mercredi 16 mai 2018

SHADE THE CHANGING WOMAN #3, de Cecil Castellucci et Marley Zarcone


C'est avec un sentiment divisé que je vais parler de ce troisième épisode de Shade the Changing Woman car si la série conserve intact son charme, l'annonce de son annulation prochaine (au #6) gâche le plaisir et provoque un énervement légitime contre le responsable de cet arrêt déplorable. En somme, le fan que je suis est dans le même état que Loma dans ce chapitre...


Pour mieux appréhender l'humanité (à laquelle elle doit désormais s'intégrer, bon gré mal gré), Loma décide pourtant de devenir plus distante, moins sentimentale, puisque tous ses amis la rejettent, lui refusant l'hospitalité. Elle se débarrasse donc littéralement de son coeur sur les conseils de Rac Shade.


Pendant ce temps, la nouvelle de la mort des parents de Megan Boyer fait le buzz dans les médias locaux qui suspectent une agression extra-terrestre compte tenu de la violence de l'acte commis - la reporter dépêchée sur place est elle-même en proie à des hallucinations.


River, lui, est vite écoeuré par les traitements infligés aux aliens dans la faculté de Floride. Il aborde un des médecins extra-terrestres affecté au programme et apprend qu'il provient, comme Loma, de la planète Meta, comme son amie - ce que devine son interlocuteur, disposé pour le soulager à lui offrir une drogue. River se lamente d'avoir repoussé Loma alors qu'il aurait finalement bien besoin d'elle à présent.


Loma, justement, laisse un livre dans un bar où elle s'est restaurée et l'ouvrage passe bientôt de main en main, ébahissant ses lecteurs par son mystérieux contenu. Mais en parallèle, le tueur des Boyer s'en prend à Seema, une des harceleuses de Megan, poursuivant son intrigante vengeance.

On ne peut donc pas critiquer cet épisode comme si rien ne se produisait en coulisses et préparait sa fin imminente (au mois d'Août prochain). Shade the Changing Girl/Woman fait partie depuis le début d'un label, "Young Animals", patronné par le chanteur (de Chemical Romance) et scénariste Gerald Way, à qui on doit notamment l'excellent The Umbrella Academy.

Ce dernier titre nous met aujourd'hui la puce à l'oreille puisqu'un troisième tome (Hotel Oblivion), longtemps annoncé, n'a jamais vu le jour, laissant les frères Gabriel Ba et Fabio Moon vaquer à d'autres projets. On n'a jamais su ce qui s'était passé : agenda trop rempli des artistes ? Procastination de l'auteur ? Aujourd'hui il semble que cette seconde piste soit la plus crédible.

En effet, la série-vedette de "Young Animals" était le revamp de Doom Patrol, dont, passé le premier arc en six épisodes (que j'ai critiqué), la suite a accumulé les retards de plus en plus conséquents. Là encore, qui était le responsable ? En tout état de cause, pas le dessinateur Nick Derington, qui poste régulièrement sur sa page Facebook des dessins pour passer le temps et, surtout, est le cover-artist de Mister Miracle de Tom King et Mitch Gerads. 

Finalement, le couperet est tombé, d'un commun accord entre DC Comics (qui hébergeait le label) et Gerald Way : toutes les séries "Young Animals" vont s'arrêter au numéro 6 dans leur formule actuelle, finies Mother Panic, Cave Carson..., Shade.... Toutes ? 

Non, car Way a réussi à sauver Doom Patrol, en promettant de livrer ponctuellement ses scripts et parce que DC compte adapter le titre à la télé. Autrement dit, la série qui a connu le plus de déboires, dont le scénariste est le moins fiable, est épargné quand toutes les autres sont envoyées à la casse.

Certes, les chiffres de vente n'étaient pas mirobolants - tout comme ceux de la ligne "The New Age of Heroes" (avec The Terrifics notamment), et DC va certainement, à court terme, devoir prendre des mesures drastiques (annulations, changements artistiques, reformulation en mini-séries ?). Mais ces expériences étaient intéressantes, et audacieuses dans le cadre de "Young Animals" qui ambitionnait de devenir un Vertigo-bis. Une ambition qui a surtout prouvé que Way n'était pas un editor.

Il va falloir bien du mérite à Cecil Castellucci pour adapter son histoire et la conclure en trois épisodes (alors qu'elle avait sûrement prévu un nouveau cycle de 12 numéros), et je doute que que cela se fasse sans casse malgré son talent. Sur ce chapitre, on ne sent pourtant pas un changement de rythme conséquent : tout juste a-t-on la confirmation sensible que Shade the Changing Woman peine davantage que le précédent volume à avancer aussi droit, semblant hésiter entre le thriller (l'arc avec le tueur), le récit d'apprentissage (le livre de Loma), la métaphore (la détention et les traitements des aliens à la fac de River). Tout est moins fluide et, avec l'obligation désormais de conclure en trois épisodes, il faudrait un miracle narratif pour que ça le devienne.

Marley Zarcone, elle, est imperturbable : son dessin dégage la même pureté tranquille, transformant les moments les plus étranges, dérangeants, crus, en une sorte de poésie graphique naïve et pourtant très élaborée. Il faut souhaiter qu'un talent comme le sien (et celui de ses partenaires scénariste et coloriste) rebondissent vite une fois l'aventure achevée car DC tient là une équipe donc la ponctualité et la constance sont remarquables.

Il est toujours triste de lire une BD en sachant sa fin proche, mais il est surtout désagréable de la voir se terminer à cause de l'incompétence d'un auteur qui s'est voulu chef de file d'un label sans avoir ni la solidarité ni l'exemplarité. DC Comics n'est pas non plus un éditeur philanthrope qui peut publier à perte, mais en laissant carte blanche à Way, leur responsabilité est aussi engagée car il aurait fallu quelqu'un pour le seconder, voire le secouer. Plus injuste est que c'est quand même lui qui s'en sort le mieux quand tous les autres auteurs vont se trouver le bec dans l'eau cet été...

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