mercredi 7 février 2018

BATGIRL, VOLUME 2 : SON OF PENGUIN, de Hope Larson, Chris Wildgoose et Inaki Miranda


On poursuit sur notre lancée avec ce deuxième tome des aventures de Batgirl période "Rebirth", écrit par Hope Larson, cette fois soutenue par les dessinateurs Chris Wildgoose (pour les épisodes 7 à 11) et Inaki Miranda (pour l'Annual #1). Malgré quelques mentions au précédent volume, on peut attaquer par ce recueil qui comporte une nouvelle histoire (mais comportant des éléments voués à être développés).


- Son of Penguin (#7-11. Dessins de Chris Wildgoose). De retour à Gotham, Barbara Gordon a bien du mal à reconnaître son quartier résidentiel de Burnside qui s'est terriblement embourgeoisé pendant son voyage au Japon : le prix des loyers a beaucoup augmenté (ce qui tombe d'autant plus mal que son amie Frankie lui annonce qu'elle emménage avec quelqu'un d'autre dans un appartement moins honéreux), et les habitants sont devenus intolérants, se plaignant particulièrement de la présence de sans-abri qu'ils font chasser. Malgré tout, "Babs" accepte l'invitation à une soirée où elle fait la connaissance d'Ethan Cobblepot, le fils du Pingouin, à la tête d'une société d'informatique qui développe des applications pour téléphones mobiles, VicForm.
  

Cette rencontre trouble Barbara qui se demande si le fils du Pingouin a hérité de la malhonnêteté criminelle de son père. Elle doit enquêter tout en reprenant ses études car elle espère décrocher un diplôme pour devenir libraire, et dans ce cadre, elle suit un stage auprès de jeunes écoliers plus attachés aux outils numériques qu'aux bons vieux livres. Par ailleurs, deux amies de "Babs", Alysia et Jo, traversent une passe difficile car elles aimeraient avoir un enfant mais devront certainement se résigner à adopter.


Tout en revoyant Ethan, Barbara découvre sur le Net une campagne de dénigrement contre Batgirl et lorsqu'elle se confie sur sa situation à Dick Grayson/Nightwing, celui-ci la met en garde - peut-être par jalousie - contre le fils du Pingouin. Ce dernier se montre pourtant charmant et admiratif de l'intelligence de la jeune femme en qui il voit son égal. Ils finissent même par échanger un baiser. Mais le soupirant n'est-il pas trop parfait pour être honnête ?
   

Une nuit, Batgirl s'introduit dans les locaux de VicForm et tombe sur le Pingouin qui, au lieu de l'agresser, lui explique les origines de son fils : né à la suite d'une liaison éphémère avec une serveuse de son club, il ne l'a pas élevé et sait qu'Ethan lui en veut toujours à cause de cela. Il est clair qu'il mijote quelque chose pour se venger et prouver sa supériorité sur tous ceux qui se dressent sur sa route, Batgirl comprise.


Les affirmations du Pingouin se vérifient rapidement quand une vidéo de leur conversation circule afin de discréditer Batgirl. Comme ils ont été filmés à leur insu chez VicForm, nul doute qu'Ethan est derrière cela. Ce dernier rompt d'ailleurs avec Barbara peu après car un passant l'a photographié en compagnie de Dick Grayson et posté le cliché sur les réseaux sociaux. Lorsqu'Ethan se présente chez son père déguisé en Black Sun, Batgirl intervient promptement pour le neutraliser. Au terme d'une course-poursuite, elle l'affronte et endommage son armure, le blessant gravement. Débarrassé des applications de VicForm, le quartier de Burnside se civilise à nouveau. Mais le Pingouin fait enlever son fils de l'hôpital où il a été admis car il a de grands projets pour eux deux...
  

- Annual #1 : World's Finest (Dessins de Inaki Miranda). De passage à National City pour y appréhender le hacker Red Spur, Batgirl est surprise par Supergirl, ce qui permet au malfrat de s'échapper. Mais la Kryptonienne sollicite l'aide de la Gothamite pour sauver une jeune fille, Gayle, sujette à des expériences dans les laboratoires de CADMUS. Pour Batgirl, facile de s'y introduire puisqu'elle a conçu le système de sécurité du site avec Bruce Wayne - pourtant une alarme se déclenche ! Un autre cobaye, Caleb, en profite pour s'évader et, après avoir cru que les deux héroïnes voulaient l'en empêcher, il accepte de les guider jusqu'à la cellule de Gayle. Une fois libre, celle-ci sape l'énergie de Supergirl pour accéder à la zone fantôme où, dit-elle, on pourra la soigner. Batgirl et Caleb évacuent Supergirl et les deux amies, une fois dehors, savent que désormais elles pourront compter l'une sur l'autre.

