samedi 12 novembre 2022

THE NEW GOLDEN AGE #1, de Geoff Johns et Diego Olortegui, Jerry Ordway, Steve Lieber, Todd Nauck, Scott Kolins, Viktor Bogdanovic, Brandon Peterson et Gary Frank


The New Golden Age est une one-shot qui fait la liaison entre la fin de Flashpoint Beyond et le début de la relance de Justice Society of America (le 29 Novembre prochain). L'architecte de tout ça est Geoff Johns et DC Comics semble lui avoir réservé un coin du DCU pour développer ce qu'il a en tête. Du coup, ce New Golden Age fait office de gros teaser, plein de questions en suspens et d'indices à décrypter.
N.B. : J'ai décidé de rédiger un résumé qui remet toutes les scènes dans l'ordre chronologique afin de mieux saisir la progression du récit.


12 Avril 1848. Corky Baxter annonce à John Wilkes Booth, le futur assassin d'Abraham Lincoln (soit trois jours avant les faits), qu'il deviendra célèbre. Les Maîtres du Temps surgisssent et grondent Corky puis l'embarquent pour reprendre leur traque des 13 héros réintégrés dans les années 1940.


22 Novembre 1940. La Justice Society of America se réunit pour la première fois. Doctor Fate (Kent Nelson) a une vision dramatique du futur où un étranger tue des enfants qui ont repris le flambeau des membres de la JSA. A la "une" des journaux, il est question du héros russe Vladimir Sokov alias Red Lantern qui a coulé un navire de l'armée américaine.


31 Octobre 1951. La JSA comparaît devant la commision parlementaire aux activités anti-américaines mais ses membres refusent de se démasquer pour prouver leur loyauté aux Etats-Unis.


22 Novembre 1976. Doctor Fate (Kent Nelson) est examiné par Doctor Mid-Nite (Charles McNider) au sujet de ses visions du futur. Ils sont interrompus par Power Girl et Star-Spangled Kid qui reprochent à la JSA de ne pas donner leur chance aux femmes et aux jeunes. Fate leur rappelle que Wonder Woman a été dans l'équipe pendant des décennies et que, le moment venu, les jeunes prendront la relève des vétérans.


Il y a 13 ans. Catwoman dérobe dans un musée l'Anneau maudit de Hauet malgré la mise en garde de Doctor fate (Kent Nelson). Un rayon d'energie surgit de l'Anneau et tue Fate. Il succombe en prévenant Catwoman que sa fille (qui n'est pas encore née) intégrera la JSA mais sera tuée par l'étranger.


Maintenant. Doctor Fate (Khalid Nassour) retrouve le détective Chimp et Deadman pour qu'ils l'aident à exociser son casque infecté par l'energie de l'Anneau de Hauet. C'est alors que Fate a une vision tragique de son successeur en 3022.


Dix ans dans le futur, 22 Novembre. Helena Wayne, âgée de dix ans, poignarde Batman en le prenant pour un cambrioleur. Il se démasque et l'entraîne dans sa Batcave où se trouve, entre autres reliques, la boule contenant l'univers Flashpoint. Selina Kyle surgit et reproche à Bruce de vouloir faire de leur fille une justicière, quitte à ce qu'elle connaisse le même sort, funeste, que ses Robins.


18 ans dans le futur. La JSA annonce à Selina que Batman a été assassiné, alors qu'il lui a vait promis de se retirer. Helena jure de venger son père et devient Huntress.


22 Novembre 3022. Une nouvelle incarnation de la JSA, composée de nouveaux Green Lantern, Atom et Doctor Fate (une nommée Sophie), pénètrent dans le Q.G. de l'équipe, dévasté, laissé à l'abandon. L'étranger surgit et tue Fate puis efface le reste du groupe avec le casque de Fate.

Il y a aussi une scène avec Nostalgia, cette fan d'Ozymandias à la recherche du Watchmen, en compagnie de Mime et Marionnette, mais elle n'est pas située dans le temps.

