dimanche 7 avril 2019

DETECTIVE COMICS #1000


Batman a 80 ans et Detective Comics la revue qui a publié ses premières aventures atteint son millième numéro. Comme Superman et Action Comics l'an dernier, DC Comics fête cela avec un numéro spécial de 96 pages, réunissant le gratin de l'éditeur. Pourtant, le résultat est très inégal, alternant entre vraies réussites et efforts sans inspiration.


On commence avec The Longest Case où Scott Snyder et Greg Capullo imaginent astucieusement comment une laborieuse investigation de Batman dissimulait un test ourdi par une guilde de détectives (Slam Bradley, Hawkman, Hawkgirl, Martian Manhunter, Bobo le détective Chimp, Traci Thirteen, la Question, Elongated Man) pour y admettre le dark knight.

C'est malin, ludique, et on a envie de revoir cette guilde, au casting épatant. Capullo est en forme (même si la page d'ouverture fait craindre le pire). Snyder montre qu'il excelle dans ce format court (alors qu'il s'obstine dans des histoires interminables).



Kevin Smith a rédigé pour Jim Lee le segmet suivant : Manufacture for Use. L'idée est une fois encore habile (le logo de Batman dissimule une plaque de métal protectrice produite par le pistolet fondu qui a tué ses parents).

Malheureusement, les dessins de Lee gâche tout (je ne comprendrai décidément jamais le culte dont est l'objet cet artiste). Mais bon, c'est le patron chez DC... 


On arrive au premier chef d'oeuvre de la collection : The Legend of Knute Brody (le titre fait penser à un film des frères Coen). Et quel plaisir de voir réunis Paul Dini et Dustin Nguyen !

Ce récit sur un homme de main calamiteux, qui fait foirer tous les coups du Joker, du Châpelier fou, du Sphinx et de Poison Ivy, est drôlissime et sa révélation finale est imparable. La seule trace d'humour dans ce millième numéro.


La rumeur prête à Warren Ellis, l'auteur de The Batman's design, un futur projet avec le héros (dessiné par Bryan Hitch ?). Il s'associe ici à Becky Cloonan pour une poignée de pages qui file à cent à l'heure, dans lesquelles le dark knight, tel un joueur d'échecs, élimine un gang en utilisant le contenu d'un entrepôt où il l'a coincé.

Ce n'est pas renversant, mais en termes d'efficacité et de rythme, difficile de faire mieux. Et Cloonan assure le show.


Le mythique Denny O'Neil fait équipe avec le génial Steve Epting pour un autre sommet de ce numéro : Return to Crime Alley, dans lequel Leslie Thompkins démontre implacablement à Batman que sa croisade contre le crime en a fait un être consumé par la violence et la cruauté.

Graphiquement magnifique, l'épisode est subtilement écrit et déjoue ce que son titre pouvait laisser présager pour réfléchir concrétement sur les conséquences des missions de Batman sur ce dernier.


Et, sans transition, om tombe sur la première cata de ce numéro : Heretic de Christopher Priest et Neal Adams prouve par A + B que deux auteurs célébrés et respectés ne sont pas une garantie de succès.

L'histoire, sur un jeune voleur qui s'est laissé corrompre par l'argent qu'il a volé à Bruce Wayne et dont la famille a préféré se débarrasser, est consternante. Les dessins sont affreux. Rien à sauver.


Proposé gratuitement à la lecture en avant-goût par DC, le chapitre de Brian Michael Bendis et Alex Maleev, I Know, est un des plus atypiques du lot. Il nous entraîne dans le futur où le Pingouin et Bruce Wayne finissent leurs jours dans une maison de santé. Oswald Cobblepot révèle avoir toujours su qui était Batman et cela a valu la vie sauve à son alter ego.

C'est un peu bavard et statique, d'accord, mais plein de malice et de cruauté. Bendis a fait plaisir à Maleev qui rêve de redessiner Batman depuis longtemps (et ce sera chose faite avec la saga à venir, Leviathan). Jubilatoire.


Là où les uns brillent, les autres sombrent comme le prouve The Last Crime of Gotham, un navet produit par Geoff Johns et Kelley Jones. Là encore situé dans le futur, cette histoire du dernier meurtre résolu par Batman (avec Catwoman, Robin et Echo, la fille de BatCat) est d'une laideur visuelle irrécupérable.

Mais surtout, comme Jim Lee, cela sent le cadeau fait à un des boss de DC, Johns, qui n'a jamais montré d'affinités pour Batman et raconte n'importe quoi.


Le niveau se redresse nettement avec The Precedent qui est dû à James Tynion IV et Alvaro Martinez. En revenant sur le moment où Dick Grayson a découvert le secret de Bruce Wayne et le dilemme de ce dernier pour embarquer le garçon dans sa croisade, le scénario donne surtout à Alfred Pennyworth un rôle d'arbitre.

Les dessins sont somptueux et le script très intelligent. Ah, si ce tandem pouvait lâcher Justice League Dark pour s'occuper de la série Nightwing (allègrement massacrée actuellement par Scott Lobdell)...


Bien entendu, ce millième numéro ne pouvait se passer de la présence du scénariste actuel de Batman et donc Tom King a contribué avec Batman's greatest case. Aidé par Tony Daniel et Joelle Jones au dessin, il signe un segment très verbeux mais à la morale superbe.

En somme, nous dit King, la grande affaire de Batman, c'est sa famille, la Bat-family. Ils sont venus, ils sont tous là, pour une photo de famille. Qui raconte surtout que le héros a bâti un clan pour pallier la perte de ses parents, devenir un père de substitution à son tour. Daniel et Jones ne sont pas au top de leur forme, mais ça reste correct.


Et enfin, comme pour Action Comics, le sommaire s'achève par un avant-goût de Detective Comics #1001 : Medieval. En charge du titre depuis plusieurs mois, le tandem Peter J. Tomasi-Doug Mahnke présente le futur ennemi de Batman, l'Arkham Knight, importé d'un jeu vidéo.

Batman est un "Bad Man" ? C'est ce que pense ce nouveau personnage. Le jeu de mots ne vole pas haut et Mahnke enchaîne les splash-pages avec une voix-off bavarde. Guère passionnant. Comme le titre historique de la chauve-souris depuis le départ de Tynion IV (un des rares à avoir vraiment fait l'effort de redéfinir la revue).

*
Quelques pin-ups agrèmentent le programme :

 Mikel Janin, grand absent de la fête, offre une belle image iconique.

 Jason Fabok signe un poster bien garni, mais où, curieusement,
c'est Catwoman qui occupe le centre de l'image.

Et Amanda Conner, comme souvent depuis un bail maintenant,
assure le service minimum.

Forcément inégal, ce numéro mille réserve tout de même de beaux et bons moments. On en retire tout de même l'impression que ces épisodes anniversaires favorisent la hype plutôt que l'inspiration. Il faut marquer le coup évidemment, mais ce serait encore mieux si tout le monde avait vraiment quelque chose à dire, plutôt que de réserver de la place aux cadres de DC et à certaines anciennes gloires à la peine.

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