jeudi 31 mars 2016

Critique 854 : LE ROYAUME, TOME 2 - LES DEUX PRINCESSES, de Benoît Feroumont


LE ROYAUME : LES DEUX PRINCESSES est le deuxième tome de la série, écrit et dessiné par Benoît Feroumont, publié en 2009 par Dupuis.
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Après s'être moqué de ses deux frères, Alain et Adrien, qui se plaignaient qu'aucune guerre n'éclate dans le royaume pour qu'ils s'y illustrent, Cécile se cache dans un escalier du château où elle découvre une cellule dans laquelle est enfermé Igor, son oncle, détrôné par le bon roi Serge. Profitant de la naïveté de la jeune femme, il s'évade en la prenant en otage.
La disparition de Cécile émeut le roi et la reine : Serge part délivrer sa fille et capturer son frère avec l'aide de Anne, l'aubergiste ; François, le forgeron (qui aime toujours, sans que cela soit réciproque, Anne) ; Jean-Michel, la plus fine lame du royaume (qui courtise Anne et suscite donc la jalousie de François) ; ainsi qu'un des oiseaux piaillant au-dessus de l'établissement d'Anne (et qui a failli être mangé par son chat).
Pendant ce temps, Igor a retrouvé sa fille Nathalie et met au point un plan pour récupérer son trône. Un traquenard est organisé au cours duquel Cécile devra être rendue à Serge contre une rançon. Mais rien ne se passe comme prévu...

Après la collection d'histoires courtes qui composa le premier tome, déjà très réjouissant, de la série, Benoît Feroumont a ambitionné avec ce nouvel album de relever un défi en écrivant un récit d'une traite, mêlant comédie et aventures.

Le pari est brillamment remporté et prouve que l'auteur dispose de son univers avec une authentique maîtrise. Il manie des motifs classiques en les détournant habilement : il y est question de frères rivaux (Serge et Igor), de revanche, de princesse captive, d'amours contrariées... Tous les éléments, en somme, d'un vrai conte de cape et d'épées.

Ce qui séduit dans Le Royaume, c'est sa malice : au fond, on sait dès le début que tout est bien qui finira bien, donc la force du projet ne réside pas dans son suspense mais dans l'adresse avec laquelle la narration est menée. Feroumont a expliqué, lors de la prépublication dans le journal de "Spirou", qu'il avait beaucoup coupé dans les premières versions de son découpage afin que l'histoire ne s'éparpille pas, quitte à sacrifier des gags divertissants. Cette rigueur est perceptible dans la tonicité avec laquelle il raconte cette succession de péripéties que l'humour ne ralentit jamais.

L'auteur est un admirateur de Goscinny et Uderzo et du Peyo de Johan et Pirlouit : ses références sont bien digérées, il n'en a retenu que le meilleur, avec un cadre bien défini, des personnages soigneusement caractérisés et aux interactions dynamiques, un vrai climax très drôle et superbement agencé (la séquence de l'échange sur un pont est une merveille). La dernière image de la dernière page suggère même que la menace n'est pas totalement résolue et pourrait donc resurgir dans le futur...

Visuellement, les qualités déjà en germe dans le premier tome se confirment ici : le trait tout en rondeur et en énergie de Feroumont est un régal. Les protagonistes sont très expressifs et l'expérience du dessinateur dans l'animation se ressent dans ses mises en scène, très vives. 

On reconnaît aussi une autre influence revendiquée, celle de Morris, qui prônait un traitement simple des décors : juste assez pour situer l'action et marquer le lecteur, jamais trop pour ne pas encombrer les plans. Ainsi l'artiste peut-il s'autoriser des scènes en continuité séquentielle - la valeur et les dimensions du cadre ne changent pas, à la manière d'un plan-séquence au cinéma - qui laissent les moments purement humoristiques se dérouler.

Le tout est embelli par la colorisation impeccable et subtile de Charlotte Coopman.

Tout n'est pas si tranquille dans Le Royaume, mais quel plaisir de se plonger dans ce Moyen-Âge tendrement loufoque et joliment mouvementé. 

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