mercredi 8 novembre 2023

SHAZAM ! #5, de Mark Waid et Dan Mora


Le pénultième épisode de ce premier arc de Shazam ! confirme, hélas ! les craintes au sujet de cette série : ça ne fonctionne pas/plus - en tout cas sur moi. Ce personnage si compliqué à animer a pourtant bien des atouts en ayant à sa disposition un scénariste expérimenté comme Mark Waid et un dessinateur aussi doué que Dan Mora. Mais si leurs mérites sont grands, ils ne semblent pas adaptés au projet.


Mary Marvel sauve Billy Batson d'une mort certaine et invoque le nom de Shazam pour qu'il l'aide à affronter Garguax, Queen Bee et les Gorilles qui ont abusé de la confiance du Captain. Billy, par ailleurs, toujours grâce à Mary, comprend enfin pourquoi il perd régulièrement les pédales et va demander des comptes à qui de droit...


Je vais tenter une comparaison un peu osée mais qui, je crois, parlera à tout le monde : prenez une belle actrice (ou un bel acteur selon votre goût), qui plus est doué. Cela n'en fera pas forcément l'interprète idéal pour tous les rôles même si cela donnera une attractivité au projet auquel on veut l'attacher.


Hé bien, Shazam !, c'est exactement cela. A priori, cette série bénéficie d'un scénariste on ne peut plus compétent, qui semble même avoir trouvé une seconde jeunesse depuis son retour chez DC. Elle profite aussi d'un artiste qui force le respect par sa force de travail et l'étendue de ses capacités. Pourtant, ça peine à fonctionner. Quand ça fonctionne.


Après la comparaison, un aveu : adolescent, j'étais un fan absolu de John Byrne. Avec lui, j'ai aimé les comics de super-héros grâce aux X-Men, puis Fantastic Four. Lorsqu'il est passé chez DC pour s'occuper de Superman, je n'ai découvert le résultat que plus tard mais je n'ai jamais accroché. Est-ce parce que j'associai trop Byrne à Marvel ? Ou tout simplement parce que ce qu'il racontait avec Superman ne me touchait pas ? En tout cas, je n'ai pas adhéré.

De Mark Waid, j'ai adoré Fantastic Four, Daredevil, Captain America, Black Widow, plus récemment World's Finest. Quand il a pris en main Shazam !, je fondais de grands espoirs, estimant que s'il y en avait bien un capable de redonner son lustre à ce héros, ce serait lui. Et pourtant, même si le premier épisode m'a emballé, ensuite, j'ai éprouvé de plus en plus de mal à accrocher, comme si quelque chose me retenait.

Je ne prétendrai pas dire comment il faut écrire, et bien écrire a fortiori, Shazam ! mais ce n'est pas comme ce que fait Mark Waid. Il a de bonnes idées dans ses épisodes, une bonne distance avec le personnage, de bonnes intentions. Mais ça ne prend pas.

C'est compliqué de définir ce qui ne marche pas ici. Encore une fois, c'est bien fichu, et graphiquement, c'est une série divinement bien faite qui plus est. En aménageant l'emploi du temps de Dan Mora pour qu'il dessine Shazam ! en plus de World's Finest, DC a fait valoir qu'il misait sur Shazam ! en ne le confiant pas à une équipe artistique moyenne. On a rarement l'occasion de voir de tels efforts éditoriaux pour arranger un auteur et un artiste désireux de travailler sur un héros. Et DC l'a fait.

Mais même Dan Mora ne me convainc pas ici. Si j'aime beaucoup sa manière de représenter Billy et les autres gamins de la "Shazamily", en revanche, je trouve que son Captain manque cruellement de rondeurs, comme il avait été créé à l'origine et repris ensuite par des artistes aussi divers et différents que Jerry Ordway, Leonard Kirk, Alex Ross, Jeff Smith, Cameron Stewart...

Dan Mora dessine le Captain comme un type très baraqué et sculptural, avec un visage trop anguleux. De manière plus globale, il n'a pas cet aspect doux, enfantin qui permet au lecteur de continuer à reconnaître Billy Batson. Et en définitive, on se demande si ce n'est pas une fausse bonne idée d'avoir voulu ramener le Captain au lieu de laisser à Mary Marvel le titre de nouvelle championne de Shazam (pour reprendre le titre de la mini-série de Josie Campbell et Evan Shaner)...

Parce que, quand on voit comment, en comparaison, Mora dessine Mary dans cet épisode, c'est parfait, absolument idéal. Et si ça avait été elle l'héroïne, l'histoire aurait pu être racontée pareil, mais en prime cela aurait permis d'entériner son personnage comme un successeur durable (définitif) au Captain. Moi, en tout cas, ça m'aurait convenu (sans compter que, chez DC comme chez Marvel, il n'y a pas des masses de comics avec une héroïne en vedette - même si DC fait plus d'effort).

Cet épisode, soyons franc, m'a fatigué. On y assiste à une grosse baston pas déplaisante en soi, mais fouillis, avec des rebondissements grossiers (l'arrestation de Queen Bee qui échappe à ses gardes pratiquement dans la foulée, les gorilles maladroits, etc.). Tout ça part dans tous les sens, et ça dure trop longtemps. Quant au cliffhanger de fin, il semble bien trop gros pour être autre chose qu'un cliffhanger en fait (et la variant cover de Chris Samnee pour le sixième épisode semble le confirmer...).

C'est une déception. Mais quelque part, sans malice, je m'y attendais. Shazam est un héros sur lequel beaucoup se sont cassés les dents, DC lui-même n'a pas su quoi en faire pendant des lustres. Cela n'empêchera pas le titre de continuer à bien se vendre car avec Waid et Mora, DC ne craint pas grand-chose. Mais pour ma part, pas sûr du tout que je poursuive au-delà de la fin de cet arc le mois prochain.

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