mardi 25 juillet 2023

THUNDERBOLTS : SHADOWLAND, de Jeff Parker, Declan Shalvey et Kev Walker

 

Comme l'indique le titre de ce recueil, la série Thunderbolts est impliqué dans l'event Shadowland de 2011. Du moins pour les deux premiers épisodes (# 148-149), écrits par Jeff Parker et dessinés par Declan Shalvey (qui va devenir le second artiste régulier du titre). Ensuite, Kev Walker revient pour le 150ème numéro anniversaire, avec les Avengers en guest-stars. Puis le n°151 raconte les origines du mystérieux Fantôme. Un programme copieux et varié.



Daredevil, de retour du Japon, est devenu le chef de la Main et il veut restaurer l'ordre dans le quartier de Hell's Kitchen, avant de s'attaquer au reste de New York, avec l'aide des ninjas de cette organisation. Plusieurs héros s'unissent pour lui faire entendre raison, mais Luke Cage confie aux Thunderbolts une mission spéciale : retrouver un jeune flic enlevé par la Main.
 

Assaillis par des ninjas, les Thunderbolts sont diminués quand Fixer est blessé et que Songbird l'évacue, confiant la direction des opérations à Moonstone. Le Fantôme, le Fléau et Crossbones livrent un combat où ils ont l'autorisation de tuer l'ennemi. Mais la mission s'achève par un drame tandis que le Fantôme découvre le secret de Crossbones : il a hérité de pouvoirs après avoir été exposé aux cristaux terrigènes lors de leur virée en Nouvelle-Guinéé.


Steve Rogers, Iron Man et Thor se rendent au Raft pour une tournée d'inspection. Luke Cage, excédé par la désobéissance des T-Bolts, songe à démissionner, mais doit d'abord montrer ses agents en action. Le Fantôme en profite pour pirater la téléportation de Man-Thing et avec Crossbones et le Fléau, ils sont séparés de Cage, Rogers, Thor et Iron Man. Perdus dans une dimension parallèle, ils finissent par se rendre après avoir affronté les quatre Avengers sauf Crossbones qui révèle au grand jour ses nouveaux pouvoirs. Finalement, de retour au Raft, Luke accepte de rempiler à la tête de l'équipe maintenant que Crossbones n'en fait plus partie.


En attendant que Luke choisisse un remplaçant à Crossbones et réfléchisse à une nouvelle façon d'opérer, les Thunderbolts sont consignés au Raft. Moonstone en profite pour questionner le Fantôme sur ses origines. Il se confie sur son passé de programmateur dans la société Omnisapient et son amour pour sa collègue Shana, vite éliminée par ses patrons qu'elle menaçaient de révéler leurs magouilles. Il se venge en expérimentant sur lui-même ses inventions puis en s'en prenant à d'autres patrons peu scrupuleux. Moonstone est réintégrée dans l'équipe où Luke a décidé de faire entrer Hyperion.

Quatre épisodes, c'est peu, mais notons quand même que ce recueil compte le 150ème numéro de la série depuis sa création. Pour l'occasion, on a droit à un chapitre avec une pagination augmentée, les Avengers (du moins sa trinité) en guest-stars, la réédition du premier épisode (par Kurt Busiek et Mark Bagley) et les Ghost's files (une série de planches revenant sur le passé des Thunderbolts).

Avant cela, ce tome s'ouvre sur une paire d'épisodes en lien avec l'event Shadowland. A cette époque (2011), Andy Diggle a succédé à Ed Brubaker comme scénariste de Daredevil et il lance une saga qui trouve ses racines dans la fin du précédent run. Daredevil s'est sacrifié pour prendre la tête de la Main, évinçant le Caïd et Lady Bullseye, il part donc au Japon avec le projet secret de réformer cette organisation criminelle de l'intérieur, mais la situation lui échappe et, envoûté, il bascule du côté obscur.

De retour à New York, il décide de nettoyer Hell's Kitchen avec ses ninjas avant d'étendre son action à tout New York. Lorsqu'il tue Bullseye, ses amis héros comprennent qu'il a franchi la ligne rouge et s'unissent pour le stopper. Bien entendu, Marvel va multiplier les tien-in de qualité très variable sur une histoire déjà peu convaincante sur sa trame centrale. Disons-le simplement : Shadowland est un des pires récits impliquant Daredevil, l'ultime étape dans la déchéance de l'Homme sans Peur, et il faudra le changement de direction radicale imprimé par Mark Waid pour que DD retrouve sa superbe.

