jeudi 17 octobre 2019

EVENT LEVIATHAN #5, de Brian Michael Bendis et Alex Maleev


Pour son pénultième chapitre, Event Leviathan fait pâle figure. En effet, on finit cet épisode avec une double impression : comme si du temps avait été gâché mais en même temps que la conclusion pouvait tout rattraper. Brian Michael Bendis a le chic pour se mettre la pression tout seul et le lecteur reste dans l'expectative. Heureusement Alex Maleev conserve au projet une sacrée allure.


Lois Lane est avec la seconde équipe de détectives qu'elle a mise sur l'affaire Leviathan. Zatanna et ses partenaires ont éliminé beaucoup de suspects envisagés par le groupe de Batman et accusent Sam Lane d'être l'ennemi.


Lois refuse d'y croire, étant donné que son père a failli périr durant une attaque de Leviathan. Batman, qui écoute la conversation (grâce à la voiture que lui a empruntée Lois) est d'accord sur ce point. 


Lois appelle Superman mais celui-ci est, avec Plastic Man, devant Leviathan dans une poche dimensionnelle. Ce dernier tente de convaincre le héros d'adhérer à son projet tout en sachant que cela ne va pas de soi.


Zatanna ouvre un portail magique grâce auquel elle, Lois et les détectives accèdent à la chambre de Sam Lane. Il est attaqué par des sbires de Leviathan qui, blessés, le téléportent avec sa fille. Il s'éteint dans les bras de Lois. Batman décide avec sa bande de rejoindre Zatanna.


En route, Robin interroge Manhunter sur l'origine de son arme et ceux qui ont pu y avoir accès - comme ça peut être le cas de Leviathan. Celui-ci se démasque devant Superman au même moment où Talia Al Ghul stoppe le véhicule de Batman à qui il demande de lui livrer Manhunter.

Je n'aime guère critiquer un comic-book en le comparant à un autre, qui plus est publié chez un autre éditeur et au sujet différent. Mais il est indiscutable que ma lecture a été impactée par celle des récentes productions de Jonathan Hickman - lequel se trouve avoir percé dans le milieu grâce à Brian Michael Bendis.

Or c'est en quelque sorte comme si, à l'aune de leurs livraisons actuelles, "l'élève" avait dépassé "le maître" (même si les relations entre les deux auteurs n'est pas de cet ordre). Hickman m'a impressionné récemment par la rigueur de ses récits, la manière dont il a (re)construit une franchise en sachant développer une histoire très solide et ambitieuse à la fois.

Event Leviathan accuse, avec ce cinquième et avant-dernier chapitre, un défaut structurel que n'affichait pas l'histoire de Hickman. La révélation, le mois dernier, qu'une autre équipe de détectives avait été sollicitée par Lois Lane pour démasquer Leviathan était un coup de théâtre intéressant mais tardif. Trop tardif en fait car cela ne laissait guère de place pour développer les membres de ce groupe, détailler leurs investigations et justifier la "mauvaise nouvelle" qu'il promettait à Lois.

Surtout cela posait un double problème : d'abord fallait-il que Lois ait bien de foi en Batman (le détective par excellence du DCU) pour penser qu'elle avait besoin d'autres enquêteurs en parallèle, et ensuite fallait-il que ces autres enquêteurs soient peu scrupuleux pour accepter de travailler dans le dos de Batman. Et ça, c'est tout de même gênant quand on sait que Zatanna, Renee Montoya, Harvey Bullock, Ralph Dibny, John Constantine et même Deathstroke (sans doute l'élément le plus incongru) sont tous des proches de Batman. 

Pire : comment imaginer que Batman, dont on sait la nature parano, n'ait pas envisagé que Lois ait pu le doubler ? Et quid de Superman, qui, lui non plus, n'a pas deviné la manoeuvre secrète de sa femme ? Non, ça ne fonctionne pas.

Mais bon, nous voilà à un épisode de la fin de cette mini-série et si Zatanna et ses acolytes ont éliminé des suspects, ça ne ne les a pas empêchés de se tromper de coupable (non, Sam Lane n'est pas Leviathan). Le comble pour des limiers pareils. On est au point mort, même si on se demande bien pourquoi Talia veut absolument que Batman lui livre Manhunter. Et que Superman a l'air vraiment étonné en découvrant qui porte le masque de Leviathan...

Sur ce point, cependant, Bendis gagne. Car forcément si Superman est comme deux ronds de flan, alors nous aussi, sûrement le mois prochain. C'est un vrai coup de poker pour le scénariste : s'il abat une carte vraiment sidérante dans le dernier épisode, la structure maladroite de sa saga sera excusée. En revanche, s'il se rate, ce sera un échec d'autant plus embarrassant que le récit a été mal fichu.

Il faut qu'Alex Maleev soit en forme pour illustrer tout ça. Le dessinateur a du métier et l'habitude de travailler avec Bendis, donc ça lui permet de soutenir un projet pareil sans faiblir, sans douter. Et c'est vrai, ses pages sont superbes. Pourtant il joue une partition minimaliste (un peu comme Mitch Gerads sur Mister Miracle) : l'essentiel de sa production ici se résume à des scènes dialoguées, des "talking heads", une ambiance feutrée. Tout demeure nébuleux, brumeux, et pourtant électrique, envoûtant.

En effectuant la colorisation  Maleev est seul maître à bord et imprime à ce récit une identité unique, qui détone par rapport à ce qu'on peut attendre d'un event. Pas de grand spectacle, de grandes explosions. L'image la plus saisissante ici est une double-page montrant Leviathan et son armée face à Superman, mais tout baigne dans le bleu, le brouillard, quelque chose d'onirique, d'irréel, de fantomatique. C'est tout à fait déroutant.

Pour tout cela, positif comme négatif, Event Leviathan s'achemine vers un final en forme de quitte ou double : Bendis a fait un choix assez expérimental, casse-gueule, à la fois frustrant et culotté. C'est très beau, visuellement, mais narrativement hasardeux. 

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