jeudi 30 août 2018

SCARLET #1, de Brian Michael Bendis et Alex Maleev


Deuxième série estampillée "Jinxworld" à paraître chez DC, Scarlet est en vérité une relance d'un titre lancé sous le label "Icon" de Marvel. Brian Michael Bendis avait écrit un premier volume de six épisodes, remarqué, puis quatre autres épisodes, sortis dans l'indifférence générale (Marvel ne communiquant plus sur le titre). Toujours avec Alex Maleev, l'artiste présent depuis le début, Scarlet va achever son aventure dans cette mini en six chapitres.


Depuis son agression par un policier véreux qui a tué son compagnon, Gabriel, et l'a laissée, elle, pour morte, Scarlet, à sa sortie de l'hôpital, a pris la résolution de dénoncer les agissements dont elle a été la victime. En filmant et en mettant en ligne des preuves accablantes, elle s'est attirée des partisans aussi nombreux désormais que ses ennemis.


La situation a dégénéré au point que Portland, Oregon, où elle vit est désormais assiégée par l'armée, abritant un véritable ghetto dans une ambiance de guerilla urbaine. Scarlet est devenue à la fois une égérie et la femme à abattre. Deux statuts qui la dépassent mais qu'elle tente d'assumer en prenant les armes.
  

Kit, une des alliées, lui rappelle que tout cela a commencé par la mort de Gabriel et qu'il faut désormais poursuivre cette révolution jusqu'à son terme, quel qu'en soit le prix. Des civils quittent leurs logements bombardés par des drones militaires.


Tex, un autre supporter de Scarlet, prend un bazooka et dégomme le drone. Scarlet reconnaît là tactique employée pour contenir des émeutes dans le Tiers-Monde. Mais elle sait disposer d'un avantage important dans cette guerre : tout continue d'être filmé et mis en ligne, prouvant à l'opinion les exactions des forces de l'ordre.


C'est alors qu'un homme atterrit en parachute. Il est un soldat de l'armée et n'est pas armé. Il tend un téléphone à Scarlet en lui expliquant que la Maison-Blanche veut négocier une sortie de crise avec elle...

La variant cover de Michael Gaydos.

On ne pourra jamais enlever à Brian Michael Bendis d'avoir de la suite dans les idées et d'oeuvrer avec pugnacité. Même si cela le pousse à tenter un pari périlleux en voulant conclure, en six épisodes, l'histoire de Scarlet, une série qui a connu une existence chaotique éditorialement.

En signant chez DC, Bendis a eu l'opportunité d'écrire Superman et Action Comics, avec un héros dont il se sentait proche. Il peut aussi via son label "Jinxworld" produire des mini-séries comme Pearl (avec Michael Gaydos), et bientôt Cover (avec David Mack) puis United States vs. Murder Inc. (avec Mike Avon Oeming). De tous ces projets, le plus risqué est sans doute Scarlet.

Je me demandais comment il allait s'y prendre. Reformuler l'intrigue ? La résumer ? La poursuivre comme si de rien n'était ? On trouve sur la page des crédits un bref rappel des faits du premier volume. Et puis c'est tout. Nous plongeons directement dans la guerilla à Portland, en compagnie de Scarlet, qui mène une révolution armée contre la corruption de la police dans une ville en état de siège où ses partisans se font mitrailler et des innocents bombardés par des drones militaires.

Ce choix narratif est audacieux. Mais finalement reste accessible. On sait ce qu'il y a savoir - l'héroïne a été victime d'un flic ripou qui a tué son fiancé, elle réclame justice en filmant tous les actes délictueux de la police et en les mettant en ligne, un mouvement se créé autour d'elle, l'Etat riposte. Ce premier épisode immerge le lecteur, déjà familier des événements ou tout nouveau, dans le coeur de l'action.

En revanche, la narration reste déroutante avec les monologues de Scarlet face au cadre, brisant le "quatrième mur", comme si elle s'adressait directement à nous, nous prenait pour témoin. Parfois elle s'interrompt pour répondre à un de ses partisans qui l'interpelle. Pour s'y retrouver, c'est toutefois simple : quand Scarlet nous parle, les phylactères sont rectangulaires ; lorsqu'elle parle à d'autres personnages, les bulles deviennent rondes.

C'est un Bendis bavard qui écrit Scarlet, soyez prévenus. Il l'est parce que son héroïne l'est, c'est simple. Elle commente, parfois de façon étonnante, ses propres faits d'armes, son parcours, ses états d'âme, donne son avis sur la démocratie américaine. Bendis dresse un état des lieux peu reluisant en établissant son histoire dans une ville où l'armée pilonne des civils, créé un ghetto. On se croirait revenu à la guerre des balkans ou en Afghanistan, en Irak, et Scarlet apparaît presque comme une reporter embedded, mais qui aurait franchi la ligne rouge en prenant parti pour un camp (et même en le dirigeant).

Cette confusion se prolonge dans le traitement visuel d'Alex Maleev. Si, dans les six premiers épisodes du premier volume, il expérimentait beaucoup à coups d'images répétées, de couleurs, il a ensuite adopté un graphisme plus classique pour les quatre chapitres suivants. Ici, il opère une sorte de synthèse à l'image de ce que son style est devenu récemment (depuis ses épisodes de Hellboy ou de Infamous Iron Man).

Les décors sont ainsi clairement des fichiers numériques reproduisant des photos qu'il encre ensuite et colorise pour leur donner des textures plus ou moins définies. En revanche, les personnages sont dessinés, d'un trait épuré, d'où l'usage des trames, de Photoshop et autres trucages a disparu. Maleev n'est pas un artiste dynamique, ses images ont quelque chose de figé, mais en même temps, ses références réalistes et le dépouillement qu'il a atteint produisent un effet séduisant pour qui les acceptent.

Il semble en tout cas acquis que pour Maleev comme Bendis, cette troisième étape dans le cycle de Scarlet sera bien la dernière. Le scénariste a déjà suggéré qu'en 2019, lui et son dessinateur développeraient un projet plus classique dans le DCU (d'ailleurs, à la fin de numéro, on a droit à un florilège de couvertures de Batman : The Dark Knight par Maleev. Est-ce un indice ?). 

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