurs mois d'absence.

 Si vous n'êtes pas convaincu, il vous faudra peu de temps pour être rassuré car dès les premières pages, glaçantes, Zonjic met en scène ses personnages dans des scènes intenses auxquelles son trait épuré confère une limpidité terrible. Les tortures de GrimJim impressionnent sans sombrer dans une représentation vulgaire et complaisante d'un tel exercice de violence. Idem quand il montre Skulldigger et Skeleton Boy tabasser des malfrats dans un bar avec des méthodes finalement proches de celles de leur ennemi.

Cette ambiguïté morale est superbement rendue par le dessin. La simplicité, apparente, du graphisme permet d'insister sur le fait que tout cela est hautement répréhensible et que les actes commis par le justicier et son apprenti ne sont pas pas plus nobles que les atrocités perpetrées par le méchant. Sous le prétexte de la lutte du bien contre le mal, on voit ici de supposés gentils se comporter comme des crapules alors qu'ils se prétendent plus élevés éthiquement. Le fait qu'un gosse comme Skeleton Boy, certes meurtri par l'assassinat de ses parents, veuille faire souffrir des malfrats en leur soutirant des renseignements dit tout sur la pente glissante qu'il a empruntée en suivant les enseignements de son mentor.

Zonjicv est un dessinateur intelligent, comme son scénariste. Il sait utiliser les codes visuels de la bande dessinée pour mieux les détourner et appuyer le propos de l'histoire qu'il illustre. Ainsi une pleine page en noir et blanc traduit le manichéisme de Skulldigger (pour qui le monde se partage entre bons et méchants). Mais les couleurs nuancées rappellent le moment venu que les zones grises de la réalité indiquent bien que les "bons" sont parfois aussi méprisables que les "méchants" qu'ils traquent. A cet égard, Tex Reed a aussi une ardoise salée : il a tiré des griffes d'un psychopathe un enfant, mais n'a rien trouvé de mieux que d'en faire ensuite son sidekick. Et la détective Reyes, dans son obsession, pense agir avec bon sens mais précipite une nouvelle tragédie pour celui qu'elle pensait protéger.

Pour tout cela, Skulldigger + Skeleton Boy est une production remarquable. Et une BD dont on se souvient. Et qu'on suivra jusqu'à son terme.

jeudi 24 septembre 2020

X OF SWORDS CHAPTER 1 : CREATION #1, de Jonathan Hickman, Tini Howard et Pepe Larraz

 

X of Swords : Creation est le premier des vingt-deux chapitres du crossover, donc c'est le vrai début de l'histoire. Aux commandes, on trouve les scénaristes Jonathan Hickman et Tini Howard et le dessinateur Pepe Larraz. Le format de l'épisode est hors normes avec ses soixante-douze pages (!). Mais quel épisode ! C'est épique. Et comme un signe de son excellence, facile à comprendre à à résumer.


Un messager gravement blessé par une flèche empoisonnée arrive à la Citadelle de Saturnyne, au centre de l'Outremonde, lui-même le carrefour du multivers. Il prévient qu'Arakko est tombée sous les assauts de l'armée d'Amenth conduite par les quatre cavaliers originels d'Apocalypse. Saturnyne consulte son tarot et voit l'avenir dans les cartes.


Krakoa. L'Invocateur revient de sa mission de reconnaissance à Arakko avec le Hurleur, gravement blessé, qui est conduit auprès du Guérisseur. Apocalypse introduit son petit-fils au sein du Conseil de Krakoa et tous deux résument la situation, depuis ses origines jusqu'à aujourd'hui.


Un vote à main levée décide qu'il faut fermer le portail external entre Krakoa et l'Outremonde. Sauf que Krakoa s'y oppose car l'île refuse d'être à nouveau séparée de sa moitié, Arakko. Un compromis est trouvé : Apocalypse doit règler seul la menace potentielle.. Il recrute sept volontaires pour retourner à Arakko.
 

De son côté, Rachel Summers s'interroge sur la mission de reconnaissance de l'Invocateur. Avec Cable, elle sonde l'esprit de Sean Cassidy et découvre dans quel piège l'Invocateur a entraîné leur ami et Unus l'Intouchable (resté prisonnier des cavaliers d'Apocalypse), et désormais la nouvelle équipe en partance pour Arakko.


