mardi 6 février 2018

BATGIRL, VOLUME 1 : BEYOND BURNSIDE, de Hope Larson et Rafael Albuquerque


Malgré une équipe prometteuse (Brendan Fletcher, Cameron Stewart, Babs Starr) , la série Batgirl de la période des "New 52" n'aura pas laissé de souvenirs impérissables, en se complaisant dans un portrait médiocre de l'héroïne. Le nouveau statu quo instauré par "DC Rebirth" devait donc fournir au titre une nouvelle chance et c'est à Hope Larson qu'a été confiée cette tâche. Pour attirer l'attention encore davantage, la scénariste a eu la chance de profiter du talent de Rafael Albuquerque au dessin. Pour quel résultat ?


Barbara Gordon part en vacances au Japon où elle est accueillie par son ami d'enfance, Kai Ma. Mais sa visite n'est pas totalement détachée de ses activités de justicière puisqu'elle aimerait rencontrer Chiyo Yamashiro alias Fruit Bat, aujourd'hui centenaire mais qui protégea Okinawa dans les années 40. Alors que Kai est agressé par Emiko, combattante vêtue comme une écolière, Batgirl s'interpose et reçoit le renfort de son idole également sur place. Mais les efforts déployés par la vieille dame lui cause une fatigue, nécessitant une hospitalisation - avant laquelle elle a le temps d'inviter la gothamite à trouver une certaine Professeur.


Cette péripétie trouble Barbara qui, d'une part, est rattrapée par son attirance pour Kai mais, de l'autre, s'interroge sur la raison pour laquelle il a été ainsi pris à parti. En visitant Okinawa, Batgirl découvre une école d'arts martiaux exclusivement ouverte aux femmes et Barbara s'y inscrit dans l'espoir d'y trouver une piste menant à la Professeur mentionnée par Fruit Bat. Elle finit, au bout d'une semaine, par combattre Wen, sur le bras de laquelle elle reconnait le même tatouage que portait Emiko.


Contactant son amie Frankie à Gotham, Barbara lui demande de fouiller le passé de Kai et apprend ainsi qu'il travaille avec le chercheur Neil Barry qui a mis au point une formule bio-cryptée améliorant les capacités cérébrales mais dont l'exploitation a été suspendue à cause de graves effets indésirables. Lorsqu'elle questionne Kai à ce sujet, il se défile et elle préfère alors prendre ses distances. Barbara se rend à Séoul où se trouve le siège en construction de l'entreprise de Barry. En visitant l'immeuble en chantier, Batgirl est surprise par Joon-ki et Wen qui lui révèlent que leur Professeur s'occupe pendant ce temps de Kai.


En effet, à Singapour, la Professeur malmène le jeune homme et lui fait un prélèvement sanguin après l'avoir assommé. A Séoul, Batgirl maîtrise Wen et Joon-ki puis Barbara prend l'avion pour rentrer au Japon. Mais elle surprend au chevet de son ami un homme d'affaires louche convoitant lui aussi une mystérieuse formule. Batgirl retourne chez Kai où elle découvre la Professeur fouillant les effets personnels du jeune homme. Les deux jeunes femmes engagent le combat jusqu'à ce que la Professeur s'injecte la formule prélevée sur Kai et qui lui permet d'anticiper tous les coups de son adversaire.


Mais les effets secondaires de cette potion ne tardent pas à se manifester et permettent à Batgirl de prendre l'avantage sur la Professeur. Elle est livrée à la police avec son commanditaire, l'homme d'affaires venu au chevet de Kai. Puis Emiko, Wen et Joon-ki sont confiés par Batgirl à Fruit Bat, qui se chargera de les guider dans le droit chemin. Barbara quitte Kai en lui faisant promettre de ne plus jouer les "mules" pour des scientifiques dangereux en affaires avec la mafia.
  

Epilogue : Barbara découvre dans l'avion qui la ramène à Gotham la présence de Pamela Isley alias Poison Ivy lorsqu'une odeur nauséabonde envahit l'appareil. Batgirl se glisse dans la soute où se trouve la cause de cette puanteur, une plante rare et ancienne que Poison Ivy compte exploiter à Gotham. Mais le végétal, à cause de l'altitude et des turbulences de l'avion, se met à croître et devient agressif. Les deux ennemies sont obligées de s'allier pour l'empêcher de provoquer un crash. Une fois à Gotham, Poison Ivy sème Barbara qui retrouve Frankie mais ne remarque pas qu'un certain Ethan Cobblepot débarque aussi...

