FABLES : SNOW WHITE est le 19ème tome de la série, rassemblant les épisodes 125 à 129 (le récit SNOW WHITE, qui donne son titre au recueil) et les back-up stories des épisodes 114 à 123 (le récit A REVOLUTION IN OZ, constitué de chapitres de trois planches chacun pour un total de 50 pages), publiés en 2012-2013 par DC Comics dans la collection Vertigo.
Les scénarios sont écrits par Bill Willingham. Les dessins des épisodes 125 à 129 sont réalisés par Mark Buckingham, ceux des back-ups des épisodes 114 à 123 par Shawn McManus.
L'histoire principale, SNOW WHITE, s'inscrit chronologiquement et parallèlement durant les événements du tome 18 (épisodes 114 à 123), Toys in Cubland.
*
(Extrait du chapitre 12 de A Revolution in Oz.
Textes de Bill Willingham, dessins de Shawn McManus.)
- A revolution in Oz (paru en complément des épisodes 114 à 123, dessiné par Shawn McManus). Sur le point d'être pendu par le roi Nome, Bufkin est secouru par ses amis avec lesquels, ensuite il entreprend de renverser le tyran local. A l'issue de ce combat, il préfère, avec sa compagne Lily Martagnion, continuer à réparer les injustices dans les royaumes voisins plutôt que de prendre la tête du pays d'Oz.
(Extrait de la 4ème partie de Snow White : part 4, épisode 128.
Textes de Bill Willingham, dessins de Mark Buckingham.)
- Snow White (épisodes 125 à 129, dessinés par Mark Buckingham). Bigby Wolf part, avec Stinky/Brock Blueheart, à la recherche de ses enfants, Thérèse et Darien (cf. Cubs in Toyland), en parcourant les royaumes à bord de la voiture magique de Briar Rose.
Dans le royaume de Haven, dirigé par Flycatcher et dont la Bête est le shérif, ce dernier négocie avec l'envoyée de la Fée Bleue le sort à réserver à Geppetto, accusé de crimes de guerre.
A Fabletown, désormais établie dans l'ancien château de Mr Dark, Snow White retrouve son premier amant, le prince Brandish, qui lui réclame sa main comme elle la lui avait promise jadis. Pour arriver à ses fins, il n'hésite pas à la séquestrer, la brutaliser et même à défier Bigby, mis au courant de la situation par son fils, Ghost.
J'ai attendu une année avant de relire un recueil de la série Fables, dont j'avais pourtant acheté ce 19ème tome dès sa sortie, parce que je n'appréciai plus le ton de plus en plus sinistre que lui donnait son scénariste. Mais depuis que Bill Willingham a annoncé la fin de son projet au 150ème épisode (à paraître début 2015), j'ai eu envie de m'y remettre.
Parfois s'éloigner ainsi d'un titre permet de mieux le savourer quand on le reprend, et même si on a à nouveau droit à un album au dénouement attristant, le résultat est remarquable et l'envie de poursuivre l'aventure jusqu'à son terme est revenue.
Dans le royaume de Haven, dirigé par Flycatcher et dont la Bête est le shérif, ce dernier négocie avec l'envoyée de la Fée Bleue le sort à réserver à Geppetto, accusé de crimes de guerre.
A Fabletown, désormais établie dans l'ancien château de Mr Dark, Snow White retrouve son premier amant, le prince Brandish, qui lui réclame sa main comme elle la lui avait promise jadis. Pour arriver à ses fins, il n'hésite pas à la séquestrer, la brutaliser et même à défier Bigby, mis au courant de la situation par son fils, Ghost.
J'ai attendu une année avant de relire un recueil de la série Fables, dont j'avais pourtant acheté ce 19ème tome dès sa sortie, parce que je n'appréciai plus le ton de plus en plus sinistre que lui donnait son scénariste. Mais depuis que Bill Willingham a annoncé la fin de son projet au 150ème épisode (à paraître début 2015), j'ai eu envie de m'y remettre.
Parfois s'éloigner ainsi d'un titre permet de mieux le savourer quand on le reprend, et même si on a à nouveau droit à un album au dénouement attristant, le résultat est remarquable et l'envie de poursuivre l'aventure jusqu'à son terme est revenue.
Ce recueil propose deux histoires distinctes mais qui ont le mérite premier de boucler des arches narratives tout en relançant la trame générale de la série.