Apocalypse avec l'Invocateur et leur équipe arrivent dans l'Outremonde et voient les quatre cavaliers et leur armée. Apocalypse avance à leur rencontre et leur demande comment ils ont survécu. Guerre l'Invocateur le pourfendent. L'équipe est sidérée et Siryn disperse les cavaliers pour évacuer Apocalypse.
 

Cable rejoint ses parents, Cyclope et Jean Grey, dans la Maison Summers sur la Lune et les informe de la situation. Grâce au sondage psi, il a aperçu dans l'esprit du Hurleur un endroit mystérieux mais que reconnaît Cyclope. Ensemble, ils s'y rendent car là-bas pourrait se trouver la solution à la crise.


Havok, Polaris et Monet couvrent l'évacuation d'Apocalypse, mais Rockslide est tué et Rictor blessé. Saturnyne est provoquée par Polaris et consent à intervenir. Elle négocie avec Mort un duel entre les champions d'Arakko et ceux de Krakoa, dont l'issue décidera du sort de l'île. Les dés sont jetés...

Pour moi, à chaque fois que je prépare la rédaction d'une critique, j'écris d'abord un résumé de l'épisode (ou du recueil). Et il existe un test simple pour savoir si la suite sera simple : quand la narration est intelligemment menée, alors ce résumé s'écrit tout seul. Les faits marquants de l'épisode sont distincts, saillants, le déroulement de l'histoire est limpide, les protagonistes identifiables et mémorables.

Cela paraît évident, mais ce n'est pas toujours le cas. parfois je termine la lecture d'un épisode (ou d'un album) en y ayant pris du plaisir, mais en ayant des difficultés à le résumer, comme si le contenu manquait de clarté. Parfois aussi, tout s'embrouille sous la masse de plusieurs lectures de différentes séries et en fait, on s'aperçoit que ce qui pêche, c'est que les auteurs ne font qu'écrire des histoires sans grands enjeux, sans moments forts. Ou alors c'est tout simplement moi qui ne suis plus capable de tout intégrer (et là, on prend un coup de vieux...).

Mais ce qui m'a épaté depuis House of X-Powers of X avec la méthode Jonathan Hickman, c'est précisément cette capacité à exposer clairement ce qu'il racontait. D'où aussi mon incompréhension quand je lis ailleurs que sa refonte de la franchise X est confuse. A moi, au contraire, elle paraît bien plus puissante et originale que tout ce que j'ai lu avec les mutants depuis belle lurette. Certes il y a des parti pris radicaux, des personnages pas toujours sympathiques, des innovations dérangeantes. Mais comment être nostalgiques de ce que furent les X-Men avant, quand la franchise courait sur plusieurs titres cohabitant aléatoirement, au gré de crises internes, de schismes multiples. 

X of Swords : Creation n'est pas seulement le commencement d'un grand crossover, qui vient marquer le premier anniversaire de Dawn of X, c'est aussi l'application ultime de la méthode Hickman. Un super épisode par son format et son ambition mais narré avec efficacité et un souci de lisibilité maximum. C'est à la fois dense et fluide, très rythmé et compréhensible, avec un potentiel énorme, des enjeux spectaculaires. C'est bien simple, en comparaison, Empyre fait figure de série B au rabais.

Vous trouverez dans ce numéro tout ce qu'il faut pour ne pas être perdu, à commencer par l'intégration de l'épisode du Free Comic Book Day (donc pour ceux qui n'avaient pu se le procurer, vous voilà remis à niveau). Il y a plusieurs pages détaillant la carte de l'Outremonde, le rôle de la Citadelle de Saturnyne, la signification des cartes de tarot qu'elle tire. Il y a encore des rebondissements percutants (même si l'un d'eux est finalement assez prévisible), un casting détonant (entendez : on n'a pas des mutants incontournables au premier plan). Et finalement, une double fin : l'une qui dispose de manière étonnament simple ce qui va se préparer, l'autre plus énigmatique mais qui joue habilement sur le mot Sword (mais je ne veux pas spoiler cet élément).