Jeff Parker n'a cependant pas le choix : il doit composer avec Shadowland pour deux épisodes de Thunderbolts. Premier défi : il doit se passer de Luke Cage, accaparé par la saga centrale, même si c'est lui qui donne leur mission aux T-Bolts. Le scénariste invente une intrigue-prétexte (un jeune flic noir, fils d'un ami de Cage, capturé par la Main) pour entraîner ses anti-héros dans les égouts de Hell's Kitchen et y affronter une horde ninjas déchaînés. Evidemment, ça tourne mal très vite : Songbird évacue Fixer blessé et laisse donc seuls Moonstone, le Fléau, le Fantôme et Crossbones, qui va commettre un carnage.

Le vrai intérêt de ces deux numéros repose surtout dans le fait que la série accueille Declan Shalvey au dessin. Il va devenir le partenaire de Kev Walker sur le run de Parker. Même si j'apprécie toujours ce qu'il fait, car c'est un auteur complet, j'avoue que je préférai Shalvey à cette époque. Son trait était plus simple, plus épuré, plus dynamique. Son encrage, surtout, était merveilleux, avec un usage magnifique de trames, des effets d'ombres très expressionnistes. Et puis vraiment les T-Bolts lui allaient bien, tous les épisodes qu'il dessinera ont une sacrée classe, se complétant bien avec l'aspect plus brut de décoffrage de Walker.

La parenthèse Shadowland fermée, Parker a l'honneur (ou la charge, c'est selon) d'écrire le 150ème épisode du titre. Comme il n'est pas impressionnable, il préfère ne pas s'y arrêter spécialement pour une commémoration mais plutôt pour s'amuser. Il a le droit de convoquer la trinité des Vengeurs, Steve Rogers (alors dans son rôle de Super-Soldier, chef des Secret Avengers et de la sécurité nationale des USA), Iron Man (en pleine période Stark Resilient, suite au run de Matt Fraction où il a absolument tout perdu durant le Dark Reign) et Thor (qui vient d'assister à la chute d'Asgard et a contribué à la réconciliation entre Rogers et Stark dans Avengers Prime, de Brian Michael Bendis et Alan Davis). 

Mais ils ne viennent pas au Raft pour le plaisir de visiter leur ami Luke Cage : c'est une inspection pour vérifier que la réforme entamée sous la direction de Cage fonctionne. Parker orchestre dans un premier temps les retrouvailles de Iron Man et du Fantôme, puis de Steve Rogers et Crossbones, et la rencontre entre Thor et Gunna la troll (avec à la clé une scène hilarante). Puis Cage emmène tout ce beau monde (sauf Gunna mais avec Man-Thing) pour une mission-test. C'est là que le Fantôme décide de faire des siennes en organisant une évasion à laquelle il convie le Fléau et Crossbones. Mais la situation lui échappe et tous se retrouvent dans une dimension parallèle.

Cage et ses collègues découvrent le secret de Crossbones, qui, exposé aux cristaux terrigènes lors du voyage en Nouvelle-Guinée (dans le tome précédent), a développé d'effrayants pouvoirs. On a droit à une spectaculaire baston entre Thor, Cage et le Fléau, une explication troublante entre Iron Man et le Fantôme (qui apprend la situation financière de Stark et renonce à le tracasser), et surtout un face-à-face musclé entre Rogers et Crossbones. Parker va l'écarter du groupe définitivement, à raison (c'était le membre le plus discutable de la série), puis réintégrer Moonstone avant de recruter Hypérion.

Le dernier épisode de l'album est comme le n°150 dessiné par Kev Walker. On peut apprécier l'abattage de l'artiste qui enchaîne les épisodes avec une énergie assez folle, même si, comme à son habitude, il se débarrasse régulièrement des décors pour se concentrer sur les personnages en pleine action. N'empêche, c'est un régal car il excelle à animer ces crapules avec des gueules cassés et des psychologies tordues, comme donc, ici, Moonstone, la manipulatrice, et le Fantôme, le plus mystérieux des T-Bolts.

Parker retrace ses origines pathétiques avec efficacité et en fait un vilain avec des principes bien spéciaux, s'en prenant à des puissants industriels que leur pouvoir autorise au pire (malversations financières, crimes crapuleux). On sent que le scénariste adore le personnage, au moins autant que Man-Thing, et lui donne une place à part dans la série et l'équipe, de telle sorte que le lecteur partage cette fascination.

Curieusement, les deux premiers recueils des Thunderbolts par Jeff Parker ne sont pas numérotés. Cela débutera avec le prochain tome, Violent Rejection, tout aussi fou furieux et qui, surtout, marquera le début d'un véritable feuilleton.

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