On retrouve, peu ou prou, les mêmes qualités dans ce tome 2 que dans le premier, même si on achève sa lecture avec le sentiment d'un net progrès, la sensation d'avoir eu droit à un récit plus consistant, et au graphisme plus affirmé. Le parallèle avec la série Hawkeye menée par Kelly Thompson chez Marvel reste évident : après un démarrage hésitant, la production gagne indéniablement en relief.

En inventant un fils au Pingouin, Hope Larson prenait le risque de créer un ennemi un peu artificiel et opportuniste, une sorte d'ersatz taillé pour Batgirl, moins charismatique et dangereux. Mais, contre toute attente, elle réussit à introduire ce personnage de manière habile et à instiller le doute assez longtemps sur sa véritable nature chez le lecteur.

L'histoire souffle le chaud et le froid en donnant la priorité à Barbara Gordon plutôt qu'à son alter ego costumé. Il faut dire que la scénariste met à profit le voyage de son héroïne au Japon pour la ramener dans le quartier de Burnside radicalement transformé : la critique contre la "gentrification" d'une banlieue de Gotham est bien sentie, ni trop lourde ni superficielle, réaliste. Les habitants y sont devenus des bobos rivés aux écrans de leurs smartphones et utilisant des applications futiles ou hostiles, en particulier contre la présence de SDF. On sait que ce genre de choses se produit réellement (les grandes municipalités, pas seulement aux Etats-Unis, veulent éloigner les sans-abris pour charmer les touristes comme on balaie la poussière sous un tapis, parfois au moyen d'astuces dégradantes pour les plus défavorisés) donc le propos est pertinent.

Hope Larson n'aime visiblement ni cela ni la dépendance aux écrans comme en témoignent les scènes qui voient "Babs" expliquer à des enfants les abus des GAFA (Google-Apple-Facebook-Amazon) qui veulent régenter notre mode de vie plus sûrement encore que les gouvernements démocratiquement élus. Cette dimension citoyenne, donc politique, étonne dans un comic-book chez qui on n'attendait pas ce genre de charge, mais fait aussi du bien car cela n'est pas asséné mais exposé de façon subtile, sans entraver l'action.

L'affrontement entre Batgirl et le fils du Pingouin prend dès lors une tournure moins physique (même s'il se réglera sous la forme d'une bagarre classique) que psychologique, à coups de vidéos virales et de photos compromettantes. Quant au mobile du vilain, s'il est plus convenu (un bon vieux complexe oedipien), il respecte le caractère trouble d'Oswald Cobblepot, devenu méchant après avoir été rejeté et ayant fait de son fils un méchant en le rejetant aussi.

Visuellement, passer après Rafael Albuquerque (même en mode minimum syndical) était une gageure pour Chris Wildgoose mais l'artiste s'en sort mieux que bien et rend même une copie plus soignée que son prédécesseur. Son style n'a rien à voir, il évoque un peu Wieringo avec des physionomies réalistes mais des visages légèrement cartoony, et son encrage propre, lisse, renforce la ressemblance avec celui de son illustre devancier.

Wildgoose n'est pas non plus du genre excentrique dans son découpage : il vise la clarté et la fluidité, et préfère soigner ses décors et le flux de lecture. Le soin avec lequel il s'y emploie est épatant, sachant qu'il s'encre lui-même. La colorisation, plus sage aussi, contribue à cette impression de lire une bande dessinée qui ne cherche pas à craner mais servir l'intrigue et ses personnages.

L'album se referme avec le premier Annual de la série, dessiné par Inaki Miranda (qui s'est illustré notamment dans quelques épisodes de la série Fables). Le résultat est très élégant, le trait fin, expressif, compense les lignes un peu trop nettes et droites des décors traités par infographie. Quant à l'histoire, elle associe Supergirl à Batgirl en référence, comme le titre l'indique, au tandem Superman-Batman. On reste néanmoins un peu notre faim car pour savoir ce qu'il advient de Gayle, il faut lire la série consacrée à la Kryptonienne...

Cette réserve mise à part (et elle est mineure), ce nouveau recueil de Batgirl est un vrai plaisir : l'héroïne a regagné un titre digne d'elle, avec une équipe artistique de talent. Il va falloir garder un oeil sur cette série.     

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