samedi 26 avril 2014

Critique 435 : THE AMERICANS - L'Intégrale de la Saison 1

Pour une fois, je vais vous parler d'une série... Télé :



J'ai récemment fait l'acquisition de l'Intégrale de la saison 1 de la série télé THE AMERICANS, produite par la chaîne US FX (et diffusée en France sur Canal +). 
Cette première saison présente d'emblée quelques avantages pratiques : elle ne compte que 13 épisodes, d'une durée de 42' chacun (sauf le pilote, un peu plus long), on échappe donc à des histoires moins inspirées, et elle se suffit presque à elle-même (presque car j'ai désormais très envie de découvrir la suite, même s'il faudra être patient pour la sortie en dvd, la saison 2 étant encore en cours de production-diffusion aux Etats-Unis).
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The Americans est une série créée par Joe Weisberg, et on peut dire qu'il connaît son sujet puisqu'il fut agent de la CIA au début des années 80, l'époque où se déroule l'histoire. Il s'était ensuite reconverti comme consultant jusqu'à ce que des producteurs de la chaîne FX lui demandent si l'idée d'un couple d'agents dormants du KGB fournirait un bon point de départ pour une série.
C'est ainsi qu'ont été imaginé le couple Jennings (ci-dessous), les héros de The Americans.
 Elizabeth et Philip Jennings
(Keri Russell et Matthew Rhys)

Qui sont-ils ? En apparence, des citoyens des Etats-Unis ordinaires, dirigeant une agence de voyages, et parents de deux enfants (ci-dessous).
 Elizabeth, Henry, Paige et Philip Jennings
(Keri Russel, Keidrich Sellati, Holly Taylor et Matthew Rhys)

En vérité, il s'agit de deux agents du KGB infiltrés aux USA depuis la fin des années 60 (après un bref séjour au Canada). Leur progéniture elle-même ignore tout de leur double vie ! Leur histoire débute au début des années 80, donc, quand la Guerre Froide en l'Ouest et l'Est, les Etats-Unis et l'Union Soviétique, est à son paroxysme. Les relations diplomatiques entre les deux superpuissances se détériorent encore plus avec l'élection de Ronald Reagan en 1981.
Elizabeth Jennings
(Keri Russell)

Elizabeth Jennings a grandi dans un milieu pauvre, sans connaître beaucoup son père. Recrutée par les services secrets très jeune, elle a été formée à la dure par des instructeurs (dont l'un a abusé sexuellement d'elle) qui en ont fait une espionne appliquée et une tueuse redoutable. Ses excellents résultats lui valent d'être repérée par la Direction S, dirigée par le Général Zukhov, qui devient son mentor et va lui présenter l'homme avec lequel elle va partir à l'Ouest.
 Philip Jennings
(Matthew Rhys)

On sait moins de choses concernant le passé de Philip Jennings (peut-être la saison 2 détaillera-t-elle sa biographie), sinon qu'avant d'être associé à Elizabeth, il était amoureux d'une autre agent. Il sacrifiera cette relation pour sa mission. C'est également un agent très doué au combat et pour la quête de renseignements. Les années passant, la vie en Amérique l'a changé et ses convictions sont altérées, il pense même à faire défection en rêvant à une autre existence (en souhaitant entraîner Elizabeth et leurs enfants avec lui), voire à se rendre aux services secrets américains pour négocier leur protection.
 Stan Beeman
(Noah Emmerich)

La vie presque tranquille des Jennings vacille après deux évènements : une énième mission où, en capturant un traître (qui est aussi l'instructeur ayant violé Elizabeth), ils perdent un de leurs collègues, Robert, blessé mortellement durant l'opération ; puis l'installation dans la maison en face de la leur d'un couple (ci-dessous), les Beeman, dont le mari, Stan (ci-dessus) est un agent du FBI. 
 Sandra et Stan Beeman
(Susan Misner et Noah Emmerich)

Les Jennings s'interrogent sur ces nouveaux voisins : est-ce un hasard si un agent du FBI s'installe dans leur quartier ? Ils redoublent en tout cas de prudence tout en nouant des relations amicales rapidement avec les Beeman pour gagner leur confiance et glaner des informations sur les enquêtes que mène Stan.
Stan Beeman et Chris Amador 
(Noah Emmerich et Maximiliano Hernandez)

