mercredi 16 mai 2018

ISOLA #2, de Brenden Fletcher, Karl Kerschl et Msassyk


La découverte d'Isola le mois dernier avait été un émerveillement et une surprise. J'attendais la suite en toute confiance car les auteurs et l'éditeur avaient eu l'heureuse idée d'ajouter à la fin de l'épisode quelques planches (non lettrées) du n°2 en guise de teaser fort appétissant. Et l'initiative est un succès car le plaisir et l'enchantement sont de nouveau au rendez-vous.


Le capitaine Rook escorte toujours la reine Olwyn changée en tigresse vers la cité mythique d'Isola où, espèrent-ils, ils trouveront un abri contre la guerre qui sévit dans le royaume. Mais la reine est épuisée et Rook l'abandonne pour inspecter les ruines d'une ville voisine où peut-être il y aura de la nourriture et des remèdes.


En l'absence de son capitaine, la tigresse est de nouveau approchée par le vagabond Moro, auquel elle a eu affaire auparavant avec ses deux malfaisants acolytes. Il lui assure qu'Isola n'est pas un lieu sûr et qu'il peut la conduire dans un endroit réellement sûr - ce à quoi Olwyn accepte de croire en ne voyant pas revenir Rook.


Rook, justement, trouve dans la ville voisine une vieille connaissance, Bendix, ancien membre de la garde royale, rallié au capitaine dissident Fallst, actuellement en déplacement. Rook cherche dans une bibliothèque miraculeusement épargnée par les combats des cartes lorsque Bendix lui révèle avoir repéré la tigresse.


Rook poursuit Bendix pour le tuer et l'empêcher ainsi de parler lorsque des loups géants dévore ce dernier. Les bêtes menacent le capitaine mais l'épargnent miraculeusement avant qu'une enfant sauvage lui remettre un livre, visiblement en relation avec Isola.


Rook retourne à l'endroit où il avait laissé Olwyn sans la retrouver. A la place traîne un vagabond que le capitaine menace avant d'être encerclé par une bande d'archers menaçants...

Il flotte dans cette histoire l'essence des odyssées mythologiques, avec les éléments qui les constituent : la quête (illusoire ?) d'une cité mythique, le duo improbable et fantastique d'une reine changée en tigresse et d'un capitaine à la loyauté indéfectible, les paysages traversés témoins d'une guerre hors-champ, les rencontres hasardeuses, les créatures dangereuses, les figurants mystérieux. Quoi de plus dépaysant ?

Encore faut-il savoir marier ces ingrédients et de ce côté-là Brenden Fletcher et Karl Kerschl s'y entendent : le récit est développé de manière à ce que lecteur ne soit pas saturé d'informations, il ne s'y passe pas grand-chose en vérité, mais chaque action est remarquable, mémorable. Et les à-côtés ouvrent la porte à des subplots irrésistibles - qui sont ces archers ? Où Moro entraîne-t-il la reine Olwyn ?

Plutôt que de raconter leur histoire en nous en fournissant le guide, ou même un minimum d'indications, les auteurs choisissent, audacieusement - mais une audace qui paie car le n°1 a été un succès, se plaçant dans le top 10 des ventes d'Avril - de procéder par retranchements, avec un art consommé du flou artistique. Par exemple, Rook est-il un homme ? Ou une femme ? Son nom ne permet aucune déduction et sa représentation visuelle laisse planer le doute. Pourquoi est-ce néanmoins intrigant ? Parce que cela changerait beaucoup au lien qui l'unit à Olwyn (Isola serait l'épopée de deux héroïnes alors), aux intentions de seconds rôles (ici l'attitude équivoque de Bendix qui semble vouloir faire chanter Rook contre des faveurs sexuelles), etc.

En même temps, le graphisme et les couleurs de Kerschl et Msassyk participent à l'identification du contexte : Isola se passe dans un monde alternatif avec une tigresse bleue, des ruines évoquant des vestiges médiévaux, quelque chose de globalement archaïque mais avec l'existence de la magie (Olwyn a été changée en fauve par ce moyen). Peut-être s'agit-il d'une terre parallèle ? Ou d'une terre futuriste mais revenue à des codes antiques et mystiques ? Ou d'une époque très ancienne précédant l'Histoire connue (à la manière d'Empress de Millar et Immonen) ?

Ces questions peuvent déconcerter, et même déplaire, mais pour qui s'y abandonne, elles diffusent une ambiance fascinante dont les images, somptueuses, les rebondissements palpitants, le rythme à la fois languide et prenant, sont constamment envoûtants.

Pour cela, Isola est une excellente série, en plus d'être une magnifique BD. 

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