Et tout ça tient en un cinquantaine de pages ! C'est donc très dense, et pour ne pas faciliter la tâche au lecteur, Geoff Johns raconte àa dans le désordre. J'ai lu The New Golden Age deux fois pour réussir à rédiger ce résumé chronologique et tenter de déchiffrer ce que le scénariste voulait raconter. Même comme ça, ce n'est pas clair.

Alors sans doute le meilleur moyen d'apprécier The New Golden Age est de le lire comme un énorme teaser pour ce que Johns entreprend d'écrire dans les prochains moins (années). Dans deux semaines, le scénariste va relancer la série Justice Society of America et il signera aussi une mini-série Stargirl : The Lost Children (à partir du 15 Novembre) dans lesquels il a promis que tout serait exploité et explicité.

Bien que dans l'event, actuellement en cours de publication, Dark Crisis (on Infinite Earths), Joshua Williamson a utilisé la Justice Society of America, Johns va certainement raconter quelque chose de différent, sans tenir compte de ce qu'a fait son collègue. The New Golden Age plonge dans le passé mais se projette aussi dans le futur pour redéfinir la JSA et DC a visiblement accordé au scénariste un coin de son univers pour qu'il ait les mains libres.

Ce one-shot se divise en trois parties : la plus importante se déroule dans le passé (cinq segments), une dans le présent, trois dans le futur. Deux personnages attirent notre attention : un individu mystérieux, l'Etranger, hante ces trois périodes, tandis que Helena Wayne, fille de Batman et Catwoman, sert de guide en quelque sorte. Toute la problématique du projet de Johns ici est de savoir de qui et de quand on parle.

De qui : actuellement, dans la continuité, Batman et Catwoman ne sont plus en couple (depuis la fin du run de Tom King sur la série Batman. La mini-série Batman/Catwoman qu'il a écrite ensuite paraît être hors continuité, comme la majorité des projets édités sous le Black Label). Il existe une Huntress, qu'on a croisé dans Nightwing puis Detective Comics, mais ce n'est visiblement pas la même que celle qu'introduit (ou plus exactement réintroduit) Johns ici. La Huntress de Johns, qui est donc la fille de Bruce Wayne et Selina Kyle, le devient 18 ans dans le futur, après l'assassinat de Batman (encore une différence avec la mort de Batman imaginée par King, qui établissait qu'il s'était éteint d'une longue maladie dûe à un combat contre le Dr. Phosphorus), pour venger son père.

Quand : le temps dans les comics, et particulièrement le présent, est un concept fluctuant. Le temps ne s'écoule pas comme dans la réalité sinon des personnages seraient en vérité centenaires au bas mot. Dans les comics, on vit, comme l'écrivait Patrick Modiano, dans une sorte de "présent éternel". Aussi quand un carton indique "Now" ("Maintenant"), c'est très relatif. Cela semble indiquer que ce "Now" se situe au moment où nous lisons l'histoire, mais en vérité, c'était déjà valable l'année dernière ou ça le sera encore l'année prochaine. Plutôt que "maintenant", il serait plus pratique de dire "de nos jours".

Et donc cela situe, par exemple, le vol de l'Anneau de Hauet par Catwoman 13 ans avant "de nos jours". Le costume qu'elle porte à cette occasion est celui qu'elle a dans Batman : Year One, donc elle est au tout début de sa carrière de voleuse costumée. Doctor Fate lui annonce qu'elle aura une fille, qui deviendra une justicière mais mourra des mains de l'Etranger. Cela fait rire Catwoman qui répond à Fate qu'elle n'a pas prévu d'avoir d'enfant.

Mais 10 après "de nos jours", Selina Kyle et Bruce Wayne sont parents d'Helena, qui découvrent la double identité de son père. Et 18 ans après "de nos jours", Helena devient Huntress après l'assassinat de Batman. Comme la future série Justice Society of America a pour premier rôle Huntress, faut-il en déduire qu'elle se déroule 18 ans après "de nos jours" ? Ou bien Helena Wayne aura-t-elle trouvé un moyen de remonter le temps pour empêcher l'assassinat de Batman (mais ausi en existant à la même époque que l'autre Huntress vue dans Detective Comics) ?

