mercredi 3 août 2016

Critique 966 : UNCANNY X-MEN #117-121, de Chris Claremont et John Byrne

Il y a un peu plus de deux ans (en Février 2014 exactement), j'avais entrepris de rédiger une série de critiques sur le run de Chris Claremont et John Byrne sur Uncanny X-Men. J'avais couvert les épisodes #111-116 (Critique 411) puis n'étais pas allé plus loin alors que j'avais pris des notes pour quelques chapitres suivants.
Je vous propose donc de reprendre cette analyse en découpant l'année 1979 : voici les issues publiées de Janvier à Mai 1979 et réalisés par celle qui reste à mes yeux la meilleure équipe artistique de ce titre mythique de Marvel Comics.
Uncanny X-Men #117 : Psi War !
(Janvier 1979)

Après leur départ de la Terre Sauvage, les X-Men (Cyclope, le Hurleur, Diablo, Wolverine, Colossus et Tornade) affrontent sur leur radeau une tempête. Mais un navire japonais leur porte secours...
A Westchester, Jean Grey, accablée par la mort de ses amis (dont elle a été séparée, avec le Fauve, après leur dernier combat contre Magnéto), quitte l'institut de Charles Xavier. Ce dernier est aussi atteint par la perte de ses élèves mais il bénéficie du réconfort de Lilandra, l'impératrice Shi'Ar, à laquelle il raconte la première fois qu'il a dû se battre contre un autre télépathe : Amahl Farouk, chef des voleurs du Caire...

L'année 79 démarre avec cet épisode qui, tout en entretenant le malentendu sur la mort de l'équipe des X-Men, explore ses conséquences sur les personnages de Jean Grey et, surtout, de Charles Xavier. 

Avec le recul, on se demande encore pourquoi le groupe mené par Cyclope n'a tout simplement pas, dès qu'il l'a pu, téléphoné à Westchester pour rassurer son mentor et leur co-équipière. Mais cette bourde narrative a aussi permis à Chris Claremont et John Byrne (celui-ci étant désormais crédité comme co-scénariste à part entière. Claremont rédige les dialogues en plus d'élaborer avec son artiste les intrigues) de développer des aventures palpitantes et spectaculaires.

Cette Guerre Psi offre donc à Charles Xavier le premier rôle, une rareté, à l'occasion d'un long flash-back, dans lequel les auteurs montrent Ororo Munroe, la future Tornade encore gamine, voleuse à la tire au Caire avant l'apparition de ses pouvoirs. Le défi de l'épisode consiste à représenter de manière efficace les pouvoirs mentaux du fondateur des X-Men, un exercice délicat : en effet, les mutants se distinguent par des facultés visuellement très fortes (les griffes de Wolverine, la téléportation de Diablo, la peau métallique de Colossus, les éléments naturels manipulés par Tornade, la rafale optique de Cyclope), mais comment exploiter la télépathie aussi démonstrativement ?

La réponse est donnée principalement par Byrne qui en fait un terrain de jeu basé sur des illusions baroques qui contrastent avec une chute très sobre mais marquante. C'est très malin, même si, curieusement, peu de dessinateurs réutiliseront cela ensuite... Ce qui peut expliquer que Charles Xavier ait plusieurs fois été écarté puis finalement tué (a priori définitivement : on ne l'a plus revu depuis son exécution dans la saga Avengers vs X-Men il y a déjà trois ans - une éternité dans le temps des comics).

Fin de la parenthèse : la suite va se concentrer à nouveau, logiquement, légitimement, à l'équipe.
Uncanny X-Men #118 : The Submergence of Japan
(Février 1979)
Uncanny X-Men #119 : 'Twas the night before Christmas...
(Mars 1979)

Les X-Men arrivent au Japon où Cyclope retrouve son ancien camarade Sunfire. Celui-ci a fort à faire contre Moïse Magnum, un mégalomane doté de puissants pouvoirs, menaçant de détruire l'île si on ne lui en confie pas la gouvernance.
L'équipe infiltre une base artificielle sous-marine où Magnum dirige ses opérations et le Hurleur sacrifie ses pouvoirs pour réussir à le vaincre dans un duel dramatique. Pour les remercier de leur aide, Sunfire confie aux X-Men un jet privé à bord duquel ils vont gagner Anchorage.

Chris Claremont et John Byrne, il faut le rappeler, ne sont pas encore à cette époque ce tandem capable de produire une longue suite d'épisodes formant une saga : ils sont en rodage et, même s'ils sèment des indices pour le long terme, ils doivent encore faire leurs preuves. C'est d'autant plus remarquables qu'ils sont édités par Roger Stern et Jim Shooter, deux fortes têtes, véritables directeurs artistiques de la série qui doivent confirmer le succès du titre.

