lundi 19 janvier 2015

Critique 558 : WONDER WOMAN, VOLUME 2 - GUTS, de Brian Azzarello, Cliff Chiang et Tony Akins


WONDER WOMAN : GUTS rassemble les épisodes 7 à 12 de la série, écrits par Brian Azzarello et dessinés par Cliff Chiang (#7-8 et 11-12) et Tony Akins (# 9-10), publiés en 2012 par DC Comics.
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Diana (aka Wonder Woman), Hermès et Lennox se rendent à Florence en Italie pour obtenir l'aide d'un autre dieu : l'héroïne veut acquérir une série d'armes bien spéciales pour tenir tête aux adversaires qu'elle compte dans le panthéon. 
Son arsenal à disposition, elle suit Hermès aux enfers pour passer un marché avec Hadès : il s'agit de récupérer Zola (enceinte des oeuvres de Zeus, dont on est toujours sans nouvelles) qu'il retient en otage. Par ailleurs, Stryfe tente de nouer une alliance avec Arès, et Héra veut se venger de Wonder Woman. Apollon, de son côté, oeuvre aussi à de sombres desseins...

Après le premier volume (Blood), Brian Azzarello reste sur ses positions et continue à remodeler, de manière toujours aussi énergique, le personnage et l'univers de Wonder Woman : pas de doute, ces nouveaux épisodes secouent toujours autant l'image de l'amazone et de ses entreprises tout en confirmant que l'auteur développe une intrigue sur le long terme. Pour cela, il profite à fond de l'opportunité offerte par le reboot des comics DC, sans se préoccuper de la continuité en place avant la mini-série Flashpoint à l'origine de cette refonte, ne conservant que ce qui lui est utile (l'île du Paradis, les amazones, le panthéon des dieux grecs, et l'inévitable affrontement sur fond de guerre de succession à cause de la disparition énigmatique de Zeus).

Si on cherche du divertissement, de l'action et de la singularité dans l'écriture, on est aussi bien servi dans ce deuxième tome que dans le premier : le rythme ne faiblit pas et la lecture est donc facile, la succession de péripéties, de coups tordus, va crescendo, et le casting s'élargissant offre des potentialités très prometteuses et déjà mémorables. 

La série s'enrichit de "subplots", ces pistes narratives secondaires (comme la grossesse de Zola, quasiment arrivée à son terme, et qui réserve une surprise). Mais Azzarello donne la primauté à l'action, au mouvement, qui définit plus que tout les comportements de Diana (et de ses alliés ou ennemis). Pas d'introspection ici, mais quand même des dialogues mordants qui révèlent des caractères bien trempés, à la mesure de situations très tendues (comme lorsque Diana est mise à l'épreuve par Hadès).

C'est en particulier la redéfinition des dieux grecs qui illustre le mieux la méthode Azzarello : comme pour Wonder Woman, il en brosse des portraits originaux, mordants. Ainsi, de manière habile, on se demande à quoi s'attendre avec les prochaines divinités que rencontreront Diana et Hermès, et dans quel environnement. La diversité des décors  est au diapason de cette "revue d'effectifs", mais si on voyage dans cette série, on n'est jamais perdu, chaque station faisant l'oeuvre d'un soin particulier : l'Italie, les Enfers, Damas, l'Olympe sont rapidement identifiables et mémorables. 

Le scénario pose aussi un regard sur le renouvellement démographique des amazones d'une façon si détonante, si osée, qu'on peut, même sans être (comme c'est mon cas) un spécialiste de Wonder Woman, être assuré que ça n'avait jamais été dit auparavant (la séquence fera date).

Visuellement, Cliff Chiang demeure l'artiste en chef de cette version, quand bien même encore une fois il ne signe pas l'intégralité des épisodes de cet album. 
Sa qualité la plus frappante réside à nouveau dans la représentation déroutante qu'il donne des dieux grecs, que ce soit Hadès (et son trône) ou Apollon, mélangeant des éléments modernes et d'autres plus traditionnels, jouant avec les clichés pour mieux les personnaliser, en empruntant au registre horrifique ou fantastique ou animal. Cette approche peut déconcerter au point de réclamer un temps d'adaptation au lecteur mais ensuite il est acquis que cette interprétation aboutit à un impact durable, très dépaysant, avec des ambiances puissantes. 

Le découpage est simple, des pages constituées de peu de cases en moyenne selon une grille qui n'a rien de fantaisiste (4 à 5 vignettes disposées en bandes classiques), mais cela participe aussi à la vigueur du récit. 
Esthétiquement, ni Chiang ni Tony Akins (qui réalise des remplacements très honorables, même si son trait n'a pas un rendu aussi abouti et singulier que celui de son partenaire, avec un encrage un peu trop appliqué de Dan Green) ne sont de stricts artistes réalistes, leurs images ne regorgent pas de détails superflus, mais ce type de graphisme sert superbement ce type de narration. Plutôt qu'une imitation photographique, on a là une recherche pour rendre accessible ce qui est par définition étrange, farfelu, effrayant, dans ce cortège de mythologie revisitée, d'emprunts à l'épouvante, d'héroïne improbable (car il faut bien avouer qu'avec son costume, Wonder Woman sort de l'ordinaire).

Il faut aussi dire un mot des magnifiques couvertures que signe Cliff Chiang (que ce soit pour les épisodes qu'il dessine ou ceux qu'il délègue à Akins) et qui manie un second degré étonnant en faisant référence aux portraits des pin-ups des années 50, mi-pulp, mi-pop, avec une Wonder Woman fixée dans des poses iconiques, valorisant sa bravoure, son audace, mais avec un zeste bienvenu de dérision.

On ne sait pas trop où cette aventure va nous mener, mais les talents d'Azzarello, Chiang et Akins suffisent à nous laisser embarquer dans ce périple traversé par des créatures étranges et une héroïne qui a gagné dans l'opération une véritable nouvelle jeunesse, une attractivité indéniable. Dans ce projet, l'intrigue compte (pour l'instant du moins) plus que la psychologie des personnages, mais la série n'oublie pas de donner à Wonder Woman une crédibilité et une féminité tout à fait à part.

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