Résumons : nous avons une cosntante - l'Etranger, qui s'en prend à la JSA à travers les âges, en l'ayant observé puis en l'attaquant - , nous avons Huntress et sa quête de vengeance dans le futur. Mais qui est vraiment le personnage intermédiaire entre l'Etranger et Huntress ?

Il s'agit de Doctor Fate, que Geoff Johns semble envisager comme un mix du magicien classique, héritier des pouvoirs de Nabu, gardien de l'Ordre, mais aussi une sorte de version de Dr. Who, avec plusieurs personnages qui héritent du titre. Celui qui a été Fate le plus longtemps est Kent Nelson : il est là dès la première réunion de la JSA en 1940 au cours de laquelle il a la première de ses visions dramatiques sur le futur macabre de l'équipe et ses héritiers. Il est encore là en 1976 quand Dr. Mid-Nite l'examine avant que Power Girl et Star-Spangled Kid n'interrompent leur échange. Et il est toujours là 13 ans avant "de nos jours" lorsqu'il surprend Catwoman en train de voler l'Anneau de Hauet et le tue accidentellement. De nos jours, Fate est incarné apr Khalid Nassour. Et en 3022, c'est une fille, Sophie, qui a hérité du casque du Doctor.

Fate est donc partout, tout le temps. Mais c'est le contrepoint tragique de l'Etranger. Car on sait très vite que Kent Nelson va mourir et sa mort déclenche une progression dans la narration. Kent Nelson mort, c'est Khalid Nassour qui hérite du rôle. Khalid Nassour disparu, c'est Sophie qui est la (dernière ?) Dr. Fate. Tout cela desssine quelque chose de familier, d'obsessionnel chez Johns : la notion d'héritage, de transmission. La JSA n'est pas seulement la première super-équipe de DC, c'est aussi celle qui va inspirer et former les générations suivantes de super-héros. La JSA, c'est l'Histoire de DC, l'incarnation du temps dans le DCU. Et Johns a choisi cette fois de faire de Dr. Fate l'emblême vivant de cette incarnation. Ce qui tombe en fait sous le sens puisque Fate signifie destin.

Johns, avec l'ambition qui ne l'a jamais quitté de configurer le DCU en un grand tout cohérent, malgré les relaunchs, les reboots, les Crisis, place la JSA au-dessus de tout. Sans elle, rien n'existe, rien ne se construit. C'est la colonne vertébrale de son grand plan. Il intègre des épisodes comme celui dans les années 50 la JSA refuse de se démasquer devant la commission parlementaire aux activités anti-américaines pour prouver leur loyauté envers les Etats-Unis (épisode repris dans le Elseworlds JSA : The Golden Age de James Robinson et Paul Smith mais aussi dans DC : The New Frontier de Darwyn Cooke). Et bien qu'il ait été un des architectes des New 52, Johns n'en fait pas mention ici puisque durant cette période éditoriale la JSA n'avait plus de série et son existence avait d'ailleurs été effacée.

Johns incorpore par contre deux éléments plus récents qu'il a écrits. La première, c'est le retour en force des Maîtres du Temps (Time Masters) de Rip Hunter, intervenus lors de Flashpoint Beyond, mais auparavant dans Infinite Crisis : 52. Dans la première scène chronologiquement, Corky Baxter motive presque John Wilkes Booth à tuer Abraham Lincoln avant d'être réprimandé et de repartir avec les Maîtres du Temps. Leur mission : vérifier que les 13 héros cités à la fin de Flashpoint Beyond (tout en ayant en tête qu'ils s'agissaient de 13 personnages n'ayant jamais existé auparavant, entièrement créés par Johns) ont bien réintégrés les années 40. A la fin de The New Golden Age, on a droit aux 13 fiches signalétiques de ces personnages, avec un luxe de détails biographiques complètement fou pour justifier leur création rétroactive. Et durant la scène du 31 Octobre 1951, en "une" des journaux, il est fait mention du Red Lantern, le plus puissant héros russe de l'époque qui a coulé un navire de l'armée américaine (ce Red Lantern tient-il son pouvoir du corps des Red Lanterns ? Ou d'une version alternative du du Starheart comme le Green Lantern Alan Scott ?). En tout cas, Johns semble bel et bien avoir des plans pour ces 13 héros, certainement pour la série Justice Society of America.