Comme l'année précédente, Claremont et Byrne construisent donc des pièces en deux-trois actes où leurs fameux subplots (les intrigues secondaires) sont encore timides. Le séjour des X-Men au Japon et leur bataille contre Moïse Magnum (quel nom !) est un parfait exemple de ce qu'est la série en Février 79 : ce diptyque est à la fois un concentré d'action et une nouvelle étape de cette espèce d'Odyssée des X-Men depuis leur combat contre Magnéto. Il y a eu ainsi auparavant l'escale mouvementée en Terre Sauvage.

C'est surtout la présence de Sunfire, qui a été membre des X-Men avant la refonte éditoriale du titre, dans cette classe intermédiaire après les premiers mutants (Cyclope, Marvel Girl, Iceberg, le Fauve, Angel) et des membres éphémères (comme Havok, Polaris), qui singularise cette histoire : le personnage représente une sorte de trait d'union entre ce qui a précédé la relance impulsée par Len Wein et ce qu'écrit désormais Claremont avec Byrne. Le champion atomique du Japon est un autre de ces personnages dont Marvel n'a longtemps pas su quoi faire (Rick Remender l'a vraiment exploité dans ses Uncanny Avengers, mais il a depuis à nouveau disparu des radars) : doté d'un sale caractère, individualiste et orgueilleux, mais aussi très (trop ?) puissant, il n'est pas simple à intégrer dans un team-book et pas assez populaire pour avoir ni sa propre série ou être incontournable ailleurs.

De façon assez symptomatique, il se fait encore une fois voler la vedette ici puisque c'est le Hurleur qui dénoue la situation dans une scène d'une grande intensité dramatique, et qui aura des répercussions très durables. Byrne illustre d'ailleurs son sacrifice avec une emphase mémorable, marquant les lecteurs pour longtemps.

La prochaine étape de l'épopée va confirmer le mouvement crescendo de la série avec l'introduction de nouveaux personnages inoubliables et une opposition formidable. Attention : classique en vue ! 
Uncanny X-Men #120 : Wanted Wolverine ! Dead or alive !
(Avril 1979)
Uncanny X-Men #121 : Shoot-out at the Stampede !
(Mai 1979)

Les X-Men atteignent Anchorage au Canada en provenance du Japon. Mais dès leur arrivée, ils sont attaqués par la Division Alpha qui capture Diablo et, surtout, Wolverine.
En pistant leur signature énergétique, Cyclope, Colossus, et Tornade (le Hurleur, ayant perdu ses pouvoirs soniques est sur la touche) retrouvent leurs agresseurs sur la patinoire de Calgary. Une bataille éclate entre les deux formations mais Wolverine y met un terme en acceptant d'être reconduit au Département X qu'il a déserté.
Mais le griffu s'en échappera assez vite pour éviter aux X-Men de retourner le récupérer...

Ces deux nouveaux épisodes me paraissent être LE tournant du run de Chris Claremont et John Byrne, ce moment où la série, sous leur direction, décolle et s'envole vers des sommets qu'elle ne quittera plus.

L'ambition de cette intrigue tranche radicalement avec ce qui a précédé : l'argument principal - Wolverine recherché par le Département de la Défense canadien - est un prétexte à la fois simple et imparable pour donner une ampleur au titre. Les X-Men ont certes affronté, avec Claremont et Byrne, des ennemis d'envergure (l'immanquable Magnéto, Sauron et Garokk, Moïse Magnum) mais leur opposer une autre équipe, équivalente en puissance, en diversité, bien entraînée, c'est une manière audacieuse de les jauger.

L'Alpha Flight est aussi le signe le plus manifeste que Byrne est devenu le co-auteur de la série : bien qu'anglais, il a grandi au Canada et en créant des super-héros mutants pour ce pays, il a imaginé comme une extension symbolique de lui-même. Au point qu'en 1983, le dessinateur sera sollicité par Marvel pour leur donner une série propre : il aura maintes fois l'occasion ensuite d'expliquer qu'il l'a animée à contrecoeur, sans jamais être satisfait du résultat, parfois spoilé par son éditeur, et l'abandonnant brusquement (mais en étant quand même, à la même époque, en charge des Fantastic Four, ce qui représentait déjà beaucoup de boulot)... N'empêche, quelle trouvaille formidable (et quelle série épatante ce fut) !

La pleine page présentant Vindicator, Aurora, Véga, Sasquatch, Shaman, Harfang en impose toujours autant et, même si, tout compte fait, leur bagarre contre les X-Men tient en peu de pages et se conclut un peu trop subitement, cette histoire est devenue et reste un classique indémodable, toujours aussi jubilatoire, de la série. Tout ça en seulement une quarantaine de planches !

On est à peine à la mi-temps de la "saison" 1979 et le meilleur reste à venir dans les sept prochains épisodes. Stay tuned ! (Promis, cette fois, je ne laisserai pas deux ans s'écouler avant de vous livrer mes impressions sur ce run...)  

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