- La Ballade de Buster Scruugs - Toujours vêtu de blanc, aimant pousser la chansonnette sur son cheval, Buster Scruggs cache bien son redoutable talent de pistolero. A Frenchman's Gulch, il participe à une partie de poker mais un joueur le somme de jouer avec la main laissée par son prédécesseur. Buster refuse et élimine son vis-à-vis. Le frère de ce dernier le défie et rencontre son créateur. C'est alors que surgit un inconnu entièrement vêtu de noir...
- Prés d'Algonodes - Un cowboy braque une banque à l'écart de tout mais le guichetier le force à battre en retraite avant de l'assommer. Quand il revient à lui, le voleur a une noeud coulant autour du cou et le shérif lui annonce qu'il a été condamné à mort. C'est alors que des comanches apparaissent pour commettre une massacre mais l'épargnent. Un autre cowboy lui vient en aide mais un autre shérif arrête les deux hommes pour vol de bétail...
- Ticket repas - Un impresario conduit un spectacle ambulant de village en village. La représentation consiste en un monologue déclamé par un jeune homme sans bras ni jambes. Mais le public se fait de plus en plus rare et les recettes de plus en plus maigres. Lorsque l'impresario découvre une nouvelle attraction, il va devoir faire un choix...
- Gorge dorée - Un vieil orpailleur découvre une vallée paradisiaque où il espère trouver un filon. Après plusieurs jours de fouilles infructueuses, il creuse et tombe sur une énorme pépite. Mais un voleur lui tire dans le dos pour s'approprier son magot...
- La Fille qui fut sonnée - Alice Longabauch suit son frère Gilbert dans une caravane qui rejoint l'Oregon où elle doit rencontrer l'homme qu'elle doit épouser - et qui est le futur associé de son frère. Mais en route, Gilbert meurt du choléra et le commis qui surveille son chariot tente d'extorquer de l'argent à Alice. Billy Knapp, un des convoyeurs, la tire de mauvais pas en lui demandant sa main...
- Les Restes mortels - Une diligence transporte cinq passagers : deux chasseurs de primes, un trappeur, une femme et un français. Chacun à tour de rôle prend la parole sur des sujets divers, suscitant diverses réactions de la part des autres, notamment en ce qui concerne le destin qui les attend tous puisque les chasseurs de primes emmènent avec eux le corps d'un bandit...
Ce film à sketches est le dernier long métrage réalisé par les frères Coen, Joel et Ethan, il y a six ans. Depuis chacun a développé des projets en solo (Joel a signé notamment une adaptation de Macbeth pour le grand écran, qui comme toutes autres a fait un bide, confirmant la malédiction de cette pièce de Shakespeare) tandis que Ethan sort actuellement Drive-Away Dolls (un thriller lesbien qui doit débuter une trilogie). Mais, récemment, on a appris que les frangins seraient prêts à retravailler ensemble, donc croisons les doigts.
Pour en revenir à La Ballade de Buster Scruggs, on ne s'étonnera ni de l'inégalité du résultat ni du fait que ce soit produit par Netflix, la plateforme de streaming étant devenu le refuge de cinéastes ayant du mal à trouver à la fois des financements auprès des grands studios traditionnels et la liberté artistique qu'ils souhaitent (avec notamment le final cut) - pour s'en convaincre, il suffit de citer les exemples de David Fincher (Mindhunter, Mank, The Killer), Jane Campion (The Power of the Dog) ou de Tim Burton (qui a initié la série à succès Mercredi).
Les frères Coen ont décidé d'investir à nouveau le genre du western dans lequel ils comptent de belles réussites comme True Grit, O'Brother et aussi No Country for old man (même s'il s'agit là d'une sorte de post-western). Comme un recueil de nouvelles, ils imaginent six histoires courtes qui ont toutes en commun le thème du destin.