L'autre incorporation d'un récit de Johns concerne Doomsday Clock visant à intégrer Watchmen dans la continuité du DCU. A la fin de Flashpoint Beyond, on découvrait une jeune femme, Nostalgia, dans l'ancienne forteresse de Ozymandias au Pôle Nord, et qui cherchait le Watchman (et non les Watchmen). On la retrouve ici avec Mime et Marionnette (deux personnages introduits dans Doomsday Clock). Par contre impossible de savoir à quand se déroule cette scène, très brève, c'est la seule qui n'est pas datée. Là aussi, tout indique que Johns n'en a pas fini avec l'oeuvre de Moore (et je cache pas que ça me soûle).

Vous l'aurez compris : je ne fais pas à proprement parler une critique de The New Godlen Age. Pour moi, il s'agit plus d'une feuille de route présentée par Johns, et encore c'est une feuille de route pleine de trous, d'interrogations. C'est à la fois confus, frustrant et excitant, prometteur. Johns revient en tout cas très en forme, plein de projets. En cas de succès de Justice Society of America, il pourrait signer un run aussi consistant que le premeir qu'il a écrit sur JSA (à la suite de James Robinson et David Goyer). Il paraît surtout évident qu'il développe ce projet ambitieux en marge des autres séries, dans une sorte de pré carré, sans doute avec la possibilité pour d'autres auteurs d'y faire référence, mais en conservant la main sur ces références. Personnellement, je ne pense pas que beaucoup de scénaristes vont embêter, parasiter Johns, chaque auteur vedette de DC a déjà fort à faire avec leur propre série et Joshua Williamson (que je persiste à voir comme le futur scénariste de Justice League) ne me semble pas menacé dans son rôle d'architecte principal du DCU.

Johns a tenté par le passé (notamment avant et pendant les New 52) d'être ce grand architecte du DCU. Mais les polémiques autour du film Justice League et ses projets chez Image Comics (avec Geiger et son univers) ont diminué son influence chez l'éditeur. J'ai le sentiment qu'il a encore de l'ambition pour le DCU, mais en ayant obtenu qu'on lui donne un secteur, sans avoir l'obligation d'interagir avec les autres auteurs, les autres séries. C'est presque comme s'il avait son propre label (chose qu'a eu Bendis en arrivant chez DC, ou comme le Black Label, mais de manière plus circonscrite).

Cela confère à Johns une position à part, un statut singulier. Plus vraiment central, essentiel, mais encore star, enfant prodige. Dès lors, The New Golden Age, c'est d'abord et surtout Johns. Les huit dessinateurs qui illustrent ce one-shot sont ses hommes de main, de différentes renommées : si Gary Frank, Scott Kolins, Todd Nauck, Jerry Ordway sont des habitués, Diego Olortegui, Viktor Bogdanovic, Brandon Peterson et Steve Lieber ne déméritent pas mais ont été visiblement conviés pour soulager leurs collègues. L'ensemble est esthétiquement très déparaillé et inégal, mais globalement de belle facture.

Pour résumer, ça m'a plutôt donné l'eau à la bouche (exception faite de la scène découlant de Doomsday Clock). J'attends donc avec gourmandise le retour de Justice Society of America, qui plus est parce que Mikel Janin en sera l'artiste. Et je croise les doigts pour que Johns soit bien inspiré.

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