jeudi 17 octobre 2019

X-MEN #1, de Jonathan Hickman et Leinil Yu


Une semaine après la fin de House of X-Powers of X, Jonathan Hickman entame donc son run avec la série-phare de la franchise qu'il vient de réparer. X-Men est tellement conçu comme un nouveau départ que sa double numérotation identique apparaît comme un manifeste : pas de "Legacy issue", ce #1 est l'acte de naissance d'une nouvelle ère. Et, avec plus de quarante pages, dessinées par Leinil Yu, il en impose.


Cyclope, Tornade, Magneto et Polaris attaquent le Centre, une base où sont pratiqués par le Dr. Mars et son équipe des expériences sur des post-humains. Après avoir neutralisé la sécurité, les X-Men découvrent parmi les cobayes une jeune fille capable de se déplacer dans le temps et qui leur échappe.


Les autres captifs sont évacués sur Krakoa où ils sont immédiatement pris en charge par le Dr. Cecilia Reyes, sous la supervision de Tornade. Les enfants fêtent Magneto en héros. Cyclope invite Polaris à dîner en famille car son frère, Havok sera là, mais elle décline l'offre.


Cyclope retrouve sa famille dans la Summer House, située sur la face bleue de la Lune. Nathan Summers discute armes avec Raza, Jean Grey prépare des boissons avec C'hod, Hepzibah converse avec Rachel Summers, Wolverine veille sur la cuisine avec Vulcain.


Alex Summers (Havok) offre à Christopher, son père, une fleur de Krakoa, qui permettra à Corsaire et ses Starjammers de revenir facilement sur place via un portail dimensionnel. Scott rassure son père sur sa nouvelle vie, confiant dans les plans de Charles Xavier pour les mutants.


Sur la Station Orchis, le Dr. Devo incinère les victimes de l'attaque des X-Men (lire House of X #3) puis rejoint le Dr. McGregor, qui n'a pas assisté à la cérémonie. Elle est très affairée car elle prétend avoir trouvé un moyen de ramener les morts de la station à la vie.

C'est parti. House of X et Powers of X viennent juste de se terminer et il faut désormais exploiter le nouveau statu quo des mutants en séries régulières. Elles seront six à tenter de faire vivre les espoirs suscités par la révolution opérée par Jonathan Hickman, qui devient une sorte de showrunner de l'univers mutant pour Marvel, dans la mesure où s'il n'écrira évidemment pas tout, il a collaboré avec les scénaristes pour établir un ensemble cohérent. On sait même qu'un titre Wolverine va être lancé, et en 2020 ce sera au tour de X-Corp. Espérons que Marvel ne va pas trop presser le citron et fragiliser ce bel édifice.

X-Men #1 affiche lui un copieux programme puisque l'épisode compte quarante-deux pages, bien denses et prometteuses. Néanmoins, malgré une ouverture riche en action, le résultat prolonge ce qu'on lisait dans HoX-PoX, à savoir un récit qui s'appuie sur les personnages, et le cadre très riche dans lequel ils évoluent. Le scénariste a indiqué que ses arcs narratifs seraient brefs, parfois des done-in-one issues, même s'il est déjà évident qu'un subplot sera développé avec un retour à la Forge de la Station Orchis.

L'autre information utile, c'est que X-Men n'est pas, comme la couverture de ce premier numéro le suggère, une série sur la famille Summers, Jean Grey et Wolverine - même si ce "pilote" les met effectivement en avant. La série a vocation à employer les X-Men en général, selon les missions, les histoires, avec des figures emblématiques comme d'autres plus jeunes (Armor, créée dans les Astonishing X-Men de Whedon et Cassaday, sera de la partie bientôt par exemple). Derrière la sobriété de l'intitulé se cache donc la famille au sens large des mutants.

Comme on l'a appris au terme de HoX-PoX, Krakoa est gouverné par un Conseil de douze membres et protégé par cinq capitaines, dont Cyclope est le chef. C'est donc tout naturellement qu'il tient le premier rôle de cet épisode, à la tête d'une unité restreinte portant secours à des cobayes post-humains. Il suit les ordres de Magneto, mais mène l'assaut aux côtés de Tornade et Polaris. Leur action est ciblée, efficacement conduite, rapide, précise. C'est commando qui effectue un raid et, quand Magneto souhaite en modifier la course, Cyclope lui rappelle l'objectif et diffère ce changement.

