dimanche 12 mai 2019

AVENGERS : ENDGAME, d'Anthony et Joe Russo


Le voici : le dernier acte de "la saga de l'infinité" et la dernière aventure des Avengers dans l'incarnation que nous connaissons depuis 2012. Une page se tourne pour le MCU et ses fans, en fanfare compte tenu des scores pharamineux au box office mondial pour le film depuis sa sortie. Mais aussi avec une vraie émotion. Ce qui constitue le vrai exploit réalisé par les frères Russo.

Captain Marvel, la Veuve Noire, War Machine, Thor, Captain America, Rocket
(Brie Larson, Scarlet Johansson, Don Cheadle, Chris Hemsworth, Chris Evans, Bradley Cooper)

Trois semaines après le claquement de doigts de Thanos qui a fait disparaître la moitié de toute vie dans l'univers, Captain Marvel sauve Tony Stark et Nebula à la dérive dans l'espace. Elle les ramène sur Terre où demeurent les survivants de la bataille du Wakanda - Bruce Banner, Steve Rogers, James Rhodes, Natasha Romanoff, Rocket et Nebula. Grâce aux connaissances de cette dernière, ils localisent Thanos et partent à sa rencontre pour réparer ce qu'il a causé en récupérant les pierres d'infinité. Mais le titan a détruit les gemmes. Thor le tue dans un accès de rage.

Cinq après...

Cinq ans passent. Scott Lang/Ant-Man réussit miraculeusement à sortir du royaume quantique et gagne le Q.G. des Avengers, en comprenant en route ce qui s'est produit en son absence. Il explique à Steve Rogers et Natasha Romanoff que le temps s'est écoulé différemment pour lui et que là réside peut-être la solution pour sauver l'humanité, en remontant le temps. Contacté, Tony Stark refuse d'aider car il ne veut pas perdre Pepper Potts et leur fille, Morgan, sur un coup de dés. 

Clint Barton, James Rhodes, Tony Stark, Steve Rogers, Nebula, Rocket, Scott Lang,
Natasha Romanoff (Jeremy Renner, Don Cheadle, Robert Downey Jr., Chris Evans,
Karen Gillan, Bradley Cooper, Paul Rudd, Scarlett Johansson)

Rogers, Romanoff et Lang font ensuite appel à Bruce Banner (qui a réussi à concilier la force de Hulk en conservant ses capacités intellectuelles). Il est disposé à construire une machine temporelle mais en précisant que s'ils altèrent le passé, ils crééront des univers parallèles et ne répareront rien. Tandis que Hulk et Rocket partent chercher Thor, qui a sombré dans l'alcoolisme, en Norvège où il a bâti une nouvelle Asgard avec Valkyrie, Natasha traque Clint Barton, reconverti en tueur de gangsters depuis la disparition de sa famille, et Tony Stark, encouragé par Pepper, rejoint le projet des Avengers.

 En route pour le "casse temporel"...

L'opération vise à un "casse temporel" (dixit Ant-Man) en subtilisant les pierres d'infinité dans le passé avant Thanos. Quatre groupes sont formés pour atteindre des années et des lieux distincts. Rocket et Thor partent pour Asgard en 2013 où Jane Foster se remettait après avoir intégré l'Ether, l'énergie à la base de la pierre de Réalité.

 Tony Stark et Steve Rogers

Stark, Rogers, Banner et Lang se retrouvent à New York en 2012, lors de la bataille contre les Chitauri et Loki, pour reprendre à ce dernier la pierre de l'Esprit. Banner convainc l'Ancien de lui confier la pierre du Temps. Mais Rogers et Stark sont obligés de remonter jusqu'en 1970, dans une base du SHIELD, pour avoir la pierre de l'Espace.

 Nebula et War Machine

Nebula et War Machine arrivent en 2014 sur Morag où ils doivent voler la pierre du Pouvoir avant Peter Quill. Mais au moment de revenir en 2019, Nebula est stoppée par sa version de l'époque qui l'a repérée grâce à leurs implants cybernétiques communs et qui va permettre, sous la torture, à Thanos d'atteindre 2019.

