Avec plus d'un an de retard, je trouve enfin le temps de vous parler du tome 4 d'Astrid Bromure, la série écrite et dessinée par Fabrice Parme. Après s'être occupée de la petite souris, des fantômes et de l'enfant sauvage, la gamine la plus irrésistible de la bande dessinée franco-belge n'allait pas laisser passer l'occasion d'étudier le cas du monstre du Loch Ness. Et son créateur, en une trentaine de pages, d'entraîner le lecteur dans une folle fantaisie.
Un beau matin, Pandora Bromure reçoit un courrier de son cousin, Hazel Mac Muffin. Il l'invite à passer quelques jours en Ecosse pour récupérer la boîte à souvenirs familiale. M. Bromure, qui a des affaires plus sérieuses à règler, ne les accompagnera pas.
Astrid en revanche suit sa mère avec la cuisinière Mme Dottie et la préceptrice Mlle Poppyscoop ainsi que son chien Fitzgerald et son chat Gatsby. Une fois dans les Highlands, la fillette fait la connaissance de son oncle, un excentrique et jeune savant, et de son bobtail Zelda.
Son laboratoire attire vite sa curiosité avec toutes ses machines farfelues et ses expériences sur des espèces vivantes. C'est ainsi qu'Astrid trouve et libère un bébé plésiosaure, dont la croissance est alors aussi rapide qu'énorme.
La créature trouve refuge dans les eaux du Loch. Comment résoudre cette catastrophe ? Rien de plus simple : en la capturant et en la passant dans l'engin lyophilisant d'oncle Hazel pour la rétrécir... Peut-être pas si simple que ça en fait.
Le tome 3 (Comment épingler l'enfant sauvage) avait prouvé que derrière la mécanique gaguesque désopilante de Fabrice Parme pouvait se cacher de l'émotion et de la réflexion. La série accèdait à une nouvelle dimension et affichait des ambitions inédites.
C'est pourquoi ce nouvel épisode déçoit un peu à la première lecture. L'auteur revient à un argument plus léger et des péripéties plus convenues à partir d'un argument déjà maintes fois exploité par la fiction sous toutes ses formes. Le mythe du monstre du Loch Ness a effectivement nourri une oeuvre abondante, souvent dans le registre comique.
La rencontre entre l'espiègle et gaffeuse Astrid Bromure et la créature tient toutes ses promesses. La catastrophe, inévitable, alimente le récit en rebondissements d'une inventivité inouie. Mais pas plus.
Certes, nous faisons la connaissance du frère de Pandora Bromure, un aristocrate scientifique des Highlands, avec lequel elle entretient une relation orageuse (comment en serait-il autrement entre elle, la femme responsable et guindée, et lui, ce rouquin insouciant ?). Mais Fabrice Parme ne creuse guère cet aspect autrement qu'en souligant l'évidence, à savoir la proximité immédiate entre Astrid et Hazel, dont les caractères sont proches. Ils s'entendent dès leur première rencontre et le bobtail Zelda complète la ménagerie azimutée formée par le chat Gatsby et le chien Fitzgerald de la gamine.
Du voyage, Mme Dottie et Mlle Poppyscoop sont réduites à des faire-valoir, des spectatrices, prises entre deux feux, même si la cuisinière-femme de ménage prend le parti de sa patronne en rangeant le capharnaüm chez Hazel Mac Muffin, et que la préceptrice d'Astrid en pince visiblement pour cet écossais lunaire et séduisant. Le format de l'histoire empêche visiblement l'auteur de creuser davantage ce dernier aspect (à moins qu'on revoit l'oncle dans une prochaine aventure - le tome 5 paraîtra cet Automne).
Néanmoins, je m'en voudrai de jouer les frustrés car la qualité du livre reste indéniable. Fabrice Parme ne va pas aussi loin que dans son précédent opus, mais son divertissement demeure de haute volée.
Comme toujours, le point de départ est dérisoire et la suite enfle jusqu'à un joyeux délire parfaitement orchestré. Sa manière de jouer avec le cliché du monstre - qui n'en est pas un, puisqu'il n'est qu'une créature innocente elle-même dépassée par ce qui lui arrive - est un modèle du genre. On rit de bon coeur et très souvent dans ce crescendo comique dirigé par un orfèvre du genre, qui ne cède jamais à la blague facile, aux effets vulgaires.
L'influence manifeste du scénario est Blake Edwards, le metteur en scène de la saga de la Panthère Rose (avec Peter Sellers). Une simple bévue se transforme en une boule de neige et emporte tout sur son passage, à l'image des nombreux va-et-vient des animaux et d'Astrid dans et hors du manoir Mac Muffin pour dissimuler aux adultes la bétise qu'elle a commise et qu'elle veut absolument réparer. On n'est pas loin non plus de Bill Watterson, le papa de Calvin and Hobbes, dans la mesure où ce que l'enfant fait semble presque se dérouler dans un monde à part, invisible aux grands.
Mais c'st surtout visuellement que cette bande dessinée est éblouissante. Comme je l'ai toujours dit, depuis le premier tome, en trente pages, Fabrice Parme produit plus d'images que bien des artistes avec des albums qui ont une pagination plus importante.
On pense alors à Wes Anderson, le génial cinéaste texan (The Grand Budapest Hotel, L'île aux chiens), et son esthétique "maison de poupées", où tout est configuré de manière à tirer le maximum de chaque effet graphique. Parme accumule les dizaines de plans par planches sans jamais saturer le regard, encadrant chaque vignette dans des ronds, des rectangles, des carrès, des losanges, ou parfois sans bordures. De telle manière que si l'attention est en permanence sollicitée, elle l'est avec un souci de fluidité exemplaire dans le flux de lecture.
Les compositions sont le résultat d'une élaboration très minutieuse où chaque élément est placé aussi bien pour dynamiser la mise en scène que pour raconter quelque chose sur le personnage, l'endroit, l'action. Les personnages ont conservé cette expressivité jubilatoire pourtant tracée avec une économie de traits hallucinante (il n'est guère étonnant que des essais ont été effectués pour transposer en cartoon la série - même si, pour l'heure, le projet n'a pas été développé pour la télé ou le cinéma).
En résumé, on dira donc que ce tome 4 d'Astrid Bromure doit surtout se savourer comme une comédie débridée et millimétrée, sans chercher davantage. C'est en deçà du tome 3, mais au-delà de tout ce que vous pourrez trouver dans la bande dessinée à l'adresse des plus jeunes mais capable de combler les plus âgés. Vivement Octobre prochain pour le cinquième chapitre !
En résumé, on dira donc que ce tome 4 d'Astrid Bromure doit surtout se savourer comme une comédie débridée et millimétrée, sans chercher davantage. C'est en deçà du tome 3, mais au-delà de tout ce que vous pourrez trouver dans la bande dessinée à l'adresse des plus jeunes mais capable de combler les plus âgés. Vivement Octobre prochain pour le cinquième chapitre !
Peut-être parce que dans cet épisode, il est surtout question de non-dit.
RépondreSupprimerCertains lecteurs le préfèrent au précédent.
Le prochain sera encore différent.
Rupture dans la continuité.
Bien cordialement,
f*