lundi 8 avril 2019

UNICORN STORE, de Brie Larson


Tourné en 2017, Unicorn Store est le premier long métrage réalisé par Brie Larson et il désormais visible sur Netflix. La plateforme a acquis ce projet en surfant sur le triomphe en salles de Captain Marvel qui vient de faire franchir un nouveau palier à l'actrice. Celle-ci montre en tout cas qu'elle n'a pas froid aux yeux en s'attaquant pour son premier effort derrière la caméra à un sujet bien perché, même si le résultat est inégal.

Kit (Brie Larson)

Kit est une jeune femme obsédée depuis l'enfance par les licornes. C'est donc naturellement qu'elle propose une fresque avec la créature comme motif pour son entrée dans une école d'art. Mais cela ne convainc pas ses professeurs qui la recalent. Elle est obligée de retourner vivre chez ses parents.

 Gary et Kit (Hamish Linklater et Brie Larson)

Pour les rassurer autant que pour tourner la page, Kit décide de se comporter sérieusement. Elle décroche un emploi comme intérimaire dans une entreprise où elle s'occupe des photocopies. Mais Gary, le vice-président, tombe sous son charme et la promeut pour présenter un projet publicitaire pour un aspirateur.

 Kit et le Vendeur (Brie Larson et Samuel L. Jackson)

Kit reçoit alors plusieurs cartes l'invitant à visiter un magasin où, promet-on, elle trouvera ce dont elle a besoin. Elle s'y rend, méfiante, et fait la connaissance d'un excentrique vendeur qui est prêt à lui vendre une licorne. Mais pour cela, elle doit s'en montrer digne, en commençant par lui préparer une écurie.

 Les parents de Kit, Gladys et Gene (Joan Cusack et Bradley Whitford)

Kit rencontre Virgil dans une boutique d'ameublement et le convainc de l'aider à bâtir l'écurie, en lui cachant la véritable raison, dans le jardin de ses parents. Ceux-ci s'inquiétent de voir leur fille s'embarquer dans un nouveau délire. Ils l'invitent à se joindre un dimanche à un campement en forêt avec les jeunes cas sociaux dont ils s'occupent. Kit avoue alors son projet.

 Le Vendeur et Kit

Le Vendeur recontacte Kit et lui annonce qu'une licorne sera bientôt livrée pour elle. Il s'enquiert des progrès de ses travaux pour héberger la créature. Tout à son enthousiasme, elle prépare une présentation exubérante pour l'aspirateur, alors qu'elle est en compétition avec les deux designers vedettes de l'entreprise.

 Kit vend "l'aspirateur fantastique"

Lors d'une démonstration folle, Kit sidère Gary et les publicitaires. Mais cela lui vaut un renvoi. Réconfortée par Virgil, dont elle s'est rapprochée, elle lui explique à son tour son histoire de licorne. Il croit qu'elle est la victime d'un escroc.

Kit et Virgil (Brie Larson et Mamoudou Athié)

Vexée, Kit entraîne Virgil jusqu'au Magasin. L'endroit est vide, semblant confirmer les soupçons de Virgil. Désemparée, Kit se dispute avec lui et rentre chez ses parents. La nuit durant, elle fourre dans un sac poubelle toutes ses affaires d'enfant pour s'en débarrasser.

Kit

Mais, au matin, elle est réveillée par des bruits dans le jardin et découvre que Virgil a achevé de construire l'écurie, décorée avec ses dessins. Le Vendeur lui téléphone pour la prévenir que la licorne est arrivée. Elle se précipite au Magasin, voit l'animal mais y renonce, au profit d'une autre cliente. Et Kit repart avec Virgil.

A l'origine de Unicorn Store, il y a un scénario écrit par Margaret McIntyre, qui a oeuvré sur la série Bored to death. Lorsqu'elle en entend parler, Brie Larson, alors lauréate d'un Oscar de la meilleure actrice pour Room (Lenny Abrahamson, 2006), auditionne pour le premier rôle. 