Batgirl est sans doute le membre le plus attachant de toute la Bat-family, et Barbara Gordon a connu un destin mémorable quand Alan Moore et Brian Bolland la mirent en scène dans le grand classique The Killing Joke où le Joker l'estropiait et la rendait paraplégique. Cette histoire fit en définitive beaucoup plus pour la popularité de la jeune femme que toutes ses aventures costumées puisqu'elle se reconvertit en une héroïne iconique sous le nom d'Oracle, sorte de super-informatrice de la communauté super-héroïque et vedette de la série Birds of Prey.

Au gré des reboots ensuite, la condition physique et le statut de "Babs" changea au point que durant la période des "New 52" elle recouvrit ses moyens et reprit son surnom et son habit de Batgirl, d'abord dans une série écrite par Gail Simone (déjà auteur de Birds of Prey) puis du trio Brendan Fletcher-Cameron Stewart-Babs Starr (dans des récits d'abord très noirs puis beaucoup plus légers). Ce retour provoqua une vive polémique, d'autant que le rétablissement miracle de l'héroïne ne fut jamais clairement expliqué. Ajoutez-y des intrigues peu inspirées et vous mesurerez la difficulté qui attendait Hope Larson pour restaurer Batgirl à l'heure de "Rebirth".

On pense beaucoup en lisant ce premier arc à ce qu'a accompli Kelly Thompson chez Marvel avec la série Hawkeye où Kate Bishop a la vedette. D'abord parce que Larson a concentré ses efforts sur la caractérisation et l'action : son histoire place Barbara Gordon au centre, Batgirl n'intervenant que lorsque cela est nécessaire ; et ensuite les cinq épisodes de l'arc narratif principal (sans compter l'épilogue, qui est à part) se distinguent par leur tonus.

Avoir procuré à la scénariste un artiste remarquable et attractif comme Rafael Albuquerque est un atout indéniable sur plusieurs plans : d'abord parce que son nom, associé à des succès comme la série American Vampire (créée et écrite par Scott Snyder), donne une visibilité immédiate à cette relance mais aussi, surtout, parce que le style de l'artiste colle parfaitement à celui du récit.

Pourtant, reconnaissons que le dessinateur de Huck (écrit par Mark Millar) ne force guère son talent : il est évident qu'il a accepté ce job comme une commande (avant de retrouver Snyder sur un arc de All-Star Batman) et, sans l'accuser d'avoir bâclé l'ouvrage, il ne donne jamais l'impression de s'être dépensé spécialement pour lui. Dans les scènes les plus énergiques, son découpage et son sens de la composition offrent des enchaînements de plans très efficaces, soulignés par les couleurs vives de Dave McCaig. En revanche, pour les moments plus calmes, il se repose plus sur son aisance à rendre expressif les personnages qu'à peaufiner les décors (on ne compte plus le nombre de cases où les arrières-plans sont à peine suggérés, sans aucun effort concernant le mobilier, la situation des lieux, etc). C'est dommage quand on voit, par ailleurs, une pleine page en contre-plongée où Batgirl, à Séoul, découvre le chantier de l'immeuble de la société de Neil Barry avec une grue et un échafaudage détaillés.

Heureusement, Albuquerque conserve le design du costume de l'héroïne telle que l'a réinventé, avec génie, Cameron Stewart, plus inspiré en cela que lorsqu'il s'agit de trouver un look aux divers adversaires qu'affronte Batgirl (d'Emiko la lolita à Wen ou Joon-ki). Dommage aussi que Hope Larson n'ait pas davantage développé le personnage de Fruit Bat, cette épatante mémé centenaire, au profit d'une romance dispensable entre "Babs" et Kai Ma.

Le dernier épisode de ce premier tome est détaché de ceux qui le précèdent : il s'agit d'un huis clos mouvementé dans un avion avec Poison Ivy en guest star. Bizarrement, cet épilogue est une réussite totale sur le plan scénaristique et graphique, comme si Larson et Albuquerque étaient galvanisés par ce pari. C'est à la fois drôle, épique, spectaculaire, et rapide : les situations s'enchaînent avec un sens de la comédie merveilleux et un traitement visuel ébouriffant (voir la page de l'avion en chute libre).

Si tout n'est donc pas encore parfait (tout comme le Hawkeye de Thompson démarrait gentiment), le retour de Batgirl est prometteur. La suite, annoncée avec le fils du Pingouin (dont on n'avait jamais entendu parler, et pour cause, c'est une création) et l'arrivée d'un nouvel artiste (Chris Wildgoose, très prometteur), dira si Hope Larson a vraiment quelque chose de durablement neuf à offrir.   

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