 Natasha Romanoff et Clint Barton

La même année, sur Vormir, la Veuve Noire et Hawkeye récupèrent, au prix d'un terrible sacrifice, la pierre de l'Âme. Les Avengers sont à nouveau en 2019 avec les six pierres d'infinité. Il ne reste plus qu'à annuler le sort de Thanos... 

 Thanos (Josh Brolin)

Thor, toujours accablé par son échec cinq ans auparavant, se porte volontaire pour enfiler le gant d'éternité conçu par Stark. Mais craignant qu'il ne soit pas assez lucide à cause de son alcoolisme, Hulk prend sa place. Il claque des doigts...

 Le Q.G. des Avengers

... Et, grâce à un appel de sa femme sur le téléphone de Barton, l'équipe peut constater que les disparus sont revenus parmi les vivants. Malheureusement, les héros ne savourent pas longtemps leur joie.

 Thor (Chris Hemsworth)

Thanos, amené en 2019 par la Nebula de 2014, détruit avec son vaisseau le QG des Avengers. Il charge sa fille de récupérer le gant d'infinité et les pierres. Emergeant des décombres, Thor puis Iron Man et Captain America défient Thanos, sans réussir à l'abattre. Le titan va détruire la Terre et ses habitants pour avoir osé contrarier son plan, son armée débarque de son gigantesque vaisseau. La situation paraît perdue.


Mais les héros désintégrés ayant été ramenés à la vie, les voici qui surgissent, téléportés par le Dr. Strange, sur le théâtre de la bataille finale, formant une armada aussi impressionnante que celle de Thanos. La charge est lancée et se soldera par la victoire des héros, non sans avoir essuyé la perte d'un des plus emblématiques d'entre eux.

Depuis sa sortie le 24 Avril en France et deux jours après aux Etats-Unis, Avengers : Endgame n'est plus un simple film de plus dans le MCU ou même dans l'Histoire du cinéma : c'est un phénomène, en passe de devenir le plus grand succès commercial du Neuvième Art. Dans ces conditions, la critique devient étrangement décalée.

Mais pas impossible ni superflue. Car la question reste de savoir s'il s'agit d'un bon film, et aussi d'une conclusion satisfaisante aux dix premières années et à la vingtaine de longs métrages Marvel qui l'ont précédé.

Anthony et Joe Russo avec leurs scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely ont eu à relever un défi fou car Infinity War, le précédent opus des Avengers, avait marqué les esprits des spectateurs et des critiques par un dénouement extraordinairement culotté - la défaite des héros et la mort d'un paquet d'entre eux contre Thanos.

Le début de Endgame surprend franchement puisqu'en un quart d'heure ce qui reste des Avengers plus Captain Marvel, Rocket et Nebula débusquent fissa Thanos et Thor le décapite par dépit et colère en apprenant qu'il a fait en sorte que son grand nettoyage ne soit pas corrigé. Thor le décapite, dépit et furieux.

Une ellipse de cinq ans nous montre la situation des survivants et l'état du monde après la catastrophe jamais réparée. Les deux réalisateurs évoquent brillamment la magnifique série The Leftovers en quelques scènes où New York dans la brume semble abandonnée, vidée de toute population, puis une réunion à laquelle participe Steve Rogers ou la veillée de Natasha Romanoff, seule gardienne du QG des Avengers. Le climat est pesant, d'une infinie tristesse, témoignant de l'impuissance des héros, de leur quête de résilience, de leur impossible deuil.

Puis le deuxième acte s'ouvre avec le retour de Scott Lang, qu'on avait laissé prisonnier du royaume quantique à la fin de Ant-Man et la Guêpe. Découvrant la situation, il rallume l'espoir chez les Avengers en leur soumettant une idée folle pour ramener leurs chers disparus.

Le scénario mute alors en un récit d'aventures pur, devient un film de "casse temporel", où il s'agit de récupérer les pierres d'infinité avant que Thanos ne se les approprie dans le passé. L'argument, souvent supposé chez les fans, se vérifie mais son exécution est remarquable, à la fois divertissante et palpitante - avec à la clé une mise au point sur les risques d'altération du continuum espace-temps (dont les conséquences ne se lisent pas dans le présent mais par la création de nouvelles réalités parallèles).