En tout cas, Jonathan Hickman et Tini Howard accomplissent un ouvrage remarquable, aux enjeux spectaculaires, aux fondations solides, aux protagonistes mémorables. Cela prouve aussi, au passage, qu'il ne suffit pas de deux auteurs qui s'entendent bien pour réussir à écrire une histoire réussie (comme Ewing et Slott pour Empyre), il faut deux visions qui s'accordent, deux scénaristes qui tirent dans le même sens et s'appuient sur un argument bien établi, bien construit. Ce que Hickman a développé dans X-Men (la mythologie de Okkara, Krakoa et Arakko, le rôle de l'Invocateur) et Howard dans Excalibur (la place centrale de l'Outremonde, les manoeuvres secrètes de Apocalypse) trouvent une première forme d'aboutissement dans le drame qui se noue dans Creation. Au milieu de tout cela, le personnage de Saturnyne fait à la fois figure d'arbitre, dont la puissance est effectivement montrée comme supérieure aux deux camps qui s'opposent, et de joueuse (comme elle l'avoue à Monet). Enfin, l'aventure parallèle qu'entreprennent Cable, Cyclope et Jean Grey donne une voie supplémentaire au projet. Tout cela compose un tableau très riche mais jamais indigeste, d'une grande envergure, jubilatoire.

On pouvait compter sur Pepe Larraz pour illustrer cela avec l'efficacité et le brio requis. L'espagnol a changé à sa manière l'essthétique mutante depuis House of X. Son trait vigoureux, expressif et généreux est parfait pour une saga pareille, il en établit l'amplitude et confère à ses personnages la majestie nécessaire pour que le lecteur croit à l'importance de l'histoire. La manière dont, en particulier, il représente Apocalypse est significative, tour à tour inquiet, imposant, repentant, hanté, leader. Malgré sa stature impressionnante, Larraz lui donne une sorte de tristesse, de mélancolie qui traduisent bien sa nature tourmentée, ses origines anciennes, et son sens des responsabilités face à ses pairs ou ses descendants.

L'épisode est fournie en planches spectaculaires, regorgeant d'une énergie peu commune, magnifiées par la colorisation de Marte Gracia. Pourtant là aussi, Larraz fait de la lisibilité sa priorité, pas question de se perdre dans des pleines pages trop fréquentes et donc à l'impact décroissant, ou des doubles pages trop encombrées. L'artiste sait qu'il a beaucoup à montrer, à raconter, et il sert d'abord le récit avant de se faire plaisir, même si son dessin trahit un plaisir intense à représenter tout cela. Et ce plaisir est communicatif. Avec des décors luxueux et un casting fourni, Larraz prend même le temps de s'amuser au détour d'une scène (quand Polaris explique à Havok pourquoi elle s'est portée volontaire pour suivre Apocalypse).  Du grand art.

N'hésitez donc plus à vous engager dans cette saga. Tout ne sera peut-être pas de ce niveau exceptionnel, mais il y a là une matière excitante et abondante, une écriture épatante, et des dessins somptueux. De quoi mettre en appétit, et mieux encore, en confiance.


dimanche 20 septembre 2020

THOR #7, de Donny Cates et Aaron Kuder

 

Après un premier arc inégal mais spectaculaire, Thor fait une pause. Donny Cates propose un récit en deux parties et change pour l'occasion de partenaire avec au dessin Aaron Kuder (pas de panique : Nic Klein revient en Novembre pour le #9). Le résultat est affligeant.


Mjolnir, le marteau de Thor, s'écrase dans le champ de Adam Aziz, un mécano de Broxton, Oklahoma. Sur la tête de l'outil est inscrit le numéro de téléphone de Tony Stark et Adam l'appelle aussitôt.


Cependant, en Asgard, Thor reçoit Beta Ray Bill pour s'excuser de l'avoir durement affronté lors de son alliance avec Galactus. Toutefois, son invité devine que le dieu du tonnerre est tracassé et Thor lui demande de lui raconter ce qu'il sait au sujet de Thanos.


Iron Man arrive à Broxton où les médias l'ont précédé. L'effervescence règne dans cette bourgade et les réactions sont divisées. Iron Man sécurise le périmètre. De son côté, Bill explique à Thor que Thanos a transféré sa conscience dans le corps de son frère, Eros/Starfox, avant de disparaître dans un trou noir.


Soucieux, Thor offre à Bill de devenir son suppléant si un malheur le frappait. Pour lui prouver sa confiance, il lui offre une nouvelle arme. Mais Bill remarque l'absence de Mjolnir dans l'arsenal asgardien.


A Broxton, Adam est attiré par le marteau magique et s'en saisit, malgré la mise en garde d'Iron Man...

