jeudi 19 janvier 2023

FABLES #157, de Bill Willingham et Mark Buckingham


Après une pause de deux mois (le précédent n° remontait à Octobre 2022), Fables revient pour la suite et fin de l'arc The Black Forest. Il reste six issues avant la fin et Bill Willingham a encore des surprises en réserve comme on peut le voir ce mois-ci. Mark Buckingham, bien occupé en ce moment, nous régale avec de superbes planches.



Winter est sauvée du monde de la tasse à thé où la retenait Yoruba, le vent du Sud. La famille de Bigby et Blanche Neige vit en paix dans la forêt noire tandis que Gwen Greenjack reçoit une offre qu'elle ne peut pas refuser de Cendrillon...


La série revient donc pour entamer la seconde partie de son arc en douze chapitres. La raison de cette pause est sans à chercher du côté de Mark Buckingham car le dessinateur est actuellement très occupé entre Fables et la publication, maintes fois repoussée, de Miracleman : The Silver Age (écrit par Neil Gaiman) par Marvel.


Mais relativisons : le break n'a duré que deux mois et on a à peine eu le temps de le remarquer, sans avoir eu celui d'oublier où l'histoire en était. Dans les six premiers épisodes, le scénario de Bill Willingham avait, entre autres, envoyé les enfants de Bigby Wolf et Blanche Neige dans des aventures séparées.


Ainsi Ambrose avait vaincu un démon et entrepris de fonder une université. Connor avait croisé la route d'un sinistre chevalier et sauvé le vieux Sam de son épée. Blossom a fait la connaissance du dieu de la forêt, Herne, dont elle est tombée amoureuse. Il restait à savoir ce qu'il était advenu de Winter, l'incarnation du vent du Nord...

Tombée dans une tasse de thé sur le dos d'une tortue, elle était prisonnière d'un royaume tenu par Yoruba, incarnation du vent du Sud, et privée de ses pouvoirs. Comme le montre la couverture variante de Mark Buckingham (ci-dessous), elle en sort enfin, emmenant avec elle Tak, son gardien.


C'est alors que Willingham nous surprend en effectuant un bond dans le temps de cinq ans. Les enfants ont grandi et s'ils vivent encore tous auprès de leurs parents, ils sont occupés. Ambrose veille à l'achèvement de la construction de son université avec le vieux Sam. Connor s'entraîne à devenir un chevalier digne de ce nom. Blossom et Herne vivent leur romance - même si Bigby refuse de reconnaître son presque gendre comme le dieu de la forêt (tout en ménageant sa susceptibilité pour faire plaisir à sa fille). Et Winter explique à Tak qu'elle consentira à le rendre à son royaume si Yoruba accepte qu'elle yn séjourne sans la priver de ses pouvoirs.

Il flotte dans ces pages, magnifiquement illustrées par Mark Buckingham (toujours adepte d'un découpage très classique, avec une moyenne de quatre cases et deux bandes, ce qui lui donne de l'espace pour des plans bien fournis mais une lecture fluide), une drôle d'ambiance appuyé par le texte en off. 

Willingham souligne que ce furent des temps heureux pour la famille Wolf, mais qu'ils ne vont pas durer. Une menace sourde plane et donc on ne va pas en rester là. Toutefois, impossible de savoir de quel côté va arriver le danger, voire le drame. Les pistes sont multiples : Herne va-t-il finir par s'agacer que Bigby ne le traite pas comme le dieu de la forêt ? Yoruba, le vent du Nord, va-t-elle se venger de Winter ? A priori Connor et Ambrose ne risquent rien, mais méfions-nous de l'eau qui dort.

Le saut dans le temps nous fait aussi changer de décor et on retrouve alors Gwen Greenjack... Dans la prison de Ryker's Island ! Elle y croupit depuis cinq ans et son arrestation alors qu'elle avait surgi dans le restaurant où était Peter Pan, l'ennemi qu'elle voulait éliminer sans le savoir. Pire : elle a été accusée d'avoir tué sauvagement des policiers, massacrés en vérité par le fée Clochette pour permettre à Pan de s'éclipser sans être interrogé.

Willingham réintroduit Cendrillon dans la boucle, elle qu'on avait laissé abordant des pontes de la sécurité nationale à qui elle offrait ses services pour gérer la situation relative à l'apparition des Fables dans la réalité new-yorkaise. Elle a pris du galon puisqu'on apprend qu'elle dirige désormais une unité spécialisée pour s'occuper des égarés des royaumes.

La seconde moitié de l'épisode consiste donc en un dialogue entre Cendrillon et Gwen dans une pièce de la prison. Willingham parvient à rendre la situation totalement compréhensible au lecteur, qui peut être désarçonné par l'ellipse, et en même temps à poser les enjeux que représente la présence de Gwen dans le monde réel.

Mark Buckingham met en scène ce long dialogue avec la même simplicité et tire parti au maximum de ce qui se joue là : il varie les valeurs de plan, les angles de vue, les éclairages, et pourtant, si on n'y prend pas garde, il a l'air de dessiner tout ça sans effort particulier. C'est tout l'art de ce narrateur de ne jamais être démonstratif ni ennuyeux. On tourne les pages, captivé, et cet échange passe comme une lettre à la poste. Magistral.

Est-ce la fin de l'arc de Gwen Greenjack ? Va-t-elle vraiment en rester là ? Elle revient de loin et sa détention semble avoir entamé son enthousiasme. Mais, quand bien même abandonnerait-elle sa traque qu'il lui reste à rentrer auprès du précédent Greenjack - et la laissera-t-il utiliser ce nom ? Ce qui paraît en revanche plus probable, c'est que Cendrillon enquête sur Peter Pan et le confronte, ce qui augure d'un face-à-face prometteur.

Bref, si vous croyiez que Fables était revenu juste pour raconter un arc tranquille, vous en êtes pour vos frais. Bill Willingham et Mark Buckingham ont encore des cartouches à tirer et ne vont pas ménager leurs héros. Que demander de mieux ?

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