Sa conviction emporte l'adhésion de l'auteur qui accepte de lui en confier la mise en scène. En 2017, le film est présenté au TIFF (le festival du film de Toronto) où il est remarqué par la critique. Pourtant aucun distributeur ne l'achète.

Depuis Brie Larson a confirmé ses bonnes dispositions comme comédienne à suivre mais aussi "bankable", surtout depuis le triomphe récent de Captain Marvel (qui vient d'atteindre le milliard de dollars de recettes dans le monde). Netflix entre alors dans la partie et acquiert Unicorn Store pour le diffuser sur sa plateforme de streaming depuis le 5 Avril dernier.

Avec son pitch improbable, le projet ne manque pas d'audace et il en a aussi fallu à Brie Larson pour décider d'en faire le sujet de son premier long métrage. Victime de haters sur les réseaux sociaux parce qu'elle a réclamé une meilleure représentation des minorités dans les journalistes qui l'interviewait et parce qu'elle est en première ligne pour les combats féministes à Hollywood (parfois avec un peu trop de zèle - on se souvient qu'en 2017, elle refusa de serrer la main et d'applaudir Casey Affleck à qui elle remettait l'Oscar du meilleur acteur parce qu'il était accusé de comportement déplacé avec une de ses collaboratrices), l'actrice a essuyé de nouveaux quolibets avec son film.

Il n'est certes pas parfait, notamment parce que, selon moi, il souffre de deux erreurs. La première réside dans le fait que Larson s'est octroyé le premier rôle : si elle a l'âge de Kit, le personnage aurait sans doute mieux fonctionné avec une comédienne un peu plus jeune et moins connue. La seconde est d'avoir montré la licorne à la fin, une scène casse-gueule qui aurait gagné à rester plus suggestive car le message est alors claire.

En effet, Unicorn Store est un récit initiatique sur l'entrée dans l'âge adulte sans abandonner ses rêves d'enfant. Parfois, Brie Larson souligne un peu trop ses effets, cherche un peu trop à appuyer la fantaisie, alors que le propos se contenterait amplement de filer la métaphore (la licorne n'est rien d'autre que le symbole du passé de Kit qu'elle doit laisser filer pour avancer vers la maturité). Le personnage de Virgil agit comme un produit de contraste dans cette histoire puisqu'il est à la fois plus sage, raisonnable que la jeune femme tout en la supportant aveuglèment. Jusqu'à ce qu'elle lui avoue sa lubie et ne tente de la raisonner.

Il n'empêche, si l'ensemble est bancal, il y a de vrais fulgurances, culottées de la part d'une star, comme la scène de présentation de "l'aspirateur fantastique", dont le pathétique fait penser à celui qu'on trouvait dans Thunder Road de Jim Cummings (dont j'ai parlé récemment). Et toutes les scènes avec le Vendeur sont un exercice d'équilibrisme assez bluffant.

Brie Larson est épatante dans le rôle principal, surtout compte tenu du fait qu'elle passe l'essentiel du film à dissimuler sa lubie en jouant à la fille sérieuse, responsable. Son interprétation sur le fil, sobre et lunaire, est parfaite. Elle est bien entourée aussi, en particulier par Samuel L. Jackson, avec lequel elle a une complicité remarquable (vérifiée dernièrement avec Captain Marvel). Dans son costume rose, ce dernier est franchement irrésistible. 

Mais le film révèle surtout le formidable Mamoudou Athié dont la romance étonnament platonique avec le personnage de Kit illumine toute l'histoire. Charmant, tendre, le plus normal du lot, le comédien est vraiment excellent dans une partition ingrate qu'il rend attachante. Les parents de Kit bénéficient aussi du talent de Joan Cusack et Bradley Whitford tandis que Gary est campé par Hamish Linklater, flippant à souhait (on peut lire son rôle comme une charge contre les harceleurs).

Cet essai ne restera pas sans lendemain puisque Brie Larson a conclu un accord pour une autre réalisation (sans date précise). En attendant, on la retrouvera fin Avril dans Avengers : Endgame et, dans un tout autre registre, dans le prochain film très attendu de Charlie Kaufman, I'm thinking of Ending things

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