lundi 13 mars 2023

KA-ZAR LORD OF THE SAVAGE LAND, de Zac Thompson, German Garcia, Alvaro Lopez et Lalit Kumar Sharma


J'avais commencé à lire cette mini-série Ka-Zar Lord the Savage Land au début de sa parution l'an dernier avant d'arrêter rapidement, agacé de ne pas comprendre où le scénariste voulait en venir. Maintenant que la parution est terminé depuis quelque temps, je m'y suis replongé à tête reposée. Le résultat est très curieux, mais visuellement, malgré trois dessinateurs, superbe.


Tué lors de l'invasion Cotati (cf. Empyre) et ressucité, Ka-Zar doit composer avec les changements qu'il a subis lors de son retour à la vie. Dôté comme sa femme Shanna de pouvoirs holistiques, il découvre que la Terre Sauvage dont il est le protecteur connaît d'importantes mutations techno-organiques causées par une créature présente depuis longtemps mais bien cachée.


Cette découverte connaît un rebondissement troublant quand Ka-Zar et Shanna surprennent leur fils Matthew en contact avec cette entité et prêt à l'aider dans son entreprise... 


De Zac Thompson, je ne connais pour ainsi dire rien, si ce n'est sa participation à Age of X pour laquelle il avait écrit la mini-série Marvelous X-Men. Mais c'est lui que Marvel, après l'event Empyre, a confié la mission de redonner son lustre à Ka-Zar.


Mine de rien, Ka-Zar est un héros créé en 1936 dans un pulp comic portant son nom. Il sera repris en main en 1939 par Timely Comics, l'ancêtre de Marvel, puis en 1965 par Stan Lee et Jack Kirby qui lui donneront son alias contemporain Kevin Plunder (plunder signifiant pilleur en anglais et cela a son importance).


Attaché à la Terre Sauvage, située dans l'Antarctique, Ka-Zar en est le protecteur. Cette région est restée telle qu'elle était durant la préhistoire, on y croise donc des dinosaures, des ptérodactyles, et autres animaux sauvages dans un environnement primitif. Le père de Kevin Plunder y viendra pour voler l'anti-métal, un minerai précieux comme le vibranium du Wakanda - c'était donc un pilleur comme son nom de famille l'indique - tandis que son fils s'emploiera à préserver cet écosystème.

La carrière éditoriale du personnage l'a souvent cantonné à des apparitions dans les séries les plus populaires de Marvel, même s'il a eu droit à quelques runs (dont un écrit par Mark Waid). Récemment Jason Aaron l'a utilisé dans Avengers. Mais la mini-série Ka-Zar Lord of the Savage Land se déroule juste après les événements de la saga Empyre (par Dan Slott, Al Ewing et Valerio Schiti (parue en 2020).

Dans un tie-in, Empyre : Avengers, Ka-Zar est tué par les Cotati, un peuple jadis persécuté par les Kree, dont le leader est le fils de Mantis et Swordsman. Mais Kevin Plunder ne restera pas longtemps mort puisque, en communion avec la Terre Sauvage, celle-ci le ressucite, comme elle l'a fait avec Shanna. Et c'est la base de travail de Zac Thompson pour la suite.

On retrouve donc un Ka-Zar désorienté, qui doit s'habituer à son nouveau statut. C'est assez rare pour être noté car généralement dans les comics où on meurt et revient à la vie fréquemment, peu d'histoires prennent la peine de considérer à quel point un tel événement peut perturber un personnage. Ici, Ka-Zar est en proie à des cauchemars évoquant son enfance avec son père, sa découverte de la Terre Sauvage et de ses indigènes. Il intègre aussi difficilement à quel point sa résurrection a modifié sa perception.

En effet, maintenant, il vit une relation symbiotique avec la Terre Sauvage, ressentant la moindre altération dans son écosystème. Mieux, ou pire, c'est selon, Zac Thompson confère au héros des pouvoirs qui en font un équivalent d'Animal Man chez DC : il peut reproduire les capacités de la faune, au point de subir des transformations physiques (des aîles de ptérodactyles lui poussent dans le dos, des branchies apparaissent dans son cou sous l'eau, etc.).

Parfois les inventions de Thompson flirte avec le grotesque puisque, décapité dans le feu de l'action, la tête de Ka-Zar finit par repousser ! On est donc passé d'une sorte d'ersatz de Tarzan blond à un surhomme immortel. C'est à la fois l'audace et la faiblesse de ce récit qui sans doute va trop loin dans la mutation infligée à Ka-Zar (mais ce n'est rien par rapport à ce que vient d'en faire Aaron dans de récents épisodes d'Avengers...). De la même manière, Shanna ressemble à une version revisitée de Poison Ivy puisqu'elle est capable d'animer la végétation.

Malgré des maladresses donc dans les métamorphoses imposées au couple vedette, Thompson est assez habile pour mettre en place un mini-conflit familial car Matthew, le fils de Ka-Zar et Shanna, a du mal à trouver sa place entre ses deux parents. Il leur cache sa relation avec Domovoy, la créature qui parasite la Terre Sauvage avec sa bio-technologie. Matthew fait confiance à cet allié car il ambitionne de réformer le territoire, estimant que son père, comme son grand-père avant lui, ne le comprend pas bien. Evidemment, ça ne va pas bien tourner...

Cinq épisodes, ce n'est pas long mais ça suffit, et même je crois qu'en quatre chapitres, l'affaire aurait été aussi bien, sinon mieux racontée, en se délestant de quelques péripéties superflues. Toutefois, il y a une tension bien entretenue, jusqu'au climax spectaculaire, on ne s'ennuie pas. Et c'est en plus très beau.

Car German Garcia est au dessin. Modérons tout de suite cet enthousiasme en précisant qu'il ne signe pas l'intégralité de la série : à partir du troisième épisode, Alvaro Lopez l'assiste en illustrant les quelques pages évoquant le passé de Kevin Plunder, et ce, jusqu'au dernier chapitre. Quant au quatrième épisode, les scènes au présent sont entièrement dessinées par Lalit Kumar Sharma.

Malgré donc ce défilé d'artistes, le plaisir n'est pas gâché car aussi bien Alvaro Lopez que Lalit Kumar Sharma ont fait l'effot de coller autant que possible au style de German Garcia. Et celui-ci produit des pages magnifiques, sublimées par les couleurs du génial Matheus Lopes (le coloriste de Bilquis Evely et Matias Bergara).

On baigne donc dans un environnement lumineux, luxuriant, absolument grisant. Garcia anime des personnages d'une beauté extraordinaire, en particulier Shanna. Mais son Ka-Zar ne manque vraiment pas d'allure non plus. Et surtout la Terre Sauvage a rarement été représentée de façon aussi somptueuse. On traverse ses forêts, ses plaines, ses régions enneigées, ses cours d'eau, c'est littéralement à couper le souffle. Garcia donne tout ce qu'il a et on comprend que ce n'est pas parce que son trait s'est épurée qu'il s'est appauvri. Avec Matheus Lopez, il gratifie le lecteur d'images fascinantes, et on regrette surtout que Marvel n'ait pas été plus flexible pour publier cette mini-série, qui avec une périodicité moins soutenue, aurait permis à Garcia de la dessiner intégralement.

Ce n'est donc pas parfait, c'est même parfois limite, et je ne suis vraiment pas sûr que ce Ka-Zar restera canon (tout comme ce qu'il est devenu dans Avengers d'Aaron), mais cette mini-série contient suffisamment de bonnes et jolies choses pour qu'on ne passe pas à côté.

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