Bon, vous l'aurez deviné, le brave bougre de Broxton est investi des pouvoirs du dieu du tonnerre en empoignant le marteau. Voilà un twist... Comment dire ?... Franchement pitoyable. Pourquoi ? Parce que Donny Cates nous inflige à nouveau une histoire sur le mérite (de brandir Mjolnir), cette farce usée jusqu'au manche pendant le run de Jason Aaron où Thor (après que Jane Foster avait détruit l'arme en la balançant avec Magog dans le soleil) se faisait forger à tour de bras des marteaux par les nains de Nidavellir.

Cela questionne sur le statut même de Thor : il est désormais le nouveau "Père de tout", comme Odin avant lui, en sa qualité de roi d'Asgard. Ce qui signifie qu'il devrait, logiquement, ne plus avoir de problèmes avec son foutu marteau. Mais apparemment, ça ne suffit pas à Donny Cates (n'a-t-il pas montré dès son premier épisode que Loki, inexplicablement, pouvait soulever Mjolnir, même l'espace d'un instant ?).

Je suis agacé parce que je n'ai pas envie de lire ça. Et parce que, au fond, cela confirme mes doutes sur Cates. Actuellement, c'est le nouveau wonder boy des comics : Marvel compte visiblement beaucoup sur lui, grâce au succès rencontré par ses épisodes de Venom (qui sera la vedette du prochain event, hivernal, de l'éditeur, King in Black), et chez Image, il prépare la sortie d'un titre attendu (nommé Crossover).

Mais Cates est-il vraiment ce grand scénariste survendu ? Je me permets d'en douter. Pour ma part, ses Guardians of the Galaxy étaient mauvais, avec une piètre caractérisation (quand il se donnait la peine d'en donner une à ses personnages), son Cosmic Ghost Rider était marrant mais bon, voilà. Le bonhomme ne cache pas son (énorme) ambition : il prévoit de rester sept ans (!) sur Thor et a déjà teasé un event avec le dieu du tonnerre et Thanos. 

Comme Cates ne doute, semble-t-il, de rien, il fait volontiers la leçon à Marvel (et DC) lorsqu'il s'agit de vendre son futur titre Crossover chez Image en affirmant que les super-héros sont des virus et que les éditeurs ne survivent plus que grâce aux... Events et aux crossovers

Alors soit on a affaire à un ahurissant cuistre, soit à un mercenaire schizophrène. Non content de poursuivre une (terrible) idée de Aaron (Thor et son fichu marteau qui paraît vivre sa vie), il se plaît à développer d'une série à l'autre des motifs narratifs. En soi ce n'est pas un crime : Rick Remender le fit (bien) en passant de Uncanny X-Force à Uncanny Avengers avec Apocalypse en grand méchant transversal. Cela a abouti à une saga épique. Mais Cates vaut-il Remender ?

En tout cas, il joue avec des idées dont la pertinence est moins flagrante, la finalité moins probante. "Grâce" à lui le Surfeur d'Argent est désormais noir (pour quel profit ?), Thanos a investi le corps de son frère Eros/Starfox et semble destiné à brandir Mjolnir orné des pierres d'infinité en conduisant une armée de zombies (le fameux teaser de son event). Et Thor envoie/laisse son marteau s'écraser dans un champ de Broxton pour vérifier si il y a effectivement un problème jusqu'à ce qu'un péquenaud devienne un dieu.

Pendant ce temps, Thor s'excuse (du bout des lèvres) auprès de Beta Ray Bill (à qui il a cassé précédemment cassé la gueule et dont il a brisé le maillet) puis lui propose de le suppléer en cas de malheur (Bill, pas rancunier, accepte tout). C'est vraiment traité par-dessus la jambe (comme Christopher Cantwell, qui vient de reprendre Iron Man, et qui expédie en deux cases la rupture de Tony Stark et la Guêpe, dont Dan Slott avait fait un couple).

C'est décourageant : j'ai lu Thor #6 en étant prêt à être indulgent. Je lis ce #7 et il y a tout ce que je déteste. 

Nic Klein ayant besoin de se retaper, les dessins sont confiés à Aaron Kuder, un bon artiste, mais très lent, le parfait fill-in pour réaliser deux épisodes. Son travail est très correct, il s'amuse visiblement à détailler ses plans et l'intelligence de Matt Wilson aux couleurs offre un vrai confort de lecture. Mais bon, on perd énormément en puissance. Je ne suis pas du genre à pester après la productivité des artistes car j'estime que si le résultat est à la hauteur, ça vaut le coup d'attendre. Mais c'est frustrant, tous ces dessinateurs qui ont besoin de souffler après six numéros que des gars comme Immonen, Samnee, Schiti (et d'autres) enquilleraient sans problème.

