vendredi 21 février 2020

X-MEN #6, de Jonathan Hickman et Matteo Buffagni


X-Men version "Dawn of X" (l'actuel statu quo issu de House of X-Powers of X) ne plaît pas à tous, bien que son succès critique et commercial soit indéniable. Pour ma part, si je ne suis pas enthousiasmé par toute la ligne des nouvelles séries, celle qui est le vaisseau-amiral de la franchise est parmi ce qu'on peut lire de mieux dans les comics actuels. Et une fois encore, avec ce numéro, Jonathan Hickman impressionne par la rigueur de sa mise en place, tandis qu'il est accompagné par un des artistes que j'apprécie le plus (mais dont je déplore qu'on le voit si peu utilisé), Matteo Buffagni.


Retour en arrière : Charles Xavier et Magneto envoient une équipe conduite par Cyclope détruire la Sentinelle-mère sur la station Orchis. Parmi les membres choisis, Mystique reçoit un ordre secret des autres : planter une fleur de Krakoa sur place.


Tandis que les X-Men se sacrifient les uns après les autres pour mener à bien la destruction de la Sentinelle-mère, Mystique remplit son objectif. Toutefois, elle est surprise peu après et meurt à son tour, expédiée dans le vide sidéral par le Dr. Alia Gregor.


Ressuscitée, Mystique fait son rapport à Xavier et Magneto qui lui demande de tester le portail mis en place grâce à la fleur de Krakoa qu'elle a plantée. Elle retourne sur la station Orchis incognito, trompant la vigilance d'Omega Sentinel, servant de courrier au directeur Devo.


A son retour sur Krakoa, elle avertit que Nimrod est toujours développé par le Dr. Gregor, qu'elle a cependant épargné pour forcer Xavier et Magneto à ressusciter Destinée. Mais les deux hommes ne le feront pas tant que Gregor sera encore en vie. Mystique se résigne à retourner le tuer, le lendemain.


En entendant, elle se retire dans ses quartiers et se rappelle une conversation avec Destinée qui avait prédit sa propre mort, mais aussi l'avènement de Krakoa et la duperie de Xavier. Ce dernier point devait inciter Mystique à détruire Krakoa si le Pr. X persistait à ne pas ressusciter Destinée.

La quasi-totalité de l'épisode revient sur les événements de House of X #3, avec la fameuse mission-suicide sur la station Orchis en orbite autour du soleil. Là-bas y était construite la Sentinelle-mère, elle-même supposée être la matrice du programme Nimrod, le robot anti-mutant ultime.

Sauf que... Tout ne s'est pas passé exactement comme on l'a cru/lu. Jonathan Hickman consacre à Mystique le premier rôle de l'épisode car, depuis HoX et ce qui a suivi, on sait bien que son cas est à part. Elle siège au Conseil de Krakoa mais avec une exigence impossible, pour Xavier et Magneto et Moira McTaggert, à exaucer : ramener à la vie Destinée, sa compagne.

En effet, la résurrection des mutants pré-cognitifs n'est pas envisageable car ils devineraient la présence de Moira McTaggert et la finalité des plans qu'elle a conçus avec Xavier et Magneto. On sait par ailleurs que dans l'une de ses vies antérieures (quand elle choisit de lutter contre la propagation des mutants), Moira fut capturée par Mystique, Pyro et Destinée pour être tuée mais surtout avertie que dans ses prochaines vies elle serait sous leur surveillance.

Jusqu'alors Hickman a différé le traitement du "dossier Mystique" comme pour mieux résumer le fait que Charles Xavier gagnait du temps avec elle avant qu'elle ne réclame la résurrection de Destinée. Entretemps d'ailleurs, via la publication de History of the Marvel Universe (par Mark Waid et Javier Rodriguez, censé établir définitivement l'Histoire du MU), il a été enfin officiellement reconnu que Mystique et Destinée n'étaient pas que des partenaires professionnelles mais formaient bien un couple lesbien (Chris Claremont avait déjà cela en tête dans les années 80 et voulait même entériner le fait que Mystique, grâce à ses pouvoirs transformistes, était le "père" de Nightcrawler - de quoi vous faire voir autrement Rebecca Romjin puis Jennifer Lawrence dans les films).

Sur ces bases, Hickman, aujourd'hui, souligne peu le caractère du couple Mystique-Destinée (apparemment pour lui aussi cela allait de soi depuis toujours). En remontant le temps et en révélant l'agenda secret confié à Mystique, il confère à la mission sur Orchis un caractère plus tactique encore (y planter une fleur de Krakoa, c'est installer en territoire ennemi une porte d'entrée) et il rend surtout la mort abrupte de Mystique plus puissante que dans HoX #3 (où la mutante bleue paraissait une recrue un peu inutile).

Mais cette addition devient encore meilleure quand Mystique retourne sur Orchis et découvre l'évolution indépendante de Nimrod et surtout épargne Alia Gregor. En ne la tuant pas, elle pense tenir un moyen de pression contre Xavier. Malheureusement, il l'avait anticipé. A-t-il aussi anticipé la volonté de Destinée transmise à Mystique de détruire Krakoa si Xavier persistait à ne pas la ressusciter ? A ce titre la dernière scène et la dernière image sont glaçantes et, une nouvelle fois, montre bien que l'île-refuge des mutants est un baril de poudre que sont prêts à faire exploser plusieurs de ses éminents membres (Sebastian Shaw, Apocalypse, Mystique). Magistral.

Pour mettre ce récit en images (un nouveau done-in-one qui fonctionne tout seul mais enrichit l'ensemble), la série accueille l'italien Matteo Buffagni. C'est pour ma part un artiste que j'aime beaucoup, au style inscrit dans "l'école Toth", donc avec un trait épuré, très élégant, un jeu des ombres et lumières élaboré, et un découpage sobre mais varié et efficace.

Pourquoi, muni de tant de qualités, ce dessinateur est-il si peu exploité par Marvel, qui le cantonne à des fill-in ? C'est une énigme. Comme Greg Smallwood, il a tout pour être une énorme star, sa technique est impeccable, il est régulier, s'adapte à plein d'univers (il a par exemple participé à Spider-Man période Slott). Mais il n'est sollicité qu'épisodiquement, inexplicablement.

Ses pages ici sont fantastiques. Il anime Mystique avec une qualité indiscutable, les décors sont soignés, les compositions s'accordent magnifiquement au script de Hickman. L'ambiance des scènes est intense, envoûtante, traduite à merveille par un trait assuré et dépouillé, donnant aux couleurs de Sunny Gho de l'espace (mais sans que ce dernier n'en profite pour tenter de faire l'intéressant). C'est exemplaire. Mais à quand reverra-t-on Buffagni après ça, malgré l'excellence de sa prestation ?

En tout cas, couplé au récit fascinant, la série brille graphiquement - et ça ne va pas s'arrêter puisque, après Silva, Buffagni, c'est Mahmud Asrar qui illustrera le prochain numéro.  

1 commentaire:

  1. effectivement d' après les visuels que tu as postés je ne comprends toujours pourquoi ce genre de dessinateurs " classiques " sont limites méprisés au profit d' autres qui ne me plaisent pas du tout

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