Stan et son collègue Chris Amador travaillent sur la mort du complice de Philip et Elizabeth en même temps que sur la disparition de l'officier russe qui s'était rendu aux autorités américaines et a disparu. Leurs services sont convaincus que les deux affaires sont liées et une surveillance accrue est mise en oeuvre sur la Rezidentura, l'Ambassade de Russie où l'on s'affaire également pour brouiller les pistes et permettre aux agents dormants de poursuivre leurs missions.  
Nina
(Annet Mahendru)

Stan contraint Nina, une jeune secrétaire de la Rezidentura, de lui servir de "taupe" contre la promesse d'une exfiltration. Craignant que le FBI ne la dénonce et qu'elle soit renvoyée en Russie où elle serait condamnée, elle accepte. Rapidement, pourtant, Stan est séduit par Nina, qui paraît l'aimer aussi. Mais ne la sous-estime-t-il pas et ne se sert-elle pas de lui autant que lui d'elle ?  
Claudia 
(Margo Martindale)

La mort de Robert a aussi changé la donne pour les Jennings dont le superviseur a été rappelé au pays et remplacé par Claudia, une ancienne agent de terrain, qui a connu Zukhov (le mentor d'Elizabeth) durant la seconde guerre mondiale. Cette femme imposante, à la douceur trompeuse, ne se contente pas de relayer l'état-major auprès du couple d'espions, elle teste aussi la solidité de leur couple et leur loyauté envers le KGB. Elizabeth la prend en grippe. Matthew sera trahi par Claudia quand, lors d'une mission, il doit renouer avec son ancienne compagne (avec laquelle il commet une infidélité conjugale).
Elizabeth Jennings et Gregory
(Keri Russell et Derek Luke)

La tentative d'assassinat contre Reagan, la pose d'un micro dans le bureau du ministre de la défense (en forçant la main d'une femme de ménage), la découverte d'une taupe au sein de la Rezidentura (sans que Nina soit confondue), la traque pour stopper un tueur professionnel engagé par le KGB qui n'arrive plus à le décommander, et surtout le sacrifice de Gregory, un ancien activiste noir pour les droits civiques acquis à la cause de la Mère Patrie par amour pour Elizabeth, vont précipiter les évènements. Le FBI réussit à cibler, après le rapt éclair d'un fonctionnaire américain qui a ordonné l'exécution de Zukhov en Russie, un couple d'espions sans identifier Elizabeth et Philip, qui, eux, doivent composer avec la paranoïa de leur hiérarchie et une sévère crise dans leur couple (ils décident même de ne plus vivre sous le même toit après l'infidélité de Philip). Leurs enfants souffrent aussi de leur rupture et leur fille commence à soupçonner que ses parents cachent des choses.
Martha Hanson et Philip Jennings
(Alyson Wright et Matthew Rhys)

La situation prend une tournure décisive lorsque Philip, qui a séduit (au point de l'épouser) Martha Hanson, la secrétaire du patron de Stan Beeman, et Elizabeth, qui tient un intermédiaire haut placé mais fragile, obtiennent des infos sur le programme anti-missiles (encore loin, cependant, d'être au point) des américains. Pour acquérir des documents confirmant cela, on leur fixe un rendez-vous qui est  un piège pour les capturer...

La série est haletante de bout en bout, chaque épisode apporte son lot de rebondissements dès le départ. Les auteurs ont soigné aussi bien le déroulement des missions effectuées par les Jennings qu'à ce que subit leur couple à cause de ces opérations, de leur hiérarchie, du FBI.

Si Philip et Elizabeth sont bien les héros, les personnages principaux, de nombreux binômes se composent au fur et à mesure : il y a l'autre couple, formé par Stan Beeman et sa femme Sandra, impacté par le travail (et l'infidélité du mari avec Nina) ; les duos composés par Elizabeth et Claudia, Stan et son collègue Chris Amador, Elizabeth et Gregory, Philip et Martha Hanson...
Tous ces tandems participent à la grande richesse du récit ou tout le monde dupe, trompe, mystifie tout le monde - et ça va très loin puisque Philip n'hésite pas, par exemple, à se marier avec Martha, sa source au sein du FBI, femme au physique ingrat mais aisément influençable ! (Cela aboutit aussi à des moments souvent drôles, dont les auteurs n'hésitent pas à plaisanter dans les commentaires du dernier épisode, disponibles en bonus.)