Je vais quand ême persévéer et lire Thor #8 le mois prochain. Mais mon idulgence est épuisée au sujet de Donny Cates. Soit il se ressaisit et conclut intelligemment ce diptyque avant de proposer un nouvel arc bien construit, soit la suite se fera sans moi.

samedi 19 septembre 2020

X OF SWORDS : PRELUDE - EXCALIBUR #12 / X-MEN #12, de Tini Howard et Jonathan Hickman, Marcus To et Leinil Yu

Pour bien lire X of Swords, il faut être discipliné et donc respecter l'ordre de lecture des séries qui forment ce crossover. Tout commence donc avec Excalibur #12 par Tini Howard et Marcus To, suivi immédiatement par X-Men #12 de Jonathan Hickman et Leinil Yu.


Rapide rappel des faits : dans Excalibur, Apocalypse a planté un portail permettant le passage de Krakoa à l'Outremonde, ce qui a déplu à Opal Luna Saturnyne, la maîtresse de l'Outremonde. Une bagarre s'est ensuivie au cours de laquelle Rictor est passé à travers le portail incomplet, Gambit et Rogue ont pris la fuite poursuivis par les fidèles de Saturnyne qui fait face à Captain Britain (Betsy Braddock).  


Dans X-Men, l'Invocateur, le petit-fils d'Apocalypse, réapparu lors de la fusion de Krakoa avec l'île d'Arrakko, joue avec trois jeunes mutants curieux de sa présence avant que son grand-père ne les interrompe.


Apocalypse attire les Externels (un groupe de huit mutants immortels semblables aux Illuminati, dont il fait partie) dans un piège au coeur d'un volcan sur Krakoa. Grâce à Rictor, il en tue la moitié et obtient que les trois autres le suivent dans son plan.


Cependant, dans l'Outremonde, Gambit a dérobé une gemme dans laquelle est enfermé l'esprit de Candra, une Externelle qui a échappé au piège d'Apocalypse et réclame l'aide du voleur. Alors qu'il se présente avec Rogue devant Saturnyne, après avoir semé ses fidèles, et Captain Britain, Apocalypse attend sur Krakoa.


Gambit choisit d'aider Apocalypse contre Candra en lançant la gemme à travers le portail, ce qui a pour effet de finaliser le passage entre Krakoa et l'Outremonde...


Ceci fait, Apocalypse rejoint l'Invocateur et interrompt donc la partie qu'il jouait avec trois jeunes mutants. Il l'interroge alors que la chute d'Arakko après sa séparation d'avec Krakoa par l'Epée du Créspuscule et malgré l'intervention d'Apocalypse contre les monstres d'Amenth.


Livrés à eux-même, les gens d'Arakko sous la direction de Genesis, la femme d'Apocalypse, rebâtisse une société dont dix tours forment le périmètre. L'armée des monstres d'Amenth échouent à les conquérir. L'Invocateur naît il y a trois cents ans et grandit, sans connaître Krakoa.


Le prophète Idyll annonce la chute prochaine d'Arakko et motive Genesis à lancer une offensive décisive contre Amenth. Mais une cuisante défaite s'ensuit. Isca invite Genesis à une négociation avec Annihilation qui la tue en duel. Aujourd'hui, avec le Hurleur et Unus l'intouchable, l'Invocateur s'apprête à emprunter le passage qui mène de Krakoa à Arakko via l'Outremonde...

Le grand mérite de ce double prologue est d'assumer son rôle : celui d'exposer la situation, de planter le décor. Certes il faut un peu de souplesse pour plonger dans l'intrigue d'Excalibur, développé depuis onze épisodes, mais tout compte fait, la narration de Tini Howard permet d'appréhender suffisamment clairement les enjeux.

Ceux-ci sont simples : Apocalypse, depuis le début d'Excalibur, veut qu'un portail krakoan permette le passage entre l'île des mutants et l'Outremonde. Son équipe de terrain (composée de Captain Britain/Betsy Braddock, Gambit, Rogue, Rictor et Jubile) a affronté pour cela Morgane la Fée (combat au terme duquel Betsy a hérité du titre de son frère Brian) et doit maintenant négocier avec l'Omniversal Majestrik Opal Luna Saturnyne, gardienne de la paix entre les dimensions et fondatrice du corps des Captains Britain. Cette dernière n'est pas ravie par la manoeuvre d'Apocalypse auquel elle oppose une fin de non-recevoir. Captain Britain tente de négocier, Apocalypse continue de conspirer en parallèle.