Le premier chapitre qui donne son nom au film dresse le portrait d'un pistolero qui aime chanter mais pas être contrarié. Qui peut arrêter cette fine gâchette de Buster Scruggs ? C'est en tout cas très drôle et les Coen multiplient les inventions en virtuoses de la narration : apartés, morceaux musicaux, duels, tout est bon pour désarçonner le spectateur et les adversaires du héros. Le dénouement est à la hauteur de la fantaisie déployée, complètement foutraque et facétieux. Tim Blake Nelson (que les Coen avaient dirigé dans le génial O'Brother) est absolument irrésistible dans la peau du "rossignol de San Saba".
Le deuxième chapitre est tout aussi réussi. On y suit un voleur particulièrement malchanceux mais dont la déveine le pousse à un fatalisme hilarant. James Franco est éblouissant dans la peau de ce cowboy jamais au bon endroit au bon moment et son jeu, ironique, détaché, donne le la à cet épisode. La réalisation est rythmé, sans temps mort, le récit file vers son terme à une vitesse folle, sans surprise certes mais magistral.
Ticket repas est un peu moins bon. Les Coen délaisse le ton comique qui prévalait jusque-là pour signer un conte cruel dans un cadre hivernal et hostile, sur les traces d'un théâtre ambulant. Il y a une étrangeté inattendue dans cette histoire, quelque chose qu'on voit souvent chez les cinéastes qui aiment s'aventurer dans le domaine de l'absurde. Liam Neeson abandonne ses revenge movies de série Z dans lesquels il cachetonne depuis trop longtemps pour rappeler quel grand acteur il peut être.
Gorge dorée est une vraie pépite. Déjà parce qu'il y a Tom Waits, sensationnel en orpailleur têtu et increvable : autant je ne l'ai jamais aimé en chanteur, autant c'est un acteur qui a une présence folle à l'image. Ensuite, le décor de cette vallée est tout simplement splendide. Enfin, les Coen nous raconte une histoire qui semble toute tracée et qui connaît un fabuleux twist. Ils sont quand même forts, les frangins, dans ce format court !
Le cinquième chapitre doit être le plus long du lot (même si je n'ai pas relevé les durées de chaque segment). Zoe Kazan est merveilleuse en jeune femme qui subit les pires avanies dans une caravane traversant l'Ouest américain : son jeu, nuancée, nous la fait aimer dès le début et à mesure que les pires ennuis lui tombent dessus, on ne cesse d'espérer qu'elle va s'en sortir. Les Coen, c'est évident, ont trouvé avec cette actrice une muse et d'ailleurs c'est le seul premier rôle féminin de l'ensemble. Surtout les deux réalisateurs exploitent magnifiquement le cadre grandiose qui s'offre à eux et qui montre les étendues sauvages de l'Amérique profonde. Ils savent suggérer la dimension à la fois fascinante et angoissante de ces grands espaces mais sans perdre de vue l'aspect le plus intimiste de cette histoire pleine de contrariétés. La fin est poignante et vous serrera le coeur.
Enfin, dans Les Restes mortels, on a droit à la partie sans doute la moins convaincante. Il arrive souvent que des cinéastes, si doués soient-ils, veuillent rendre hommage à un de leurs contemporains, estimant qu'il marque davantage qu'eux l'époque. Dans le cas présent, il est évident que les Coen ont voulu saluer Quentin Tarantino dans ce périple nocturne en diligence autour de cinq passagers qui devisent. Le souci, c'est que, ce faisant, les Coen se perdent dans un exercice de style laborieux et bavard, et surtout que Tarantino n'a jamais (à mon avis) produit de bons westerns (contrairement aux Coen). Dommage.
Malgré des baisses de régime, rares mais notables, les frères Coen comblent leurs fans. Ce binôme n'est pas en panne d'inspiration et La Ballade de Buster Scruggs mérite mieux que les critiques tièdes qui l'ont accompagné lors de sa mise en ligne.
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