Tout d'abord, A revolution in Oz revient sur le périple de Bufkin et sa bande au pays d'Oz, où nous les avions laissés durant le tome 17 (Inherit the wind). Construit en chapitres de trois pages, parus en complément des épisodes 114 à 123, ce récit est une pure merveille, digne de figurer aux meilleures places de la série, ce qui est d'autant plus remarquable que rien ne l'y prédisposait.
Avec ses personnages simples, Bill Willingham parvient à construire une intrigue qu'on peut apprécier à deux niveaux : d'une part, c'est une suite de mini-épisodes très rythmée, mixant habilement de l'action, de l'humour et de l'émotion (en particulier pour son épilogue) ; d'autre part, c'est une réflexion subtilement imagée sur l'émancipation, qu'on peut lire comme une métaphore sur le Printemps arabe et la chute de plusieurs régimes dictatoriaux aux conséquences diverses.
Le scénariste anime des créatures avec l'imagination qu'on lui connait en leur donnant une humanité troublante et en faisant de leurs aventures un conte faussement enfantin, qui ne cache rien de la violence (celle de ceux qui se battent contre un pouvoir injuste, et celle de celui qui exerce son autorité de manière criminelle). Willingham s'amuse avec des éléments comme la corde vivante qui ne peut s'empêcher de pendre quelques vilains à l'occasion, le géant qui mutile des soldats pour collectionner la bille (surtout si celle-ci est numérotée) grâce à laquelle il se déplace. Mais derrière cette légèreté bon enfant, il pointe aussi avec pertinence le fait qu'il n'y a pas de guerre propre, que se battre change ceux qui sont au front (en leur donnant le goût des combats sans pour autant avoir envie d'assumer un rôle de dirigeant une fois la victoire acquise).
Tout d'abord, A revolution in Oz revient sur le périple de Bufkin et sa bande au pays d'Oz, où nous les avions laissés durant le tome 17 (Inherit the wind). Construit en chapitres de trois pages, parus en complément des épisodes 114 à 123, ce récit est une pure merveille, digne de figurer aux meilleures places de la série, ce qui est d'autant plus remarquable que rien ne l'y prédisposait.
Avec ses personnages simples, Bill Willingham parvient à construire une intrigue qu'on peut apprécier à deux niveaux : d'une part, c'est une suite de mini-épisodes très rythmée, mixant habilement de l'action, de l'humour et de l'émotion (en particulier pour son épilogue) ; d'autre part, c'est une réflexion subtilement imagée sur l'émancipation, qu'on peut lire comme une métaphore sur le Printemps arabe et la chute de plusieurs régimes dictatoriaux aux conséquences diverses.
Le scénariste anime des créatures avec l'imagination qu'on lui connait en leur donnant une humanité troublante et en faisant de leurs aventures un conte faussement enfantin, qui ne cache rien de la violence (celle de ceux qui se battent contre un pouvoir injuste, et celle de celui qui exerce son autorité de manière criminelle). Willingham s'amuse avec des éléments comme la corde vivante qui ne peut s'empêcher de pendre quelques vilains à l'occasion, le géant qui mutile des soldats pour collectionner la bille (surtout si celle-ci est numérotée) grâce à laquelle il se déplace. Mais derrière cette légèreté bon enfant, il pointe aussi avec pertinence le fait qu'il n'y a pas de guerre propre, que se battre change ceux qui sont au front (en leur donnant le goût des combats sans pour autant avoir envie d'assumer un rôle de dirigeant une fois la victoire acquise).
La caractérisation des protagonistes est bien sentie, en particulier le couple formé par Bufkin et Lily, dont la dimension coquine et "interraciale" est à la fois subtile et charmante, ce qui confère à la conclusion une touche très poignante et délicate.
Par ailleurs, ce récit bénéficie des illustrations magnifiques, en couleurs directes, de Shawn McManus. Sa prestation est exceptionnelle, avec des personnages très expressifs, des décors chatoyants, soulignée par une palette flamboyante qui renforce l'aspect conte pour enfants sans dissimuler quelques passages démontrant l'épouvante de la folie d'un despote (le massacre de la foule lors d'un défilé fournit des images très fortes).
L'attractivité de cette partie doit beaucoup à ce choix esthétique, qui donne à voir quelques-unes des plus belles pages d'une série ayant pourtant bénéficié des contributions de multiples artistes de premier plan depuis son commencement.
Par ailleurs, ce récit bénéficie des illustrations magnifiques, en couleurs directes, de Shawn McManus. Sa prestation est exceptionnelle, avec des personnages très expressifs, des décors chatoyants, soulignée par une palette flamboyante qui renforce l'aspect conte pour enfants sans dissimuler quelques passages démontrant l'épouvante de la folie d'un despote (le massacre de la foule lors d'un défilé fournit des images très fortes).
