jeudi 30 août 2018

ISOLA #5, de Brenden Fletcher, Karl Kerschl et Msassyk


Avec ce cinquième épisode s'achève le premier arc narratif de Isola, sans doute la série la plus envoûtante sur le marché actuellement. Brenden Fletcher, Karl Kerschl et Msassyk ont réservé aux fans un dénouement provisoire très intrigant qui nous assure que l'épopée de la capitaine Rook et de la reine Olwyn n'est pas près de se terminer...


Les sorciers de Moro se pressent pour transférer l'esprit de la reine Olwyn dans le corps d'un autre animal. Mais la capitaine Rook s'interpose. La cérémonie est de toute façon interrompue définitivement peu après lorsque des villageois paniquent à cause de l'arrivée de soldats menaçants.


Pring, qui avait guidé jusque-là Rook et Olwyn, les entraîne jusqu'à un radeau et leur conseille de fuir par le fleuve. Les villageois les chassent à coups de pierres. Rook s'éloigne avec la reine au plus mal pour une traversée sans carte.


En descendant le fleuve, Rook remarque que des animaux de la forêt et des marais semblent les accompagner depuis les rives. Elle s'allonge auprès de Olwyn. Fiévreuse, cette dernière évoque un fantôme des bois. Rook pense qu'elle évoque une légende d'Isola mais la reine perd connaissance.
  

Rook accoste et porte dans ses bras Olwyn pour la déposer sur la berge. Les animaux de la forêt et des marais entourent les deux femmes enlacées parterre. Olwyn se réveille dans l'au-delà face à son défunt frère Asher, qui l'avait transformée en tigresse. Il lui tient des propos énigmatiques sur des ordres à suivre.


Olwyn se réveille, bien vivante... Mais à nouveau changée en tigresse. Rook constate la métamorphose aussi et s'incline devant sa reine. Elles se recouchent l'une contre l'autre, sous une bâche en tissu qui les protège de la pluie.

Lire Isola est vraiment une expérience dans laquelle il faut accepter de glisser sans trop se poser de questions. Le rythme languide, les péripéties éparses, les rebondissements étranges, les personnages égarés, le cadre à la fois magique et inquiétant, tout concourt à tester le lecteur, privé de repères.

Mais pour qui s'y abandonne, c'est un voyage, un trip envoûtant. Cet épisode pourrait tout entier le résumer. Il ne s'y passe pas grand-chose : la fuite d'un village, la descente d'un fleuve sur un radeau, l'agonie d'un personnage, un passage éclair dans l'au-delà, un coup de théâtre qui renvoie au début de l'histoire... Et pourtant on est captivé, ému, hypnotisé.

Brenden Fletcher et Karl Kerschl ont produit un scénario où les ambiances comptent plus que la narration traditionnelle. C'est un exercice d'équilibriste, mais très abouti. Bien entendu, on peut juger cela fluet, manquant d'intensité, d'action. Ce n'est pas faux. Mais depuis cinq épisodes, le traitement n'est plus une surprise, on sait où on met les pieds et donc inutile d'attendre autre chose.

Est-ce à dire que rien ne surprend ? Non, comme en témoignent des moments subtils qui prêtent à diverses interprétations. Par exemple, il semble acquis que Rook nourrit plus que de la loyauté envers sa reine. Celle-ci ne considère pas sa capitaine comme une simple subalterne non plus. Un lien secret, qui ne dit pas son nom, s'est noué entre elles deux. Les symboles abondent dans ce récit : la descente du fleuve renvoie au Styx, par lequel les morts atteignent le royaume des morts, et d'ailleurs Olwyn y fait un bref détour, revoyant et pardonnant à son frère. D'autres éléments conservent intact leur mystère comme ces animaux, parfois atypiques, qui accompagnent les deux héroïnes et semblent les protéger. Le renard en particulier est devenu une sorte de totem dans l'histoire, annonçant de mauvaises passes, surtout pour qui en veut à Rook et Olwyn.

Le sens à donner au rebondissement final est à la discrétion de chacun. On peut y lire une volonté de boucler une boucle. D'autres y verront une histoire qui tourne en rond. D'autres encore la supériorité du sortilège lancé par Asher sur toute autre magie, sur la nature. Il faudra certainement attendre le prochain arc narratif pour, peut-être, en savoir plus. En tout cas, c'est diablement étonnant.

Isola est aussi une série qui repose énormément sur son aspect visuel et ne s'en cache pas. L'économie des dialogues, le silence pesant qui domine dans de nombreuses scènes, le fait même qu'Olwyn a passé jusqu'à présent plus de temps en étant une tigresse qu'une femme, réduisent le langage au maximum et altère donc la narration écrite et graphique.

Mais aussi (surtout ?) Karl Kerschl et Msassyk font de Isola un livre d'images d'une beauté à couper le souffle. Il ne s'agit pas d'éblouir pour le simple plaisir d'étaler sa virtuosité, tout cela sert le cadre du récit en représentant un monde dont l'époque et la situation sont encore nébuleux. Peut-être est-on là sur une Terre parallèle, ou alors dans un futur lointain, ou un passé réécrit, ou dans une pure fantasy.

En tout cas, les planches s'enchaînent comme les épisodes, sublimes, époustouflantes. Le trait délicat de Kerschl et les couleurs aux nuances infinies de Msassyk sont prodigieux. Comment résister à un tel spectacle ?

En étant patient assurément car la série va faire un long break. La suite ne paraîtra qu'à partir de Janvier 2019. De quoi certainement donner à l'équipe créative le temps de s'avancer suffisamment sans négliger la qualité. Mais, sur de vrai, on n'oubliera pas de repartir pour Isola l'an prochain.

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