On pourra trouver que la partie la plus mouvementée de l'épisode tienne finalement peu de place, mais en même temps elle a le mérite de montrer que les X-Men sont une formation entraînée, disciplinée, sous l'autorité d'un vrai capitaine, avec un contrat à remplir. La mise en images par Leinil Yu souffre du défaut chronique chez cet artiste, que Marvel a quelque peu laminé en lui confiant les dessins de plusieurs events ou en le baladant de séries en séries comme s'il était un couteau suisse : le découpage est sage et les compositions peu dynamiques, mais cependant compensé par des décors représentés avec suffisamment de détails et avec un souci de lisibilité.

Il n'en reste pas moins que Yu est plus à son avantage dans les scènes dialoguées, même si son dessin manque aussi d'expressivité (on est loin, en ce sens, de ce que peuvent produire Schiti ou Immonen, dont on se prend à rêver de ce qu'ils auraient apporté à un tel script). Il ne faut pas accabler l'artiste (il en est de bien plus médiocres pour lesquels des fans ont une indulgence coupable) et reconnaître qu'il donne à Magneto une majesté indéniable ou à Corsaire une sorte de gravité épatante. Quant aux personnages féminins, Yu ne les hypersexualise pas mais sait leur injecter une prestance naturelle (Polaris est vraiment bien servie, et Tornade ne ressemble plus à cette femme arrogante comme elle a trop souvent été dépeinte ces dernières années).

Le coeur de l'épisode met donc en scène le clan Summers au complet - même Vulcain est de retour, animé des meilleures intentions (n'ayant plus trop suivi son parcours depuis qu'il était devenu le régent des Shi'ar et avait affronté Flèche Noire, des Inhumains, je ne sais donc pas s'il a subi un traitement spécial pour que sa colère vengeresse et criminelle ait été purgée). On se sent d'ailleurs compte que, entre Scott (Cyclope), Alex (Havok), Nathan ("Kid" Cable), Gabriel (Vulcain), Rachel (Prestige), et Jean Grey, la Summer House rassemble une tribu sacrément puissante.

On notera aussi, à la faveur du plan de cette maison, que Wolverine habite donc avec tout ce beau monde. Et que la chambre de Jean se situe entre celle de Logan et celle de Scott... Voilà qui va alimenter les fantasmes de nombreux lecteurs, convaincus depuis la fin de HoX que les deux hommes partagent la même femme (ou que la femme s'offre deux amants). Déjà que les mutants vivent à la manière d'une quasi-secte désormais, isolés sur une île, ce parfum de triolisme (et d'amour libre en général, puisque Kurt Wagner a encouragé les mutants à se reproduire en masse) est étonnamment épicé pour un comic-book mainstream.

L'émotion suscité par ce cas de figure et aussi par le dialogue entre Cyclope et Corsaire sur les dangers et les espoirs de cette nouvelle vie est contrebalancée très efficacement par les ponctuations sur la Station Orchis. Ceux qui n'auront pas lu HoX-PoX seront largués par les références à l'attaque des X-Men dans cette base, mais les autres apprécieront le fait que Hickman maintient intacte la menace que représente cette communauté de savants et de soldats, issus du SHIELD, de l'Hydra, de l'AIM, qui collaborent pour empêcher l'ascension mutante non pas comme un danger abstrait, générique mais bien comme un adversaire politique et civilisationnel. L'étrangeté inquiétante du look du Dr Devo, produit par Yu, en fait une créature purement "Hickmanienne", mais qui s'avère presque moindre par rapport au Dr McGregor, dont la découverte interpelle (ce sera certainement le subplot que j'évoquai plus haut).

La périodicité de la série est un peu mystérieuse puisqu'il semble qu'on se dirige vers une moyenne de deux épisodes par mois, ce qui est soutenu, ou bien dix-huit épisodes par an (comme actuellement pour les Avengers d'Aaron). Cela induit forcément un roulement de dessinateurs (RB Silva va revenir, Matteo Buffagni est annoncé aussi, et je ne serai pas surpris qu'on revoit Pepe Larraz). Ce qui est sûr en revanche, c'est que Hickman a une histoire ambitieuse et au long cours en tête - et le succès de HoX-PoX dément toutes les rumeurs (stupides) des grognons qui parient sur un bide rapide et un relaunch.

Moi, je mise sur X-Men car j'ai foi dans le projet de Hickman comme les mutants dans celui de Xavier. Il y a vraiment, là, en germes, une vraie renaissance de ce titre.  
  

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