Apocalypse n'y va pas de main morte : pour pouvoir profiter de cette étape-relais que représente l'Outremonde, il doit disposer d'une source énergétique à même de dépasser Saturnyne. Il convoque donc les Externels, l'équivalent des Illuminati chez les mutants, un groupe de huit dont il fait partie et dont une bonne moitié ne lui fait pas confiance. Ni une ni deux, il tue les récalcitrants avec l'aide de Rictor et obtient des trois autres (Séléne, Gideon et Absalom) leur complicité. Mais Candra réussit à échapper au traquenard et se réfugie dans une gemme magique volée par Gambit dans l'Outremonde. Candra tente de le convaincre de s'opposer à Apocalypse au profit de Saturnyne mais il lui désobéit. Apocalypse a ce qu'il voulait : un portail communicant antre Krakoa et l'Outremonde. Mais pourquoi ?

On le découvre à la fin de X-Men #12 : l'Outremonde permet d'accéder à la dimension souterraine d'Arakko. Jadis, Arakko et Krakoa formaient une seule et même île, Okkara, qui a été scindée par l'Epée du Crépuscule. La légende dit que Apocalypse a repoussé le responsable de cette cassure. Mais à quel prix ? C'est ce que va lui raconter l'Invocateur, son petit-fils, né et grandi à Arakko.

Jonathan Hickman adore la mythologie, c'est un jardinier, un bâtisseur de mondes. Mais tout monde, tout jardin a une histoire, et toute histoire s'appuie sur un mélange subtil de faits et de légendes. L'Invocateur va nous dévoiler sa version de l'histoire, celles des victimes d'Arakko, après que Apocalypse et Krakoa en furent séparés.

L'épisode est fascinant et a le souffle des épopées. Il est exclusivement narré en voix-off et illustré de main de maître par Leinil Yu, qui signe là son dernier chapitre (même s'il reste le cover-artist de la série). L'exercice sied magistralement à cet artiste plus doué pour les grands tableaux que les compositions dynamiques et les découpages fluides.

Hickman nous conte littéralement le passé d'un peuple brisé qui a dû se reconstruire dans un environnement hostile, à la merci d'une armée de monstres (à l'origine de la cission de l'île), l'armée d'Amenth. Il est question de tours erigées comme des remparts infranchissables ; de la femme d'Apocalypse, Genesis, devenue par la force des choses le leader des séparés ; de naissance, celle de l'Invocateur ; de défaite contre l'armée menée par Annihilation, d'un duel fatal, et de vengeance, de revanche.

X of Swords s'inscrit donc, apparemment, dans un cycle de vengeance, de revanche, celle d'Apocalypse contre Annihilation. les noms ds protagonistes sont programmatiques et en disent long sur la symbolique qu'ils expriment. On saisit alors mieux le sens du dernier chapitre de X of Swords, Destruction, car il ne peut y avoir qu'un seul vainquer dans ce match retour. Toutefois, quel prix les mutants de Krakoa paieront dans cette guerre, dont les origines remontent bien plus loin qu'eux ? Il semble évident que les conséquences de X of Swords feront des victimes, peut-être incurables même pour les Cinq, et plus profondément encore dans les rangs de ceux qui tiendront Apocalypse pour responsables de ce dans quoi il les a entraînés.

L'amuse-bouche du FCBD ne disait pas autre chose même si c'était sous une formulation plus cryptique quand Saturnyne tirait les cartes du Tarot qui prédisaient des trahisons, des sacrifices, des abandons, etc.

Indéniablement, l'épisode de X-Men est plus riche et puissant que celui d'Excalibur. Il est clair que Hickman est un narrateur plus chevronné que Howard et qu'il est l'architecte du projet. Pourtant Howard sert Hickman en orchestrant au présent une action déterminante - l'établissement d'un portail entre Krakoa et l'Outremonde - , suivi de conséquences immédiates - la mort de la moitié des Externels, le rôle déterminant à ce sujet de Rictor, le choix de Gambit. Et la scénariste confirme ce qu'elle suggérait : l'Outremonde est une sort de sas dimensionnel entre Krakoa et Arakko, donc vers Annihilation, l'ennemie jurée d'Apocalypse.

