mercredi 28 septembre 2022

THE NICE HOUSE ON THE LAKE #10, de James Tynion IV et Alvaro Martinez


Après quatre mois d'absence, The Nice House on the Lake revient enfin, et, espérons-le, cette fois sans nouvelle interruption. Carr, pour se plonger dans ce dixième épisode, soit vous devez avoir une excellente mémoire, soit il vous faut relire les derniers chapitres pour savoir où en est l'histoire de James Tynion IV et Alvaro Martinez. Le résultat est excellent, mais pâtit de cette publication, disons, compliquée.


En ayant mis la main sur des armes à feu dans la maison, les invités de Walter ne résistent pas à tester leur capacité à guérir de leurs blessures, voir à défier la mort.


Au même moment, Walter fait visiter à Norah la salle des commandes de la deuxième maison. Il peut ainis contrôler le facteur guérissant des invités et trafiquer leurs mémoires. Sauf pour un d'entre eux...


Walter et Norah discutent du moyen de contrôler l'élément qui résiste à son contrôle mais aussi de la nécessité pour lui à tout révéler. Norah se trouble soudain. Et Walter le remarque et s'emporte.


Car Ryan, qui les a épiés, a pénétré à son tour dans la salle des commandes et s'en sert. Dans la première maison, Naya Radia se prête au jeu morbide de ses camarades. Et c'est le drame...

Cette dernière phrase fait penser à un commentaire dans un mauvais doc de M6/W9, sauf qu'il se passe effectivement quelque chose d'affreux à la fin de cet épisode, un événement qui risque bien de faire basculer la série alors que celle-ci approche de la fin. L'effet est d'autant plus vertigineux que la scène se passe hors-champ. Mais je m'arrête là sinon je vais spoiler.

Quatre mois se sont écoulés depuis la parution du précédent épisode de The Nice House on the Lake. Et si on va plus loin, on se rend compte que la série a démarré il y a... Quatorze mois ! Vous allez me dire (et je me le dis moi-même sans ça) que ça fait un chouia long, mais si le résultat est et reste bon, pourquoi s'en plaindre ? En vérité, le problème est ailleurs et il pèse sur la série, qu'on le veuille ou non.

Le DC Black Label est un espace de liberté pour les auteurs les plus en vue de l'éditeur, qui peuvent y produire des histoires souvent détachées de la continuité, et même du registre super-héroïque - comme c'est le cas avec The Nice House.... On peut féliciter DC et ses editors pour cela, et pour laisser le temps aux auteurs de faire leur boulot sans avoir l'obligation de respecter la cadence mensuelle - même si, à l'occasion, certains titres ont quand même eu des fill-in (comme sur Batman-Catwoman de Tom King et Clay Mann, ce dernier ayant été suppléé - à contrecoeur - par Liam Sharpe sur quelques numéros).

Mais dans la grande majorité des cas, c'est ainsi. On peut interpréter cela comme une volonté de DC de faire de son Black Label ce qu'était autrefois Vertigo, sans toutefois égaler cette colection, qui proposait des projets bien plus fous et qui révélait des talents au lieu d'être réservé aux stars déjà confirmées.

Pour en revenir à The Nice House... et à sa publication, il est bon de rappeler qu'à l'origine James Tynion IV n'avait pas spécialement prévu de le faire publier par DC. Le succès de son creator-owned Something is killing the children (chez Boom ! Studios) l'incitait déjà à abandonner le work-for-hire. Mais comme le scénariste avait conçu cette mini-série avec le dessinateur Alvaro Martinez (son partenaire sur Justice League Dark) et que celui-ci était encore sous contrat avec DC, un arrangement fut trouvé pour héberger The Nice House....

On peut donc affirmer que Tynion IV a été copieusement chouchouté par DC qui ne voulait pas laisser filer un potentiel best-seller au parfum de production indé. Et encore aujourd'hui on remarque à quel point The Nice House... déparaille dans les mini-séries du Black Label car on n'y trouve aucun personnage du DCU, ce n'est pas une histoire de super-héros.

Le Black Label étant devenu ce qu'il est (c''est-à-dire un label avec de plus en plus de titres), DC s'est adapté à sa production, laissant des mini-séries prendre du retard pour conserver un niveau de qualité élévé et attirer de nouveaux auteurs (ou en convaincre certains de renouveler l'expérience). Ainsi, des titres comme Rogues (par Joshua Williamson/Lemoacs), Catwoman : Lonely City (par Cliff Chiang) récemment ont vu leur planning bouleversé. 

