mercredi 25 octobre 2023

WONDER WOMAN #2, de Tom King et Daniel Sampere


Après un premier épisode que j'avais trouvé trop bavard mais au pitch accrocheur, ce deuxième numéro de Wonder Woman est beaucoup plus basique et efficace. Tom King et Daniel Sampere donnent à fond dans l'action avec une bataille très spectaculaire, mais enrichie de flashbacks dont l'issue révèle un point important sur l'intrigue. Une réussite.


Sargetn Steel décide d'envoyer Steve Trevor pour raisonner Wonder Woman. Mais celle-ci refuse de quitter le territoire américain avant d'avoir arrêté l'amazone qui tué plusieurs hommes et provoqué la disgrâce de ses "soeurs". Le combat est inévitable...


En vérité, ça fait bizarre de relire du Tom King dans une série mensuelle illimitée. L'auteur qui avait été débarqué de Batman (par l'editor Bob Harras, qui, bien que le titre se vendait en quantité, n'appréciait pas les histoires du scénariste) s'était ensuite réfugié dans le DC Black Label au point d'en devenir l'emblème.


Et pour ma part, cela me convenait parfaitement. J'estimais même que le format des mini-séries (le plus souvent en douze épisodes) était celui qui seyait le mieux à l'auteur et qui lui valut d'ailleurs ses plus notables succès critiques et commerciaux.


En outre, le voir revenir à une parution mensuelle sur un titre régulier avec Wonder Woman était surprenant : Tom King n'a pas beaucoup écrit de personnages féminins, en dehors de Catwoman (lors de son run sur Batman) et Supergirl (sur Woman of Tomorrow). Qu'allait-il dire sur l'amazone ?

Le premier épisode a prouvé qu'il avait une histoire accrocheuse avec cette affaire de meurtre commis par une amazone en fuite et la réaction des Etats-Unis de bannir toutes les natives Themyscera de leur territoire. Toutes, sauf Wonder Woman qui entendait bien tirer cette affaire au clair.

Ce deuxième épisode confronte donc Wonder Woman à un bataillon entier de l'armée U.S.. Avant l'affrontement, King met en scène un dialogue brillant entre Diana et Steve Trevor, peut-être l'échange le plus profond, le plus réaliste, le plus intense entre les deux personnages depuis des lustres. Ils ont été alliés, amants, ennemis parfois, mais beaucoup d'auteurs ont aussi peinés à sortir des sentiers battus avec ces deux-là.

Pas King qui est soucieux d'inscrire leur relation dans un contexte de crise qui les dépasse. Trevor est un militaire qui répond aux ordres de Steel et a été envoyé pour raisonner Diana. C'est en pure perte, il le sait, mais ses arguments sont forts, dénués de sentimentalisme. Par un effet de contraste saisissant, on peut aussi interpréter cette scène en observant le caractère fier, têtu de Diana, qu'on peut alors voir comme une sorte de supériorité affichée.

King va même plus loin en faisant dire à l'amazone que c'est la façon de faire des hommes. Cette ligne de dialogue sera diversement appréciée, elle est sans doute maladroite, un peu trop appuyée il est vrai, car elle paraît réduire Trevor à tous ses congénères mâles. Et affiche un féminisme un peu décalé alors qu'une bataille à mort se dessine. 

Mais malgré tout ça, on peut aussi penser qu'il s'agit de la vision réelle qu'a une amazone du monde. Guerrière ayant grandi uniquement entourée de femmes, sur une île isolée, devenue ambassadrice pour la paix dans un monde rongé par les guerres, aux côtés de surhommes, Wonder Woman est une figure improbable par définition qui appréhende ce qui l'entoure avec des un regard biaisé. face à des troupes surarmées d'hommes ayant banni ses soeurs et tué certaines d'elles, difficile pour elle de faire preuve de subtilité, de pondération.

Daniel Sampere impressionne aussi bien pour illustrer le dialogue que le combat. Il enchaîne des pages extrêmement détaillées dans un registre réaliste et descriptif. Son travail témoigne d'un engagement total dans l'histoire : il est vraiment à fond, porté par son projet. C'est quand même une révélation pour moi qui n'était pas familier de ce qu'il dessinait (même si je savais qu'il était techniquement très solide et attendait son heure).

Mais on retiendra surtout que Sampere ne se contente pas de se lâcher quand il faut mettre en images un combat dantesque où Wonder Woman essuie une déluge de missiles, balaie des tanks et dévie les balles tirées par l'infanterie. Tout ça, c'est en quelque sorte ce qu'on attend de lui et même si c'est déjà énorme, il fait le job.

Non, là où Sampere impressionne vraiment, c'est dans sa manière de servir le script car Tom King a construit tout l'épisode en miroir : au face-à-face présent, il fait répondre celui auquel Diana s'est prêté dans sa jeunesse, dans une arène sur Themyscera. 

On assiste alors à la fin d'un tournoi où elle fait face à une amazone redoutable et plus âgée qu'elle. Cette dernière lui donne le choix entre se rendre pour s'épargner des blessures, voire la mort, et une humiliation ou se battre encore. Masquée, Diana refuse d'abdiquer et rend coup pour coup. Elle manque effectivement d'être exécutée par son adversaire dont l'identité, même si on s'en doute, renvoie à l'action au présent.

Ce dispositif n'est donc pas artificiel mais donne une perspective nouvelle à l'intrigue. King et Sampere nous ont eus avec la manière. Et les réserves suscités par le premier épisode (trop bavard, avec un méchant dans l'ombre un peu cliché) sont quasiment évacuées. La lecture de Wonder Woman ne sera sans doute pas un long fleuve tranquille (on peut même s'attendre à des numéros inégaux, très bons ou décevants en alternance) mais les auteurs aux commandes font une proposition bien plus personnelle et captivante que ce à quoi on nous avait habitués.

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