Sur ce dernier point, on peut regretter un léger manque de lisibilité : en effet, depuis qu'Arakko et Krakoa se sont réunies, je pensais que l'Invocateur était le dernier survivant de la première (ou alors que d'autres survivants d'Arakko allaient se manifester progressivement). Il apparaît que les gens d'Arakko (en fait l'armée d'Amenth, menée par Annihilation, et peut-être les anciens sujets de Genesis) se trouvent dans une dimension parallèle uniquement accessible via l'Outremonde. C'est un peu confus, mais l'essentiel reste que Apocalypse a été séparé de sa femme et des siens et que l'ennemi est désormais accessible. L'Invocateur part en mission de reconnaissance avec le Hurleur et Unus l'Intouchable pour Apocalypse.

Faisons un peu de prospective : si on consulte les convertures des prochains chapitres de X of Swords et notamment celle de X of Swords chap. I : Creation, dont la preview a été mise en ligne cette semaine (pour sa sortie Mercredi prochain), il semble que les quatre cavaliers originels d'Apocalypse soient du côté d'Annihilation, ce qui donne à cette dernière une force de frappe redoutable. Dans cette preview, on peut aussi voir que Unus l'Intouchable est prisonnier d'Annihilationet soumis à la torture (pour qu'il parle de la situation d'Apocalypse et de Krakoa certainement). C'est une veillée de guerre.

Comme le crossover se suit à travers toutes le séries de Dawn of X, on peut supooser que les compétences des mutants répartis dans diverses équipes vont être mises à contribution : la X-Force pour le renseignement, les X-Men comme première ligne de front avec Cyclope en commandeur. Les Hellions est une sorte d'équivalent à la Suicide Squad de DC et évolue dans une ambiance horrifique, donc je ne serai pas étonné qu'ils servent de chair à canon. Les connaissances futurites de (Kid) Cable seront certainement orientées. Excalibur va certainement stationner dans l'Outremonde. Les Marauders pourraient jouer un rôle de seconde ligne et évacuer éventuellement les plus fragiles ou les blessés, protéger les Cinq et exfilter les morts de Krakoa. X-Factor, qui enquête sur les morts et donc avertit de qui il faut ressuciter (pour éviter des doublons), me laisse plus dubitatif (d'ailleurs l'équipe n'intervient que dans un seul chapitre, le II).

Je tire des plans sur la comète, et donc je risque de me tromper, mais en tout cas cette distribution des tâches me paraît plausible.

Pour en revenir aux deux épisodes du jour, visuellement, c'est la nuit et le jour. Marcus To, qui a fait preuve d'une ponctualité remarquable sur Excalibur, est un dessinateur correct mais qui a la fâcheuse tendance à rajeunir tout le monde. Betsy Braddock, Malicia, Jubilé et Staturnyne ont toutes l'air d'avoir le même âge. Pourtant quand il représente Apocalypse, il lui conserve sa stature imposante, intact, et Gambit a aussi l'air plus âgé que les filles (pas beaucoup plus cependant). Les décors sont basiques, pas de folie (l'action se déroule majoritairement, il est vrai dans le creux d'un volcan éteint de Krakoa). Tout ça manque de souffle, de folie.

Yu, dans X-Men, fait lui ce qu'il fait le mieux , un livre d'images très évocatrices, avec une qualité iconographique notable. Le script lui permet de se concentrer sur les compositions des plans, sur des décors pas forcément très détaillés mais impressionnants. C'est très théâtral et figuratif. C'est davantage une tapisserie qu'une bande dessinée, qui s'attarde uniquement sur des images, des moments forts, cruciaux. Les personnages sont des titans, issus de temps très lointains, avec des peintures de guerre, des anatomies ad hoc. Tout rappelle qu'on est dans un récit mythologique avec des acteurs bigger than life. Même si j'ai été réservé par certaines de ses prestations au début de la série, il faut avouer que Yu n'a que peu de concurrents quand il s'agit de réaliser des épisodes pareils - à charge de Mahumd Asrar d'être à la hauteur pour les prochains chapitres de X-Men.

Voilà, vous avez à la fois un aperçu de ce qui se joue dans ce double prologue mais aussi dans la forme des critiques que je vais rédiger pour ce crossover. X of Swords est prometteur, malgré son gabarit à la limite de l'obésité.