jeudi 15 février 2018

BATWOMAN #7-8, de Marguerite Bennett et Fernando Blanco


La scénariste Marguerite Bennett prend seule, à partir de ce septième épisode, les rênes de la série Batwoman et entame le deuxième arc narratif de la série en compagnie d'un nouvel artiste, l'espagnol Fernando Blanco. Et on peut dire que ce tandem créatif va vraiment se révéler en produisant une histoire, qui, sans renier ce qui a été produit avant, en opère la synthèse et la progression de manière palpitante. Découvrons donc le début de cette histoire en quatre parties, intitulée Fear and loathing.


Depuis un mois, à travers le monde (sur l'île de Coryana, à Téhéran, à Tokyo et dans le Mississipi), Batwoman traque et affronte les membres de l'organisation bioterroriste "The Many Arms of Death", neutralisant successivement Knife (alias Tahani, sa rivale dans le coeur de Safiyah Sohail), the Riffle, the Chain et the Torch.

A présent, elle se trouve au Mali, dans le désert du Sahara, à la recherche de the Needle. Mais un accident lui a fait perdre tout contact avec Julia Pennyworth, son relais qui se trouve sur un bateau ancré à Nouakchott.


Batwoman est attaquée par deux soldats de la Colonie, la milice de son père, Jacob Kane, transformés en monstres. Mais une tempête de sable les surprend et les sépare. Quand elle reprend connaissance, l'héroïne doit reprendre son périple mais, sous un soleil écrasant et une chaleur étouffante, elle est en proie à des hallucinations consécutives à une insolation : elle se revoit en compagnie de Safiyah durant l'année qu'elle a passée sur l'île de Coryana...


... Puis son délire la ramène à sa soeur, Beth, avant que celle-ci devienne la maléfique Alice. Enfin, Batwoman, revenue à la raison, découvre le site du crash de l'avion des hommes de la Colonie à qui elle a eu affaire auparavant, mais la radio est H.S.


Elle parvient ensuite jusqu'à un lac où elle se désaltère mais l'eau est, comme elle s'en aperçoit trop tard, empoisonnée. Batwoman est désormais détenue par le Dr. Jonathan Crane alias l'Epouvantail... Alias the Needle !


La partie est mal engagée pour Batwoman qui est désormais captive de l'Epouvantail, lequel n'est autre que l'agent de l'organisation "The Many Arms of Death" sous le nom de the Needle, dont la base est cachée sous le sable du Sahara...


L'Epouvantail est donc celui qui fournit aux bioterroristes les armes chimiques avec lesquelles ils menacent d'attentats le monde. Il est en compagnie de Fatima, une stambouliote représentant les jumeaux à la tête de "The Many Arms of Death". En attendant que son prochain poison soit prêt, il s'amuse avec sadisme à torturer Batwoman.


L'héroïne subit des hallucinations en rapport avec son passé : lorsqu'elle dut tuer tous les renards de l'île de Coryana avec Safiyah, puis revivant la mort de sa mère et la disparition de sa soeur jumelle Beth (qui deviendra la méchante Alice) et le rejet de son père ne supportant pas qu'elle préfère s'allier à Batman plutôt qu'à son armée secrète, la Colonie.


Lorsqu'elle se ressaisit, Batwoman découvre qu'elle a un compagnon de détention, Colony Prime, le meilleur agent de Jacob Kane et son pire rival. L'Epouvantail s'apprête une fois de plus à les gaze tandis qu'ils se disputent au sujet de leur traque commune contre les agents de l'organisation terroriste.


Mais Batwoman réussit à griller le système électronique de leurs cellules et avec Colony Prime, elle s'aventure dans le complexe de leur ennemi. Hélas ! ils ne vont pas loin car une bombe explose, libérant un fumigène hallucinogène.


Le gaz leur fait alors croire, à lui, qu'il est dans un jeu vidéo auquel il jouait enfant et, à elle, qu'elle évolue dans un décor inspiré du pays des merveilles (en rapport avec sa soeur Beth/Alice)...