L'intelligence de la série repose aussi sur le fait que Philip et Elizabeth ne sont jamais présentés comme les méchants communistes russes du KGB face aux gentils républicains américains du FBI. Certes, ce sont des espions et des tueurs, aux méthodes peu reluisantes, mais on admire leur ingéniosité, leur efficacité, on souffre aussi quand ils traversent des épreuves personnelles (dans leur passé via des flashbacks -même si cette saison 1 nous en apprend davantage sur Elizabeth que sur Philip - ou dans le présent - quand ils décident de se séparer, quand leurs supérieurs les testent, etc). C'est superbement écrit, très subtilement.

Quand l'intimisme cède le pas à l'action, la qualité reste égale : l'expérience du créateur de la série, Joe Weisberg, assure la crédibilité des opérations, la vraisemblance des méthodes employées aussi bien par les russes que par les américains. 
C'est alors aussi bien l'occasion de se rendre compte qu'en 1981, quand on ne disposait pas de téléphones portables, d'ordinateurs domestiques, d'internet, il fallait utiliser des moyens de communication et de surveillance archaïques mais pourtant très efficaces, à base de codes, de cryptages, d'enregistrements sur bandes magnétiques, de photographies sur pellicule, de plans sur des cartes papier. Toute cette partie, le "production design" (accessoires, costumes, etc) est vraiment sensationnelle.
Les filatures nécessitaient des hommes de terrain prêts à tout, les exfiltrations n'étaient possibles qu'avec des réseaux dont la complicité se nouaient à partir de liens complexes (les noirs américains activistes pour les droits civiques étaient alors des partenaires de l'ennemi rouge), chaque camp devait posséder une "taupe" (Martha pour Philip, Nina pour Stan).   

Toujours en complément des épisodes, on apprend par Matthew Rhys, dans les bonus, que les espions russes utilisaient une technique de combat rapprochée, le Systema, fondé sur des coups très rapides et destinés à tuer - technique si fulgurante visuellement que les cascadeurs de la série ont été obligés de la mixer avec le krav maga (la lutte employé par les Israéliens du Mossad) pour que les téléspectateurs comprennent ce qui se passait !

La réalisation est au diapason de l'écriture, avec notamment un travail extraordinaire sur la photo, inspirée par les films de l'époque (la pellicule grainée, comme dans un documentaire, avec une légère sous-exposition pour la lumière, qui donne un effet entre chien et loup correspondant parfaitement à l'ambiance délétère entre les protagonistes de la série et les intrigues).

Mention spéciale aussi pour la musique, qui ne se contente pas, comme dans beaucoup de productions télé, d'accompagner vaguement les histoires en en soulignant les atmosphères les plus fortes : Nathan Barr a commencé par composer un thème entêtant pour le générique, qui met d'emblée dans le bain (un crescendo accrocheur pour clavier et cordes, monté sur une succession d'images chocs évoquant les bandes d'actualité et des archives diverses), puis plusieurs partitions pour chaque épisode, qui apportent encore plus de relief, que ce soit dans des moments dramatiques, poignants, romantiques, ou énergiques.

Bien entendu, The Americans exige du téléspectateur son attention car c'est un vrai feuilleton, plus qu'une série en vérité : chacun de ses épisodes développe de manière si serrée les relations entre ses héros, des premiers aux seconds rôles, les missions se succédant pour aboutir à un vrai climax (même si la vraie fin de cette saison n'est pas un cliffhanger traditionnel, mais plutôt une invitation pour la suite) ; bref tout pousse à ne pas sauter un chapitre et à être vigilant à l'évolution de chaque personnage et de chaque opération. On n'a pas affaire à une collection de manoeuvres avec un fil rouge pour broder la mythologie de la série, mais bien à une continuité.

