vendredi 18 octobre 2019

BLACK HAMMER / JUSTICE LEAGUE : HAMMER OF JUSTICE ! #4, de Jeff Lemire et Michael Walsh


Le crossover entre Black Hammer et Justice League touche à sa fin et Jeff Lemire mène son affaire avec son habituelle maestria, suivant plusieurs lignes narratives parallèles puis dévoilant enfin leur point commun. Très divertissante, l'histoire est aussi captivante et Michael Walsh la sert avec efficacité visuellement.


Mme Dragonfly, Barbalien et Abraham Slam s'évadent à leur tour du Hall de Justice et retrouvent Gail que Zatanna a rendue à son âge adulte. Mais ce faisant, la magicienne a provoqué l'ire du Spectre pour avoir perturbé l'ordre interdimensionnel.


Pendant ce temps, à la Ferme de Rockwood, Cyborg s'emploie à redémarrer Talky Walky que lui et Batman ont trouvé dans la grange. Le robot leur parle de ses amis et Bruce Wayne comprend qu'ils ont échangé leur situation. Dans la remise, ils trouvent leurs costumes et, grâce au lasso de Wonder Woman, la mémoire.


Perdus hors de la Para-Zone, Green Lantern, Flash et le Colonel Weird tentent de se repérer et découvrent l'antre de l'individu qui a déplacé leurs deux équipes. Il s'agit de Mr. Mxyzptlk qui s'est amusé à créer ce chaos pour tester les héros.


Batman, Superman, Wonder Woman, Cyborg et Talky Walky inspectent les environs de la Ferme de Rockwood. Ils trouvent sur la tombe de Flash le marteau de Black Hammer puis remarquent la cabane des horreurs de Mme Dragonfly. En l'ouvrant, ils sont attaqués par les monstres qu'elles abritent.



Mr. Mxyzptlk explique alors à Green Lantern, Flash et surtout Weird la condition à laquelle il acceptera de renvoyer chacun dans sa dimension : pour cela, tous devront être d'accord - y compris Gail, qui pourtant a, grâce à Zatanna, obtenu ce qu'elle désirait le plus...

En compagnie de Tom King et Jonathan Hickman, Jeff Lemire est certainement le scénariste qui me séduit le plus actuellement. Son inventivité et sa maîtrise sont impressionnante, il traverse un réel état de grâce. Il ne s'agit pas de prétendre que tout ce qu'il fait est réussi (il a échoué à donner à Sentry, chez Marvel, un second souffle), mais indéniablement, il se détache du lot.

L'exercice du crossover tel qu'il le pratique ici avec sa création, Black Hammer, et Justice League prouve une fois encore que, si on lui laisse carte blanche, Lemire transforme le plomb en or. Pourquoi donc les "Big Two" ne confient-ils pas à cet auteur si brillant une franchise avec la liberté de raconter ce qu'il souhaite ? On se souvient qu'il avait eu la charge des Extraordinary X-Men, personnages taillés pour lui, mais le projet avait été ruiné par des editors trop interventionnistes : qui sait ce qu'il serait advenu des mutants sans cela ?

Hammer of Justice ! montre bien que Lemire, sans entraves, rend une copie très plaisante et palpitante à partir d'éléments connus. Cette mini-série profite à fond de l'aspect ludique provoqué par la rencontre entre des personnages célèbres et d'autres dont ils s'inspirent car la bande de Black Hammer est un dérivé de celle de Justice League. Il est réjouissant de lire des dialogue où Barbalien soupire en niant que Martian Manhunter soit un authentique martien, tout comme il est jubilatoire d'assister à l'apparition du Spectre (absent de "DC Rebirth") ou du rôle endossé par Mr. Mxyzptlk (finalement assez évident).

Michael Walsh est un choix intelligent pour dessiner ce récit car ce n'est pas un artiste qui risque de tirer la couverture à lui : il a l'humilité de servir le script et c'est très bien ainsi. Bien entendu, un dessinateur plus technique, plus audacieux aurait imprimé au projet une plus-valu esthétique, aurait produit des planches plus belles et spectaculaires (même si cet épisode n'est pas avare de pleines pages efficaces). Mais Hammer of Justice ! en avait-il besoin ? Non, parce que la narration de Lemire et Walsh suffit.

Je ne veux pas donner l'impression que Walsh est juste passable. Simplement, il fait bien ce qu'il a à faire, et c'est très appréciable qu'un artiste sache rester à sa place. Il devient alors en quelque sorte le garant de la tenue du projet. Imaginez ce crossover illustré par une vedette, il aurait bénéficié de plus d'exposition sans doute, mais peut-être pas de plus de cohérence (et de régularité). En fait, pas sûr qu'une pointure de DC ou Dark Horse aurait été un atout. Walsh sait que Lemire est la vedette du spectacle et que l'histoire n'a pas besoin de fantaisie supplémentaire, au risque d'être trop chargée, trop appuyée (et donc d'étouffer le charme).

Le cliffhanger présente le tour de force d'être à la fois prévisible dans son issue (tout le monde va rentrer chez lui) mais sans l'être trop (comment convaincre Gail d'abandonner son état pour retourner à la Ferme dans son corps d'enfant ?). De quoi assurer un cinquième et dernier numéro à la hauteur. 

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