Ce qui saisit, très vite, dans l'écriture de Marguerite Bennett, c'est la volonté d'agréger tout ce qui compose l'univers de Batwoman pour l'inscrire dans l'intrigue qu'elle lance : il ne s'agit pas seulement des éléments de la série relancée depuis "Rebirth" mais aussi de références au run de Greg Rucka et JH Williams III (c'est particulièrement frappant avec les rappels à Beth Kane alias Alice, créée dans le premier arc narratif des deux auteurs en 2009, donc avant les "New 52" !).

Elle relie ça, avec une aisance désarmante, au précédent récit de la série en cours avec le combat que mène Batwoman contre "The Many Arms of Death", et donc à "l'année perdue" sur l'île de Coryana et sa romance avec Safiyah Soahail et le passage à l'ennemi de Tahani/Knife.

Nous avons donc à présent les contours bien définis de l'intrigue : Batwoman traque les agents de l'organisation pour le compte de Batman tout en cherchant à retrouver Safiyah mais aussi en composant avec la Colonie, la milice de son père, Jacob Kane, engagée dans la même mission. Un dernier adversaire manque au tableau de chasse de la justicière : un surnommé the Needle, qui créé les armes chimiques pour des attentats.

Et Bennett a l'idée simple mais brillante de convoquer l'Epouvantail pour incarner cet adversaire - logique quand on sait que Jonathan Crane se bat avec des gaz hallucinogènes, capables donc de fournir une organisation terroriste. Comme chacun sait qu'il a, par le passé, plusieurs fois donné du fil à recoudre à Batman, voilà un antagoniste suffisamment coriace pour Batwoman mais aussi la Colonie.

En situant l'aventure dans le désert du Sahara, la scénariste dispose d'un cadre déjà hostile, parfait pour éprouver la résistance physique et morale de l'héroïne, tant et si bien qu'elle tombe dans un piège au moment où elle est la plus vulnérable. Et une fois dans les griffes de l'Epouvantail, elle devient sa proie tout en devant s'allier avec son pire rival, Colony Prime, le meilleur des agents de Jacob Kane. Chacun, pour espérer s'en sortir, doit collaborer avec l'autre...

Toutes les pièces sont idéalement disposées pour entraîner le lecteur dans un tourbillon d'émotions fortes, avec hallucinations terrifiantes, décors oppressants, vilain machiavélique, enjeux multiples, et à la fin du huitième épisode comme du septième un cliffhanger accrocheur. C'est nerveux, tendu, haletant, psychodramatique à souhait : impossible de décrocher.

Et la série bénéfice d'un nouvel artiste de haut niveau : je ne connaissais pas le travail de Fernando Blanco mais ses planches sont épatantes. Après l'intérim Renato Arlem, le niveau remonte franchement (même s'il n'égale pas la virtuosité d'Epting, ou jadis celle de Williams III). Comme il s'encre lui-même, on ne peut qu'être impressionné du soin apporté par le dessinateur espagnol à la confection de ses pages, où il ne bâcle pas les décors, encore moins les finitions du costume de l'héroïne ou de l'armure de Colony Prime quand il leur consacre des plans rapprochés.

Les personnages sont expressifs, notamment dans leur gestuelle où on devine l'attitude de soldats roués. Les apparitions cauchemardesques, lors des hallucinations, sont également le fruit d'images peaufinées, saisissantes sans être horrifiques. Les scènes où Batwoman revit les traumatismes de son passé, ancien ou récent, sont découpées avec intelligence, jouant sur le flux de lecture (les doubles pages sont superbes), la progression des personnages dans l'espace, la composition des plans avec une grande variété dans les focus. La colorisation de John Rauch est aussi magnifique (pour l'exemple, j'ai apprécié qu'il abandonne le maquillage blanc du visage de Kate Kane en Batwoman - qu'elle garde même, lorsqu'elle est vêtue en civile, dans Detective Comics !), osant même aller dans le psychédélisme lors des moments où la réalité est affectée par les poisons de l'Epouvantail.

Comment Batwoman et Colony Prime vont-ils s'en sortir ? Nous le serons vite puisque leur calvaire prend fin dans les deux prochains épisodes.  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire