vendredi 21 février 2020

THOR #3, de Donny Cates et Nic Klein

Deux semaines pile après ma dernière critique, me revoici en piste. La raison de ce break : une grosse grippe, et je suis encore convalescent. Je vais néanmoins vous proposer dans les prochains jours des articles consacrés aux sorties du 12 puis du 19 Février. Lisez ça bien au chaud et couvrez-vous si vous sortez !


On ouvre le bal avec le numéro 3 de Thor par Donny Cates et Nic Klein, toujours aussi spectaculaire et vitaminé. Si l'intrigue de l'Hiver Noir passe clairement au second plan, l'action fournie est une garantie de plaisir dans ce chapitre où le dieu du tonnerre semble perdre toute mesure.


Beta Ray Bill s'interpose sur la voie prise par Galactus et Thor, devenu son héraut. La destruction sous ses yeux de la planète Clypse, censée fournir l'énergie nécessaire au géant pour stopper l'Hiver Noir, ne saurait excuser qu'il l'ait commise au détriment du déplacement de toute sa population.


Thor écarte d'abord Bill puis lui prouve qu'il n'a pas perdu son libre arbitre. Galactus s'en formalise et cherche à contraindre le dieu du tonnerre qui lui résiste. Bill, cependant, en ayant la confirmation que Thor s'est associé librement à Galactus, le lui reproche violemment.


En effet cela fait du nouveau roi d'Asgard le complice du dévoreur de mondes. Inacceptable même pour celui qui fut son frère d'armes et un des rares autres individus jugés dignes jadis de soulever un marteau enchanté.


Thor en a assez et ne peut se permettre de perdre davantage de temps en explications. Il corrige Bill en justifiant qu'il n'avait pas le choix car l'Hiver Noir menace tout leur univers. Bill s'empare de Mojlnir mais Thor détruit Stormbreaker, le maillet de Bill en représailles.


Bill ne baisse toujours pas les bras. Thor est prêt à le tuer pour poursuivre sa mission. C'est alors qu'un nouvel adversaire s'invite dans ce combat : Lady Sif débarque du Bifrost, dont elle est désormais la gardienne... Et prend parti pour Bill contre Thor !

Parties comme sont les choses, je ne vois guère de conclusion définitive à l'intrigue initiale de l'Hiver Noir dans cet arc, auquel il ne reste plus que deux chapitres. Il semble bien que Donny Cates soit engagé dans un récit qui courra plus loin en mettant d'abord en scène Thor contre Beta Ray Bill puis, donc, Lady Sif, pour le raisonner, avant que la dévoration des quatre autres planètes et l'affrontement contre l'Hiver Noir n'ait lieu ensuite.

Le scénariste joue sa partition de telle sorte qu'en différant la résolution du problème annoncé, le lecteur soit conduit à croire que, une fois Thor calmé, il sera en fait peut-être trop tard pour que Galactus ait pu s'alimenter suffisamment pour enrayer la menace.

En effet, dans le précédent numéro, on a vu, lors d'une scène fugace (quand Volstagg enregistre les réfugiés de Clypse à leur arrivée sur Asgard) que l'arbre de vie, Yggdrasil se mourrait. Volstagg tentait, en vain, d'en informer les deux corbeaux de Thor, mais le lecteur, lui, l'a noté et compris que la situation est déjà bien compromise.

Pendant ce temps, donc, Galactus a dévoré son premier monde et Beta Ray Bill a surgi pour s'en prendre au géant. Thor a déploré a destruction totale de Clypse en sauvant ce qui pouvait l'être (ses indigènes). Il apparaît désormais déterminé à guider le géant vers sa prochaine planète, sans états d'âme. ET c'est toute cette question de libre arbitre qui va être au coeur de l'épisode.

Thor a-t-il abdiqué toute raison en devenant le héraut de Galactus ? Il devient vite clair que non, montrant à Beta Ray Bill qu'il a reçu un supplément de puissance tout en pouvant redevenir lui-même sans souci. En revanche, quand il doit répondre de son partenariat avec le dévoreur de mondes, il ne montre aucun scrupules : si Galactus est le remède au mal qui ronge l'univers, alors il lui servira de héraut et assumera d'être son complice. Cela, Bill ne peut ni le comprendre ni l'admettre.

Cates s'emploie habilement à justifier l'attitude de Thor, écrasé par la situation, devant composer entre ses rôles de héros, de roi, de héraut, face à un danger qui le dépasse. Mais ce faisant le scénariste expose aussi avec brio que Thor est bien le fils de Odin, aussi têtu, borné et brutal, n'hésitant pas à administrer une correction sévère à un ami qui se dresse devant lui. "Tu crois que c'est facile ?" dit-il pour espérer être compris. Bill lui rétorque qu'il aurait pu l'appeler, soulever l'armée d'Asgard, faire appel à ses amis héros, mais il a préféré s'en remettre à Galactus : ce choix est impardonnable - et devrait avoir des conséquences futures très lourdes.

C'est certainement aussi pourquoi, alors qu'il paraît sur le point de tuer Bill, que Thor est interrompu par l'arrivée sur le champ de bataille par Lady Sif. Devenue la gardienne du Bifrost (depuis la mort de Heimdall - un autre legs stupide de Aaron, mais que Cates gère bien), elle est donc par conséquent celle qui voit tout. Et plus que tout, elle voit son roi (et ex-amant) perdre toute mesure, sur le point de commettre l'irréparable. Elle vient aider Bill et se dresser contre Thor. La prochaine manche va être très tendue, surtout que Galactus ne va pas rester impassible en entendant que cela se passe...

Une fois encore, Nic Klein épate en produisant un épisode de haute volée. Le plaisir qu'il prend à dessiner cette histoire est manifeste si on en juge par la générosité dont il fait preuve dans la représentation des combats.

L'épisode s'ouvre par un bref flash-back, qui vient rappeler la déformation du temps pour un dieu (Thor a livré une bataille pendant deux ans autrefois, mais il ne se rappelle même plus du nom de l'armée qu'il a défaite. Qu'est-ce que deux ans pour un immortel ? Un moment. Qui plus est perdu dans les souvenir d'innombrables autres batailles épiques.). Cates impose à Klein une double page très fournie et l'artiste livre une image pleine de sang, de sauvagerie et de bravoure, qui en dit long sur son investissement dans la série. A l'échelle de l'épisode et de l'arc, ce n'est rien, mais Klein traite ce passage avec le même soin que ce qui suit, pour que cela reste mémorable pour le lecteur (à défaut de l'avoir été pour Thor).

Le duel avec Bill tient toutes ses promesses : les compositions franches, directes, traduisent parfaitement l'intensité de l'affrontement, et cet extra-terrestre avec sa tête de cheval (géniale création de Walt Simonson) devient vite, sans effort, celui pour lequel on prend parti, horrifié par la brutalité de Thor.

Klein dessine Thor de manière tout aussi frustre : c'est une force en marche, que rien ne saurait ébranler. Moins massif que celui de Coipel, il est plus sculpté, et malgré la puissance qu'il dégage, on sent une fatigue qui l'alourdit, comme une sorte de fatalité en mouvement. Ce qui colle parfaitement avec la démesure de cette première mission en tant que roi et héraut. Le tout est formidablement mis en valeur par des couleurs nuancées et vibrantes de Matt Wilson (qui s'exprime là avec un artiste au style bien différent de son partenaire le plus fréquent, Chris Samnee).

Ce Thor n'est pas le plus sympa, le plus évident, mais diable, il est vraiment électrisant.




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