vendredi 14 septembre 2018

FANTASTIC FOUR #2, de Dan Slott et Sara Pichelli


Le mois dernier, le grand retour des Fantastic Four par Dan Slott et Sara Pichelli avaient frustré tout le monde. La réunion tant attendue de la first family de Marvel n'avait pas lieu et les auteurs donnaient même l'impression de gagner du temps. Mais cette fois, c'est la bonne : non seulement on comprend qu'il fallait rappeler ce manque aux lecteurs mais c'était aussi pour donner à ce come-back une vraie dimension épique et symbolique. Alors, où étaient passés Reed, Sue, Franklin, Valeria et la Fondation du Futur depuis tout ce temps ?


(Suite aux événements de la saga Secret Wars et la décomposition du multivers par le Dr. Doom) toute cette troupe s'est employé à reconstituer en les reconfigurant ces mondes perdus. Franklin Richards (désormais surnommé Powerhouse) et Owen Reece/Molecule Man ont généré des planètes entières. 


Toutefois, si pour la plupart des membres de la Fondation du Futur, ceci avait des airs de voyage éducatif, les enfants Richards souffraient de l'absence de leurs oncles Johnny Storm et Ben Grimm. Reed et Sue restaient, eux, grisés par leurs explorations, comme un retour à leurs débuts.


Mais jouer à Dieu a un prix. Soudainement Franklin n'allait plus pouvoir générer de nouveaux mondes. La fin de leur mission, pensait Reed Richards. Et la fin de leur parcours pour Entropy, une créature surpuissante qui les observait depuis un moment, prête à les éliminer - et avec eux, ces planètes nouvelles.
  

Molecule Man tenta de se dresser contre elle mais elle l'abattit d'un geste. Il était temps de battre en retraite pour nos héros, Reed avouant lui-même ne pas savoir comment la neutraliser. Valeria Richards (aussi connu désormais comme Brainstorm) choisit une alternative en se posant sur un monde précédemment créé pour faire face à leur poursuivante.


Reed défia Entropy en lui promettant une défaite si elle affrontait les Fantastic Four au complet. Amusée, elle mit à la disposition de Mr. Fantastic un appareil permettant de convoquer le reste de son équipe. Il en profita pour lui réserver une énorme surprise en appelant toute sa famille...

C'est un sacré coup d'accélérateur que donne Dan Slott dans ce deuxième épisode, mais il est salutaire : jouer plus longtemps avec les nerfs et la patience des lecteurs, fans ou pas, aurait été abuser. Pour ceux qui aiment les FF, les retrouver enfin au complet (et plus encore qu'on ne le pense), c'est une récompense, presque une délivrance. Pour ceux qui voudront se mettre à lire leur série, c'est l'opportunité spectaculaire de faire connaissance avec ceux sans qui l'univers Marvel ne serait pas ce qu'il est.

En fait, ce qu'accomplit Slott relève du tour de force, du tour de magie puisqu'il renoue avec ce fameux sense of wonder qui plait tant aux accrocs aux comics, cette sensation grisante de lire une histoire merveilleuse (marvelous). Le scénariste ne ramène pas les Fantastic Four dans l'univers Marvel, il fait mieux : il ramène l'univers Marvel dans celui des FF !

Et c'est un juste retour des choses puisque sans ces quatre-là, pas de Spider-Man, de Avengers, de X-Men. Pour bien mesurer l'importance des FF, il faut en comprendre le poids historique, fondamental. Au tout début, ce n'est pas franchement une création mais plutôt une idée recyclée par Stan Lee d'une série de Jack Kirby dans sa première période chez DC. Les deux partenaires réinventent les Challengers of the unknown en les dotant de pouvoirs mais en conservant le côté explorateur, aventurier, et jusqu'aux combinaisons communes. Lee imagine pour chacun des personnages un pouvoir lié aux quatre éléments naturels (la terre pour la Chose, le feu pour la Torche humaine, l'air pour la Fille Invisible - l'élasticité remplaçant l'eau pour Mr. Fantastic).

Ce qui rend les FF si spéciaux, à la fois intemporels et décalés par rapport aux autres super-héros, c'est qu'ils ne portent pas de masque (leur véritable identité est connue de tous) et qu'ils ne se consacrent pas à des activités de justiciers ou d'agents du gouvernement. Ce sont des "imaginauts" (comme les nommera plus tard Mark Waid lors de son run dessiné par le regretté Mike Wieringo). Des découvreurs, des savants, et surtout une famille, qui s'agrandira avec deux enfants, puis la Fondation du Futur composée d'autres jeunes recrues.

En résumant ce qu'ils ont fait depuis la fin de Secret Wars (la saga de Jonathan Hickman), Slott montre une sorte de randonnée cosmique, une sortie scolaire avec un couple de parents qui encadre des jeunes, les éduque, les instruit, les cadre. Le scénariste s'amuse à glisser quelques scènes savoureuses (Valeria courtisée par un prince extra-terrestre aux faux airs de Namor, qui fut le prétendant de sa mère), mais aussi procède à quelques rappels judicieux (la puissance de Franklin, l'absence pesante de Ben Grimm et Johnny Storm pour les enfants - ce qui prouve que le manque était ressenti des deux côtés), dont celui, essentiel, de la famille étendue ("My family. My extended family." comme la présente Reed à Entropy en dernière page après avoir téléporté tous les héros ayant fait partie des FF ou s'étant alliés à eux ou les ayant remplacés). Peut-être que certains fâcheux grimaceront en voyant ce rassemblement, mais Slott semble avoir tenu à dire que Fantastic Four, c'était plus que quatre héros, c'était une marque, un emblème, une base.

Sara Pichelli avait, elle aussi, essuyé des critiques négatives pour son premier numéro. Mais la dessinatrice italienne a de la ressource et le prouve avec cet épisode riche qui requiert de l'invention et de l'énergie. Elle n'en manque pas comme le prouve sa capacité à designer des mondes et leurs créatures aux formes variées, mais aussi à produire des planches fournies et vivantes.

Par ailleurs, en accord avec son scénariste, elle imprime sa marque sur les personnages principaux : Reed a conservé sa barbe mais avec un côté un peu hipster, Sue a les cheveux longs d'une femme qui n'est pas allée chez un coiffeur depuis longtemps parce qu'elle était occupée ailleurs. Et surtout leurs deux enfants ont vieilli : Franklin est désormais un adolescent (âge estimé : 16-17 ans) et Valeria n'est plus cette gamine horripilante mais une jeune fille (âge estimé : 14 ans) dont les corps ont évolué en conséquence. C'est important parce qu'ainsi on a la preuve concrète que le temps a aussi passé pour eux comme pour nous, qu'ils ont changé depuis la dernière fois qu'on les avait vus. Et alors on les retrouve comme des cousins, des oncles, des tantes, à la fois familiers et différents.

C'est au fond sur ce dernier point que cet épisode est peut-être le plus accompli : on a plaisir à ces retrouvailles. Ils nous ont vraiment manqués. Merci à Dan Slott et Sara Pichelli (et à Marvel) de nous les ramener aussi joliment. Et avec la promesse d'un troisième chapitre musclé !  

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