L'attractivité de cette partie doit beaucoup à ce choix esthétique, qui donne à voir quelques-unes des plus belles pages d'une série ayant pourtant bénéficié des contributions de multiples artistes de premier plan depuis son commencement.
Ensuite, vient un arc narratif en cinq chapitres, qui donne son titre au recueil. Bill Willingham revient à la trame principale de son projet et convoque donc une galerie de personnages familiers que l'on retrouve avec plaisir. Les événements relatés ici se déroulent chronologiquement en parallèle à ceux lisibles dans le tome 18, Cubs in Toyland (où Thérése et Darien ont connu une aventure dramatique).
On suit donc successivement les investigations à travers divers royaumes de Bigby pour retrouver sa progéniture, les manoeuvres de la Bête dans le pays de Haven (où règne Flycatcher) pour régler le sort de Geppetto vis-à-vis de la Fée Bleue qui veut le supprimer, et enfin (surtout) les retrouvailles entre Snow White et son tout premier amant, le prince Brandish.
Ce dernier est un authentique méchant comme on adore le détester et Willingham est très inspiré pour l'écrire, le montrant parfaitement odieux, gagnant ainsi le lecteur à le voir vaincu. Mais le scénariste ne ménage ni ses fans ni ses héros et a concocté une intrigue au dénouement en deux temps particulièrement terrible, n'hésitant pas à sacrifier un de ses personnages les plus emblématiques et populaires (un procédé déjà vu de sa part, mais qui atteint là un impact encore plus grand compte tenu de la victime).
Les morceaux de bravoure abondent, notamment dans les deux derniers chapitres, spectaculaires et bouleversants. L'émotion est d'autant plus plus durement ressentie que Willingham veille à ce que les acteurs de la pièce ne se départissent jamais de leur dignité : à cet égard, Snow White ressort encore plus belle de l'épreuve.
Malgré la tragédie qui boucle cet arc narratif, entretemps, le scénariste écrit quelques scènes plus légères, savoureuses, comme les pourparlers entre la Bête et la Dame du Lac à l'origine desquels on trouve une proposition inattendue pour régler le "dossier" Geppetto (une ruse qui impressionne même Reynard Fox !). Il y a aussi des scènes enchanteresses, d'une inventivité prodigieuse, comme lorsqu'il s'agit de traverser les innombrables royaumes où Bigby et Stinky cherchent les enfants.
Tout comme A revolution in Oz, Snow White bénéficie de dessins superbes, bien que dans un genre tout à fait différent. Mark Buckingham est en effet très en forme (même si ses deux encreurs, Steve Leialoha et Andrew Pepoy, sont plus inégaux et ne rendent pas toujours justice à ses crayonnés). Mieux même : il réussit à monter en régime au fur et à mesure que le récit gagne en ampleur et en intensité, avec des trouvailles de découpage revigorantes (les cadres verticaux pour les duels contre Brandish).
L'influence de Jack Kirby reste manifeste, en particulier quand il s'agit de représenter les gros plans des personnages masculins ou les décors, tour à tour très détaillés ou parfois à peine évoqués avec des ombres qui les "mangent". Des pages avec un nombre limité de cases (quatre en moyenne) renvoient aussi au travail du "King", mais Buckingham emploie ce procédé avec beaucoup d'habilité, dynamisant ainsi de longs dialogues en variant les angles de vue ou la valeur des plans.
Buckingham reste aussi un exceptionnel designer, comme on peut le noter quand il représente le château à la physionomie atypique de la Fée Bleue ou quand il met en scène Bigby Wolf sous son apparence animale de façon toujours aussi impressionnante ou encore quand il détaille les motifs des broderies sur les habits du prince Brandish.
La colorisation de Lee Loughridge met en valeur les ambiances, jouant parfois sur des teintes déroutantes mais en relation directe avec les états traversés par les personnages ou l'atmosphère que dégagent certains décors.
Alors qu'il ne reste plus qu'une vingtaine d'épisodes avant la fin, la série rebondit avec efficacité. Bill Willingham n'épargne ni ses lecteurs ni ses héros mais son projet demeure passionnant, surtout quand on s'y replonge après une période d'abstinence. Difficile, après ça, de songer à nouveau à abandonner la partie, quand bien même le divertissement a cédé le pas à une suite d'histoires plus sombres.