vendredi 16 février 2018

BATWOMAN #9-10, de Marguerite Bennett, Fernando Blanco et Marc Laming


Et voici donc la suite et fin de l'arc Fear and Loathing, écrit par Marguerite Bennett, toujours dessiné par Fernando Blanco avec l'aide de Marc Laming (pour le #10). Batwoman va-t-elle réussir à se sortir de l'emprise de l'Epouvantail dans sa base cachée sous le sable du désert du Sahara ?


Exposés aux gaz du Dr. Jonathan Crane, Batwoman et Colony Prime perçoivent leur environnement commun différemment : pour elle, c'est une version du pays des merveilles inspirée de son ennemie Alice (alias sa soeur jumelle Beth Kane) ; pour lui, d'un jeu vidéo auquel il s'amusait dans son enfance.


Grâce au casque de son armure (à lui) et à son costume (à elle), ils réussissent à lancer un S.O.S. par radio afin d'atteindre Jacob Kane. Mais l'Epouvantail éprouve ses otages : Colony Prime pense à sa famille en danger et Batwoman découvre ainsi qu'il est père.


Jacob Kane, à bord d'un vaisseau de la Colonie, sa milice, reçoit l'appel au secours de son agent et de sa fille et remonte le signal pour les localiser. Pendant ce temps, Batwoman est à son tour tourmentée par l'Epouvantail mais elle refuse de céder à la panique. En résistant du mieux qu'elle le peut, elle se remémore son parcours, ses échecs, son émancipation aussi.


Ainsi laisse-t-elle sa part la plus bestiale prendre le dessus afin d'avoir l'avantage sur l'Epouvantail et de l'affronter sur son terrain. Elle lui inspire une peur encore plus grande alors que celle qu'il a voulu lui inoculer.


La stratégie du savant fou se retourne contre lui alors que Batwoman lui apparaît comme un monstre prêt à le détruire...


Qu'advient-il dès lors qu'une héroïne et son adversaire, pour se neutraliser, doivent, en vérité, faire face à leurs propres peurs ? Qui, de Batwoman ou de l'Epouvantail, peut être le plus terrifiant ?
  

Batwoman arrache par l'effroi qu'elle lui inspire un antidote à l'Epouvantail. Après quoi elle se lance à la poursuite de Fatima, son intermédiaire avec les jumeaux à la tête de l'organisation terroriste "The Many Arms of Death" mais sans réussir à la rattraper, car trop confuse.


Pour retrouver la paix en elle, Batwoman pense à Safiyah et s'abandonne à une étreinte fantasmatique avec son amante. Elle est ensuite prise en charge par les médecins de la Colonie, qui investit le laboratoire de Jonathan Crane, à qui on passe les menottes.


Jacob Kane fait son entrée et tente une nouvelle fois de la persuader de rallier son armée en lui expliquant qu'à eux deux, leur action sera plus efficace. Mais elle décline l'offre par loyauté pour Batman. Cette réponse déplaît à son père qui a toujours considéré le chevalier noir de Gotham comme son rival, celui qui lui avait volé sa fille.


Jacob gronde Batwoman pour tourner ainsi le dos à sa famille au profit d'un justicier dont il veut la convaincre qu'il la manipule et la sacrifiera si besoin est. Mais l'héroïne campe sur sa position. Seule avec Colony Prime, elle le met à son tour en garde contre les méthodes de Jacob, le cycle de violence dans lequel il l'entraînera.  

Batwoman annonce son projet de poursuivre son enquête sur "The Many Arms of Death" en trouvant une femme mentionnée par Fatima sous le nom de "Mother War", qui serait, selon elle, la véritable leader de l'organisation terroriste - les jumeaux n'en représentant que l'image publique. Elle quitte la base de l'Epouvantail et, sous le clair de lune dans le désert, fixe un renard passant par là : l'animal lui rappelle l'île de Coryana - et donc Safiyah...

Ces deux chapitres concluent en beauté cette histoire, menée sur un rythme soutenu, riche en péripéties bien que se déroulant en huis-clos. Marguerite Bennett maîtrise son affaire et a des idées arrêtées sur la manière d'animer Batwoman et de développer sa série, en en respectant les origines mais aussi en lui bâtissant un avenir.

L'affrontement qui oppose l'Epouvantail à Batwoman et Colony Prime réserve son lot de scènes spectaculaires, faisant la part belle à des hallucinations mémorables et soulignant à la fois le machiavélisme du méchant (dont les fumigènes réveillent les démons et les peurs les plus intimes) et son aspect terrifiant (sa représentation, démesurée, est particulièrement efficace).

La solution choisie par l'héroïne pour vaincre son ennemi équivaut à la stratégie d'un kamikaze, en se lâchant complètement, quitte à perdre la raison. Cela aboutit au climax de leur duel quand Batwoman apparaît en monstre indescriptible, qui tient de la chauve-souris et du chien, une abomination propre à terrasser l'Epouvantail lui-même. La séquence est impressionnante.

Mais l'intrigue, développée en parallèle, avec l'organisation que sert Jonathan Crane, n'est pas oubliée et s'enrichit même d'une nouvelle piste avec l'évocation de "Mother War", dont l'identité sera le prochain mystère à résoudre pour Batwoman. J'ai personnellement une piste concernant la chef de "Many Arms of Death", inspirée par l'apparition du renard à la toute dernière page de l'épisode 10, mais si elle se vérifie, ce serait un fameux twist, dont je me demande comment il serait à la fois amené et expliqué. Je ne le révélerai pas par prudence et pour ne pas vous influencer (mais si vous avez des hypothèses à ce sujet, partagez-les en déposant un commentaire...).

Visuellement, ces deux épisodes conservent l'excellent niveau du début de l'arc : Fernando Blanco réalise l'entièreté du #9 avec le même soin qu'auparavant, détaillant les décors, variant le découpage, d'un trait précis et fouillé, avec des personnages expressifs à la gestuelle traduisant bien l'intensité de la situation dans laquelle ils sont plongés.

Mais sans doute ces efforts ont un prix pour l'artiste qui, plutôt que de risquer de bâcler, a préféré être suppléé pour les deux derniers tiers du #10 : c'est Marc Laming (entre autres remplaçant de Leonard Kirk sur Fantastic Four, écrit par James Robinson, et dessinateur chez Dynamite Comics) qui s'y colle et le résultat est concluant. Bien que son trait soit un peu plus raide, rappelant celui de Fernando Pasarin (Justice League, Justice Society of America), il ne lésine pas non plus sur les détails et reste proche du style de Blanco, avec un encrage plus fin et une utilisation plus abondante de l'infographie pour les arrière-plans. Le coloriste John Rauch conserve l'unité esthétique de la série grâce à une palette identique, nuancée pour les moments calmes, expressionniste pour les hallucinations.

En quatre épisodes, en tout cas, Batwoman a trouvé une cohérence, un tonus et une élégance très accrocheurs : c'est une excellente production, avec une identité forte dans la collection abondante des Bat-titles qui, comme Batgirl par Hope Larson, mérite qu'on la suive avec fidélité.

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