vendredi 1 juin 2018

MAN OF STEEL #1, de Brian Michael Bendis, Ivan Reis et Jason Fabok


Cette fois, ça y est, nous y voilà : Brian Michael Bendis commence vraiment sa production pour DC Comics, après les quelques pages parues dans Action Comics #1000 et celles dans DC Nation #0. Mais avant d'arriver aux séries mensuelles Superman et Action Comics à partir du mois de Juillet prochain, le scénariste pose les jalons de ses runs avec une mini-série hebdomadaire en six parties, Man of Steel, dont chaque épisode sera illustré par un artiste différent. Ivan Reis, qui sera le dessinateur de Superman, ouvre donc logiquement le bal.


Autrefois. Rogol Zaar tente de convaincre le Conseil Galactique que représente Krypton dont les connaissances scientifiques lui permettront de conquérir d'autres mondes plus faibles à ce niveau. Sa solution pour éviter cette hégémonie : éliminer les kryptoniens.


Aujourd'hui, à Metropolis. Firefly et Killer Moth se disputent à propos d'un butin mais le second supplie le premier de ne pas évoquer le sujet à voix haute car "il" va les entendre. "Il", c'est Superman qui, effectivement, arrête les deux gredins et les embarque dans les airs en direction du poste de police. Juste après, il tend l'oreille et son attention est captée d'abord par une chanson vite recouverte par des cris.


Il les localise dans un immeuble en flammes d'où il sauve une fillette avant d'aider les pompiers à maîtriser l'incendie. Superman inspecte le bâtiment pour trouver la cause de la catastrophe, et rencontre alors la nouvelle chef des sapeurs-pompiers, Melody Moore, récemment transférée de Coast City. Comme lui, elle pense à l'oeuvre d'un pyromane - or Firefly que Superman a arrêté n était un : quelqu'un chercherait-il à l'imiter ?


Un des Gardiens d'Oa, le monde des Green Lanterns, siégeant au Conseil Galactique, vient rendre l'avis des sages à Rogol Zaar et lui annonce qu'ils ont décidé de laisser Krypton tranquille, même s'ils promettent d'être vigilants à son progrès comme le craint le guerrier.


A Metropolis, Clark Kent commence à rédiger l'article sur le pyromane en convaincant son rédacteur en chef de l'intérêt du papier car Superman enquête sur ces incendies en série. Puis son regard se pose sur la photo sur son bureau de Lois Lane et leur fils Jon, disparus dans des circonstances mystérieuses quelque temps auparavant...

Autant prévenir tout de suite le futur lecteur de cet épisode, le résultat est frustrant. Mais pouvait-il en être autrement ? Il s'inscrit dans un ensemble en six chapitres et il ne fallait donc pas attendre que Brian Michael Bendis dévoile tout dès le début : le scénariste a d'ailleurs prévenu, non sans humour, qu'il espérait bien rendre les fans à la fois "nerveux et excités" avec Man of Steel, non sans ajouter qu'il ne briserait pas ce que son prédécesseur sur Superman (Peter J. Tomasi) avait établi - soit la famille Kent formée par Clark, Lois et leur fils Jon.

Bendis a aussi expliqué que son projet pour cette mini-série cachait une volonté de renouer avec des team-ups comme celles qu'on trouvait dans la série The Brave and the Bold : il faut donc s'attendre à des invités dans les prochains chapitres (Evan Shaner qui dessine le #2 avec Steve Rude a posté une page où figure Hal Jordan, et Ryan Sook une où apparaît Supergirl).

Il y a deux manières de frustrer le public : une mauvaise consiste à différer trop longtemps le sens du projet, une bonne qui doit lui donner envie d'en lire l'intégralité. Ce premier volet reprend des éléments antérieurs à ce qu'on a vu dans les pages d'Action Comics #1000 avec la bagarre entre Rogol Zaar et Superman : on comprend maintenant la raison pour laquelle le premier a gagné la Terre pour affronter le second. Ce guerrier a tenté de convaincre le Conseil Galactique d'éliminer tous les kryptoniens car il prophétisait que leur supériorité scientifique les conduirait à la conquête d'autres mondes et à établir une domination autoritaire. Désavoué, on devine qu'il a en conçu une déception et une colère qui aboutira à un duel avec Superman.

L'autre intrigue qui est semé dans ce #1 concerne une enquête sur des incendies en série provoqués par un pyromane. Il ne s'agit pas de Firefly que Superman arrête au début de l'épisode et on peut donc penser que Bendis suggère qu'un copycat incendiaire traîne à Metropolis. Il est étonnant de mettre en scène le héros dans le rôle d'un détective alors que c'est plutôt Batman qui est doué pour cela, mais ce dernier n'a plus d'aventures dans ce registre depuis belle lurette. Du coup, cela innove et dote Superman d'un talent à exploiter qui enrichit son simple statut de bon samaritain. Au passage, on fait connaissance avec un personnage inédit, Melody Moore, nouvelle chef des sapeurs-pompiers, addition supplémentaire après Robinson Goode au "Daily Planet" (dans DC Nation #0) qu'on aperçoit dans une case : là encore, Bendis peuple le titre en le féminisant alors qu'on a souvent eu l'impression que Lois Lane était la seule femme en vue de Metropolis.

Ivan Reis livre des pages magnifiques, sur lesquelles il a sans doute passé le temps qu'il a négligé pour The Terrifics (en abandonnant ces derniers après un épisode et demi). On remarque qu'il a amélioré sensiblement le look de Rogol Zaar designé par Jim Lee (dans Action Comics #1000), en conservant son aspect colossal et son faciès très laid mais en l'animant d'une colère puis d'un fatalisme intenses.

Toutefois on avait hâte de voir comment il allait s'emparer de Superman et on n'est pas déçu : immédiatement il donne au super-héros une majesté éclatante, qui en impose naturellement. Il le représente athlétique, calme, résolu, sans l'air benêt du surhomme invincible qu'on lui colle parfois. Le retour au costume classique, avec le slip rouge, a suscité beaucoup de commentaires (et Bendis a promis de le justifier autrement que comme un relooking) : pourtant on mesure à quel point un détail, parfois à l'origine de railleries, équilibre la silhouette du personnage, les couleurs de sa tenue.

Quant à Clark Kent, il n'apparaît que dans trois pages, c'est peu mais suffisant à Reis et Jason Fabok (qui signe les deux dernières planches, comme ce sera le cas dans les six épisodes de la mini-série) pour établir un contraste dans l'attitude du personnage, plus gauche, introverti. Pour ma part, j souscris à la thèse de Quentin Tarantino selon laquelle c'est Superman qui se déguise en Kent et non Clark qui se déguise en l'Homme d'Acier : cela justifie que, dans ses séries, on voit plus le héros en costume que le reporter (même si Bendis compte apparemment se servir du titre Superman pour montrer le super-héros et du titre Action Comics pour s'intéresser à Clark et son entourage). Le trait de Fabok est moins souple que celui de Reis mais très soigné, et le cliffhanger est mystérieux et accrocheur, en relation direct avec l'absence de Lois Lane et Jon.

L'expérience s'annonce donc prometteuse, même si Bendis est égal à lui-même (un texte fourni sans être bavard, des motifs déjà aperçus chez Marvel - le Conseil Galactique ressemblant à celui de ses Guardians of the Galaxy, des personnages féminins inédits...) et respectueux de l'icone. Elle promet aussi d'être soutenue puisqu'on est parti pour six semaines (et Ryan Sook a également rassuré les lecteurs en assurant que tous les dessinateurs avaient terminé leur chapitre respectif, malgré des rumeurs récentes affirmant le contraire - avec Kevin Maguire, Shaner + Rude, Adam Hughes, Fabok et Sook, on va en avoir plein les yeux).  

Alors, les fans, allez-y tranquille. Et les plus méfiants, soyez rassurés !   

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