Toutefois, l'ensemble est si solide, si addictif, qu'on ne peut pas s'en détacher une fois qu'on a embarqué. Pour ma part, j'ai le plus souvent regarder deux épisodes à la suite (quelquefois un seul), mais je n'avais qu'une hâte : m'y replonger le plus vite possible, découvrir ce qui allait arriver à Eizabeth et Philip, si Stan et le FBI progressaient dans leurs recherches, si Nina n'était qu'une simple secrétaire ou une vraie manipulatrice...

Et, enfin, il y a la distribution. Les séries américaines sont souvent redoutables car elles réussissent là où les françaises piétinent ou échouent en sachant soit attirer des comédiens confirmés, soit en "recyclant" des acteurs déjà vues dans d'autres séries, soit en révélant de nouveaux visages.

The Americans propose de retrouver des interprètes parfois familiers, comme Keri Russell  - elle fut une des premières égéries de JJ Abrams (Lost, Alias) dans la série Felicity, puis a tenté sans succès de percer au cinéma (malgré de bonnes prestations dans des films indépendants comme The Waitress, ou une participation au blockbuster Mission : Impossible III). Ici, elle trouve un rôle comme en attendent beaucoup de ses collègues, puisqu'il s'agit de camper une femme dont le métier repose en grande partie sur le fait de jouer un personnage (en l'occurrence, l'américaine trentenaire de la middle-class derrière l'espionne aguerrie), mais qui surtout lui va comme un gant : avec sa beauté longiligne, son élégance distante, elle est plus que parfaite, qu'il s'agisse d'incarner une séductrice ou une tueuse.

J'avais remarqué Noah Emmerich dans FBI : Duo Très Spécial (White Collar), et encore une fois, il est formidable, avec cette fois un rôle très nuancé d'agent accaparé par son boulot et envoûté par la belle Nina (incarnée par l'ensorcelante Annet Mahendru, la révélation de la série, pourvue elle aussi d'un personnage dont la progression est jubilatoire). Cet imposant gaillard à la figure marquée dégage une douceur sous laquelle on sent une tension électrisante.

A côté, il y a de nombreuses découvertes, des acteurs qu'en tout cas je ne connaissais pas. Matthew Rhys est absolument fantastique dans le rôle de Philip : il compose un personnage saisissant, en proie aux doutes (sur l'ennemi américain, sur la Mère Patrie, sur ses sentiments - moment génial, par exemple, où il comprend et dit à Elizabeth qu'elle ne l'a jamais aimé car elle attendait sûrement un autre homme comme partenaire. Ou encore, irrésistible lorsqu'il couche avec Martha Hanson, jouée par l'épatante Alyson Wright, et cherche ses lunettes tout de suite après lui avoir prodigué une gâterie.). Il forme avec Keri Russell un couple très crédible, dont l'alchimie fonctionne tout de suite et jusqu'au bout.

Margo Martindale est l'autre grande révélation de la série : elle n'apparaît pas tout de suite mais quand elle débarque dans l'histoire, son personnage de Claudia est immédiatement et durablement mémorable. Elle réussit à merveille à être en même temps détestable, froide, menaçante, et pourtant attendrissante, émouvante, mystérieuse. Il semble que la comédienne se soit engagée sur autre chose et que son rôle soit remplacée dans la saison 2, c'est dommage, il lui faudra aussi un(e) successeur de premier rang.

Susan Misner (alias Sandra Beeman) ou Holly Taylor et Keitdrich Sellati (Paige et Henry, les enfants Jennings) sont également très bien. Derek Luke (Gregory) et Maximiliano Hernandez (Chris Amador) complètent le casting avec qualité dans des seconds rôles eux aussi frappants.

Comme je l'ai déjà relevé, de nombreux bonus accompagnent les épisodes (des scènes inédites à la fin de chaque disque, et sur le 4ème dvd des compléments sur l'espionnage de l'époque, les accessoires, les propos des comédiens notamment sur ces aspects, sans oublier un bêtisier, court mais vraiment drôle).

Essayer The Americans, c'est l'adopter ! Une série jubilatoire, excellemment conçue, écrite, réalisée et jouée... Sûr de vrai, ça va être long d'attendre la suite !      

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