Dans certains cas, il a été convenu avec certaines équipes créatives des pauses dans la parution, souvent à mi-chemin de l'histoire, pour donner le temps aux artistes de livrer les épisodes qu'il leur restait à dessiner. C'est ce qui s'est passé avec Dark Knights of Steel (par Tom Taylor et Yasmine Putri) ou The Human Target (par Tom King et Greg Smallwood), quand certains titres n'ont pas été tout simplement reportés afin de trouver une fenêtre de sortie appropriée (comme avec Danger Street de Tom King et Jorge Fornés).

Et c'est là qu'on en revient à The Nice House... : si DC avait, simplement, interrompu la publication au sixième épisode pendant six mois (comme pour The Human Target), alors Alvaro Martinez aurait eu le temps de produire ses épisodes tranquillement et le lecteurt aurait repris le cours de la série avec l'assurance d'avoir la seconde moitié du récit d'une traite. Au lieu de quoi, on eu six épisodes, puis deux, puis plus rien pendant quatre mois. Et on croise désormais les doigts pour la suite... Mais le n°11 ne sortira qu'en Novembre et le 12, normalement, en Décembre.

Ces retards ne sont pas dûs qu'à Martinez : on devine évidemment, en voyant ses planches une nouvelle fois extraordinaires, qu'il a tout donné. C'est envoûtant, effrayant, le découpage est admirable, et les couleurs de Jordie Bellaire sont exceptionnelles. Non vraiment, The Nice House... est une série visuellement hors du commun, avec une ambiance intense, un look sidérant. C'est une expérience esthétique, audacieuse, mais jamais gratuite, jamais m'as-tu-vu, toujours en phase avec le récit, son atmosphère, sa narration.

Seulement, Martinez a aussi profité des interuptions pour faire quelques conventions, signer des autographes, dessiner pour des fans, sortir un artbook. C'est une partie du métier d'aller à la rencontre des lecteurs, c'est de la promo, et ça fait plaisir aux artistes de voir les fans. Je n'ai aucun problème avec ça, et si DC laisse faire, c'est qu'ils savent l'impact que ça aura sur la périodicité du titre.

En revanche, en tant que lecteur, c'est un peu plus embêtant, car The Nice House... n'est pas un comic-book très facile à suivre, avec son casting très riche, son intrigue très tordue, sa narration spéciale. A chaque arrêt de plusieurs mois, il faut faire l'effort de se replonger dans cette histoire noire, cauchemardesque, exigeante. Il faut avoir en tête les rebondissements, reconnaître les personnages - ce qui n'est pas du tout évident avec le traitement graphique et la façon d'écrire de Tynion IV (qui, comme beaucoup de ses confrères, n'offre aucun résumé des épisodes précédents ni trombinoscope pour rappeler qui est qui - c'est aussi la responsabilité des editors de la série, Marquis Draper, Chris Rosa et Marie Javins !).

Prenons un exemple simple et qui, je pense, parlera à tous ceux qui suivent The Nice House... en floppies : je ne me souvenais plus du tout que Ryan épiait Walter et Norah depuis le précédent épisode - et pour cause, en quatre mois, j'ai lu beaucoup d'autres choses et il est impossible (sauf si vous êtes hypermnésique) de se rappeler de ça. J'ai dû donc de replonger dans mes singles et mes propres critiques avec leur résumé, car j'étais à la rue, paumé. Je défie quiconque de ne pas être dans la même situation.

C'est bien dommage, parce que, une fois, qu'on est au point, l'épisode est captivant. La découverte de cette salle des commandes, la suggestion que Walter dépend d'individus qui seraient très contrariés en apprenant qu'il ne maîtrise pas tout, le jeu macabre des invités qui s'amusent à se tirer dessus et à ressuciter, l'intrusion de Ryan dans la salle des commandes et tout ce qui s'ensuit jusqu'à la fin, conséquences directes de cette intrusion... Tout ça est absolument terrifiant, électrique. Et donc le cliffhanger est glaçant, irréversible.

Ce sont ces sentiments extrêmes qui perturbent le plus : d'un côté, la frustration de ne pas pouvoir suivre cette série dans des conditions sinon normales, du moins plus confortables ; et de l'autre, la forte impression produite par chaque épisode, la sensation qu'une fois finie, en relisant tout ça à tête reposée, ce sera la confirmation que The Nice House on the Lake est une grande BD. Mais mal éditée.

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