C'est un épisode curieux dans la forme, à la fois dénouement (déjà !) du premier arc de Justice League Dark et prologue du crossover The Witching Hour, qui démarre en Octobre entre cette série et celle de Wonder Woman. James Tynion IV a-t-il vraiment choisi ce plan ou s'est-il plié à celui de son staff éditorial ? En tout cas, le lecteur en sort un peu dérouté, même si Alvaro Martinez assure le show...
Dès l'enfance, Zatanna fut entraînée par son père, Giovanni Zatara, pour maîtriser aussi bien les tours les plus simples que les sorts les plus complexes, afin d'intégrer la notion d'équilibre dans la magie et ne pas sombrer dans les arts occultes. Aujourd'hui, elle va éprouver ce savoir contre l'Homme Inversé, incarnation du chaos dans la tour du Dr. Fate.
Cette créature démoniaque et surpuissante entend bien châtier les magiciens qui auraient, selon elle, volé leurs forces à ses semblables. La Justice League Dark est impuissante face à ses attaques cruelles et ciblées.
Même Swamp Thing, renforcé par sa proximité avec l'Arbre des Merveilles au point d'avoir pris la taille d'un géant, échoue à le maîtriser. John Constantine déploie un sort, appris récemment, supposé tuer un dieu mais risquant de le consumer. L'Homme Inversé y résiste et torture son adversaire en le vidant de son sang démoniaque.
Il se tourne ensuite contre Zatanna en reconnaissant en elle la fille de Zatara qu'il a tué. Mais Wonder Woman s'interpose. Intrigué par l'aura mystique de l'amazone, l'Homme Inversé lui arrache sa tiare et libère alors une puissance inconnue.
Wonder Woman, guidée par Zatanna, réussit à focaliser cette énergie afin de renvoyer son adversaire de là où il vient. Cet effort lui fait perdre connaissance mais ressuscite ses compagnons tombés au combat. Et ce n'est qu'une victoire provisoire, assure Zatanna...
La variant cover de Greg Capullo.
Boucler cette première histoire en trois petits épisodes laisse, il faut le dire, un goût d'inachevé, de précipité, comme s'il avait fallu à James Tynion IV absolument conclure pour enchaîner avec le crossover entre sa série et celle de Wonder Woman le mois prochain (heureusement, dans un souci de cohérence, il écrira les deux titres le temps de cette réunion).
On peut déplorer cela : imposer une histoire commune à deux titres quand l'un n'a que trois numéros à son actif n'est guère raisonnable. Ce n'est pas illégitime puisque l'amazone est la patronne de la Justice League Dark et que sa série va ensuite changer d'équipe artistique (G. Willow Wilson, la créatrice de la nouvelle Ms. Marvel, et Cary Nord). Mais tout de même, ça ne m'enchante guère, j'aurai préféré qu'en lieu et place l'histoire de Witching Hour se déroule uniquement dans les pages de la JLD.
Car le plus problématique, c'est que depuis le début Tynion IV a su faire monter la sauce pour placer ses héros mal assortis face à une menace d'envergure, justement au coeur de leur formation. Le mois dernier on apprenait que Nabu avait pris la place du Dr. Fate, avec des objectifs inquiétants (déposséder de leur magie ceux qui la pratiquaient sur Terre) et laissait nos héros face à l'Homme Inversé, présenté comme un adversaire coriace.
Sur ces derniers points, l'impression est mitigée : Fate/Nabu quitte la scène sans qu'on sache où il est parti et l'Homme Inversé est effectivement un ennemi bigrement costaud et terrifiant, dont l'apparence est très flippante. Il n'empêche qu'il est défait (au moins temporairement) en vingt pages et au moyen d'une astuce narrative très limite (un pouvoir magique caché de Wonder Woman, dont elle-même n'avait pas connaissance), une sorte de deus ex machina paresseux mais providentielle après que Chimp, Swamp Thing, Constantine se soient pris une raclée.
En passant, il va falloir que Tynion choisisse ce qu'il va faire avec John Constantine qui traîne toujours dans les pattes de l'équipe sans en faire partie, semblant savoir beaucoup de choses sans vouloir les partager, complice de Swamp Thing mais jouant à chat avec Zatanna - dont on peut s'étonner qu'elle ne lui tire pas plus franchement les vers du nez. La belle magicienne apparaît d'ailleurs comme la vraie vedette du titre tant son histoire (et celle de son père) est mêlée à celle de l'intrigue générale - un peu curieux pour une série dont le leader est censé être Wonder Woman... De manière globale, le scénariste a du mal à imposer ces personnages ensemble : Man-Bat ne sert pas à grand-chose pour l'instant, Chimp fait de la figuration, Swamp Thing est très cryptique.
Heureusement que Justice League Dark dispose d'un artiste de la classe d'Alvaro Martinez car sinon, pas sûr que ce serait aussi accrocheur. L'espagnol délivre une nouvelle fois des pages sublimes mais aussi excellemment composées. Il joue avec la disposition des cases de manière à la fois très ludique et intelligente, place une splash-page juste au bon moment (Swamp Thing géant, très impressionnant), ose des doubles pages avec un sens du mouvement épatant (la résurrection des héros).
Le rythme mensuel permet à Martinez de construire son découpage et de peaufiner ses images bien mieux que lorsqu'il était soumis aux impératifs bimensuels (de Detective Comics) ou hebdomadaires (Batman & Robin Eternal). Il n'empêche que garder ce niveau a un prix et après le crossover, il passera le relais à Daniel Sampere (avant, je l'espère, de revenir).
Honnêtement, on passe un chouette moment. Mais on finit aussi ce numéro un peu agacé (par des problèmes de cohérence interne, par la suite qui passe par ce fameux crossover).