mardi 25 septembre 2018

DOCTOR STRANGE #5, de Mark Waid et Jesus Saiz


On me dira ce qu'on veut à propos de Mark Waid - qu'il n'est plus tout jeune, qu'il n'a plus la hype, qu'il n'écrit plus de grandes/grosses séries, etc. - mais c'est quand même un fameux conteur et cet épisode de Doctor Strange vient à point le rappeler avec son extraordinaire coup de théâtre. Donnez-lui un artiste investi comme Jesus Saiz et vous obtenez facilement une des séries les plus solides, à défaut d'être la plus côtée, de Marvel actuellement.


Conduit aux forges de Nivadellir par le nain Eoffren qu'il a tiré des griffes de Roxnor de Majesdane, Stephen Strange y est formé à la fabrication d'armes pour compléter sa science des arts occultes. Sa mission : sauver Kanna, l'arcanalogiste prisonnière de Roxnor. Il conçoit un gant et une épée - ou plutôt, comme il le dit lui-même, un scalpel.


Kanna réussit à entrer en contact avec le sorcier pour le prévenir que Roxnor a mis le cap avec sa flotte sur la Terre pour l'anéantir. Ils sont en train de dépasser le soleil de notre système donc son attaque est imminente. Il est temps pour le docteur d'opérer.


Le voilà donc qui se téléporte à l'intérieur du poste de pilotage du vaisseau-amiral de Roxnor, dans un nouveau costume et avec son arsenal neuf. Il écarte facilement et sans ménagement les soldats puis raisonne le régent de Majesdane.


Mais Roxnor vient de commander le lancement d'un missile d'énergie pure contre la Terre. Kanna et Strange embarquent dans une nef et essuie les tirs des avions de la flotte de Majesdane. Pendant que l'arcanologiste les occupe, Strange prépare une puissant sort pour empêcher la destruction de la Terre.


La manoeuvre réussit in extremis. Sur notre planète, cela n'a pas échappé au mystérieux nouvel hôte du sanctuaire sacré du sorcier suprême conversant avec Bats le chien fantôme : il sort de l'ombre et il s'agit de...

... De qui ? Je n'ai pu me résoudre à vous spoiler car la révélation qu'a mijotée Mark Waid est inattendue qu'elle mérite vraiment d'être protégée. Mais, à elle seule, elle justifie l'achat de ce numéro et légitime d'avoir suivi son run sur la série.

Le scénariste me fait penser au Spielberg de Pentagon Papers dans un monde où le modèle serait celui de Ready Player One. Waid est un classique dans une époque qui ne jure que par le moderne. Le vétéran n'a pas l'attrait des Duggan, Ewing, Aaron et j'en passe, les forums font peu de cas de lui dans les conversations, et son Doctor Strange n'alimente pas les débats après les épisodes de Aaron et Donny Cates récemment.

Mais c'est bien dommage. Car, alors qu'il s'en trouve pour minimiser les mérites de son Daredevil (pourtant le plus tonique depuis des lustres), c'est comme si Waid faisait partie des meubles : il est là depuis si longtemps à présent qu'on le remarque à peine.

Pourtant, depuis qu'il a pris ce titre en main, il a su tout de suite lui donner un ton particulier, avec une voix-off à la troisième personne du singulier, des airs de conte, de récit initiatique, à partir d'une idée éculée (le sorcier suprême perd ses pouvoirs). Il a envoyé son héros dans l'espace, une sorte de direction un peu gadget à première vue, qui laissait penser à une rencontre avec les Gardiens de la galaxie ou d'autres personnages cosmiques. 

En vérité, on l'a vu/lu, Waid a évité ces écueils. A peine un combat contre le Super-Skrull, lui-même inscrit dans la saga Infinity Wars, que le scénariste a expédié pour suivre le parcours qu'il avait établi. On pouvait presque se demander si la série se déroulait bien dans la continuité ou dans une chronologie différée, puisque Strange figurait dans les rangs des Avengers durant leur première aventure.

Et ce mois-ci, on le retrouve avec un nouveau costume, des armes, toujours dans l'espace, mais sur le chemin du retour sur Terre... Jusqu'à donc ce retournement de situation sensationnel de la dernière page du numéro. Personne n'a pu voir venir ce rebondissement, aussi spectaculaire que troublant, et qui promet beaucoup pour la suite. De l'art d'écrire à côté pour mieux tout relier en fin de compte. L'air de rien, ça ressemble à une leçon d'écriture.

Et on devine le plaisir que cela doit être pour Jesus Saiz de se reposer sur un script si bien produit. Car l'artiste a à la fois entre les mains un matériau solide, cadré, et en même temps de l'espace pour s'exprimer. Il donne chair à ce récit avec classe.

La technique employée par Saiz depuis le début a abouti à des planches superbes, capables de dépasser le rendu numérique généré par les outils choisis pour donner une esthétique puissante, superbe et efficace, loin en tout cas de l'illustration. L'investissement du dessinateur, sa régularité (qui n'était pas acquise puisqu'il assume dessin, encrage et colorisation - il n'a abandonné que les couvertures), participent au plaisir de la lecture et assurent de la complicité avec l'auteur.

Contrairement à d'autres comics Marvel qui collent vraiment au "Fresh Start" par un mélange d'aventures et d'humour (comme West Coast Avengers, Tony Stark : Iron Man, Fantastic Four, ou Cosmic Ghost Rider), Doctor Strange est plus sérieux, adulte, mais pas moins captivant et visuellement abouti.  

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