Endgame s'offre alors le luxe jubilatoire  de revisiter de précédents opus du MCU comme le premier Avengers de 2012, Thor : le monde des ténèbres de 2013, Les Gardiens de la galaxie de 2014 et bien entendu Infinity War de 2018. Une fascinante et ludique rétrospective.

Mais pas seulement car, déjà, le scénario sacrifie un de ses personnages emblématiques. Le procédé est casse-gueule car dans les comics, on ne meurt jamais définitivement, tandis qu'au cinéma il faut convaincre le spectateur du contraire tout en parvenant à communiquer une émotion à la mesure de l'événement dans la narration. McFeely et Markus abattent parfaitement leur carte en rendant cette mort logique, étonnante et émouvante. On sent alors que Endgame mérite son nom : c'est bien la fin de la partie. Et pourtant ce n'est pas encore terminé.

Car, à la faveur d'une astuce, difficile à bien résumer, alors qu'elle est admirablement exposée dans le déroulement du récit, le troisième acte s'ouvre sur un coup de théâtre qui voit se succèder un moment de bonheur (l'opération réussie) et de terreur (la revanche de Thanos).

Ce dernier chapitre s'inscrit le plus franchement dans le registre super-héroïque, avec un déploiement d'effets spéciaux, de scènes spectaculaires, de morceaux de bravoure, à la fois attendus et encore surprenants. C'est sans doute là la plus grande gageure du film : surprendre encore avec de vieilles recettes, le folklore directement issu des comics.

On a droit au cri de guerre tant espéré, desiré ("Avengers rassemblement !"), Captain America digne de brandir Mjolnir, son bouclier brisé, le retour des disparus (grandiose), un clin d'oeil au "girls power" (un plan qui a bien entendu hérissé le plus machos, et tous les trolls qui passent leur temps libre à vomir sur Brie Larson à qui ils ne pardonnent pas ses propos sur la diversité et l'égalité - pauvres abrutis !), Spider-Man virevoltant, et ce final vraiment grisant et sobre à la fois - où un deuxième héros iconique fait ses adieux, tombant au combat. Avoir résisté au mélo, au pathos, à la grande scène d'agonie démontre encore la maîtrise et le talent et le bon goût des scénaristes et des réalisateurs.

Pas de scène post-générique de fin pour Endgame non plus : c'est vraiment la fin du livre (même si, évidemment, dans quelques années, Marvel relancera sa franchise, avec une nouvelle équipe, et peut-être une nouvelle saga). Les jouets sont rangés, non sans malice (l'arc narratif de Captain America, joué excellement par Chris Evans, alimentera les conversations) et avec des promesses alléchantes (Thor, à qui Chris Hemsworth a apporté un "relief" vraiment épatant, dont l'avenir prend une tournure très intéressante).

Le film suscite une certaine frustration car il ne donne pas à voir une grande réunion épique de tous les héros Marvel, comme dans Infinity War. Mais c'est aussi bien, et même mieux : c'est un retour aux basiques, un hommage à l'équipe initiale (même avec les additions de circonstances de War Machine, Ant-Man, Nebula et Rocket). Scarlett Johansson incarne de manière remarquable cet adieu à la fois triste et plein de panache, entourée par Mark Ruffalo et Jeremy Renner (qu'on retrouvera dans une série télé consacrée à Hawkeye). Les autres, apparus après Avengers en 2012, n'ont droit qu'à des miettes, mais forment une sorte de haie d'honneur pour la bande qui a rendu leurs carrières possibles - y compris Captain Marvel (dont les scènes ici ont en fait été filmées avant celles de son propre film !).

Pour tout cela, plus que des félicitations, on a surtout envie de dire, simplement mais sincèrement : merci. Ce fut un sacré voyage. Le MCU est désormais face à son destin (exister et continuer à prospérer avec de nouvelles têtes, faire fructifier les derniers arrivés). Périlleux mais exaltant. Cette partie est finie, la prochaine peut commencer.  

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