vendredi 14 septembre 2018

SUPERMAN #3, de Brian Michael Bendis et Ivan Reis


Pour ce troisième épisode de Unity Saga, Brian Michael Bendis continue de prendre le temps d'exposer la situation cataclysmique dans laquelle il a plongée Superman. Pourtant il s'agit moins de gagner du temps que de vraiment montrer à quel point l'histoire qu'il déploie n'impacte pas seulement le héros mais la Terre. Et comme Ivan Reis est toujours dans une forme olympique, on en prend plein la vue.


En suivant un pic d'énergie généré par la super-vilaine Livewire, Superman surgit aux S.T.A.R. Labs. Il décourage son adversaire de s'en prendre aux savants puis comprend que ces derniers sont les responsables, suite à une expérience qui a dégénéré, de la déportation de la Terre dans Zone Fantôme.


La crise est grave et Superman fait tout son possible pour que les civils soient épargnés par le dérèglement de la planète dans ces conditions. Il est bien seul car ses amis de la Justice League - hormis le Martian Manhunter, grâce à sa constitution extra-terrestre - tombent malades les uns après les autres dans cet environnement.
  

Pendant ce temps, Rogol Zaar est abordé par Jax-Ur, un criminel kryptonien exilé dans la Zone Fantôme depuis longtemps. Après lui avoir tendu une embuscade et vu ses alliés mis en pièces, ce dernier comprend qu'il a tout intérêt à se lier avec le colosse. Rogol Zaar se charge d'élaborer un plan d'attaque contre la Terre et Superman pendant que Jax-Ur rassemble une armée.


Superman, justement, retrouve au Hall de Justice quelques-uns des esprits les plus brillants de la communauté super-héroïque comme Ted Kord/Blue Beetle, Ray Palmer et Ryan Choi/Atom, Michael Holt/Mr. Terrific et le Pr. Will Magnus. Il les informe du désordre causé par les scientifiques de S.T.A.R. Labs que Ray Palmer va aider à tenter de corriger la situation.
  

Superman s'envole à nouveau dans l'espace car il a senti s'approcher les forces armées de Rogol Zaar...

La variant cover de David Mack.

Ceux qui aiment l'écriture de Brian Michael Bendis et ceux qui ne l'aiment pas s'accordent au moins sur un point : la manie de l'auteur à détourner les règles du genre. Et cet épisode de Superman vient le rappeler. Il y a donc fort à parier qu'il s'agira d'un tournant : ceux qui ont été accrochés par son approche du personnage, dans cette série, resteront. Les autres vont soupirer (et râler bruyamment comme ils aiment tant le faire).

Superman est le parangon de la figure super-héroïque, pas seulement pas son ancienneté, mais par la puissance qu'il incarne. C'est à la fois un étranger, venu d'une autre planète ; un survivant, le dernier de sa race ; un quasi-dieu, surpassant le commun des mortels ; un messie, qui protège la Terre dont les habitants le respectent et le craignent. Mais il est aussi devenu, via son alter ego Clark Kent, un des hommes sur lesquels il veille.

Ce statut double et ambivalent confère à Superman un étrange fardeau : il est obligé de se fondre dans la masse pour ne pas être reconnu, pour apprendre les aspirations, les craintes des humains, et en même temps, une fois en costume, il est cet ange gardien, ce surhomme fascinant et inaccessible, bienveillant et mystérieux, détaché de toute manière du tout-venant.

On pourrait donc facilement penser que Superman n'échappe jamais à sa condition première. Il reste un immigré surpuissant.

Mais Bendis nous a rappelés, depuis le début de cet arc, que Superman tirait sa force, ses pouvoirs de la situation même de la Terre. Donc, en déplaçant la Terre entière dans un endroit hostile, Superman était fragilisé, non seulement parce qu'il devait veiller littéralement sur toute l'humanité mais aussi sur sa propre vulnérabilité. Privé du soleil qui le régénère et active ses pouvoirs, Superman n'est alors plus qu'un super-héros en sursis. Il s'en est rappelé dès que notre planète s'est trouvée subitement et sans explication dans la Zone Fantôme : bientôt, ses pouvoirs vont décliner et il sera aussi faillible qu'un simple mortel dans un environnement abritant ses pires ennemis.

Cette fois, Bendis met l'accent sur les conséquences de ce déplacement insensé sur la Terre. C'est un chaos galopant qui s'étend et que Superman s'emploie difficilement à contenir, non seulement parce que son énergie décline mais parce qu'il ne peut être partout à la fois. A la manière d'un film-catastrophe, l'épisode entraîne le lecteur dans cette crise mondiale où la population panique, pille, détruit, et où la nature se dérègle (séismes, air contaminé...). Le scénario va vite d'un point à l'autre, comme une suite de pastilles, montrant l'étendue inhumaine, insoluble, désastreuse de la position de la planète. 

Etonnamment, même si les moments les plus spectaculaires remplissent parfaitement leur mission, grâce aux dessins prodigieux d'Ivan Reis, dont le niveau est impressionnant depuis le début (bien soutenu par ses deux encreurs Joe Prado et Oclair Albert), c'est lorsque le récit s'arrête sur des scènes a priori plus mineures qu'on ressent le mieux la folie en mouvement : Adam Strange, dans l'espace, hors de la Zone Fantôme, constate, affligé, la disparition de la Terre ; Superman menaçant une foule de pilleurs et repartant aussitôt, laissant cette dernière ramener les objets volés dans un magasin.

Il ne fait toutefois aucun doute que la guerre est aux portes de la série : Rogol Zaar, auquel le dessinateur brésilien donne toute sa dimension menaçante, scelle violemment une alliance avec un criminel kryptonien et lève une armée immense qui fond, dans les dernières pages sur la Terre. Et Superman abandonne tout pour se dresser contre eux. En cadrant cela de loin, Reis montre un nuage noir, traversé d'éclairs, et un point rouge minuscule : cela suffit pour résumer le déséquilibre de la bataille à venir. Déjà que Superman n'a jamais réussi à maîtriser Rogol Zaar en duel, que va-t-il pouvoir faire face à cette armada ?

Si ça, c'est pas du cliffhanger.... Comme quoi, détourner, contourner, faire mousser, frustrer le lecteur, ça peut être une méthode payante : à la fin de cet épisode, la promesse d'une baston épique fait saliver, d'autant plus que le héros est vraiment entre le marteau et l'enclume.   

La variant cover d'Adam Hughes.

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