Vous avez trois heures et quelques devant vous et vous ne savez pas à quoi les occuper tout en voulant rigoler ? Laissez-moi vous conseiller les huit épisodes de La Femme qui habitait en face de la fille à la fenêtre, disponible depuis fin Janvier sur Netflix. Cette parodie des romans de gare est savoureuse et réussit à être captivante malgré son absurdité. En prime : Kristen Bell, actrice de comédie géniale.
Divorcée, Anna noie son chagrin d'avoir perdu sa fille dans des circonstances tragiques dans l'alcool et les médicaments ainsi que dans l'observation de ses voisins. Un matin, elle voit emménager dans la maison en face de la sienne Neil et sa petite fille Emma à qui elle achète le lendemain des gâteaux pour son école. POur faire connaissance avec Neil, elle lui apporte un plat de gratin mais surprise par une averse alors qu'elle traverse la rue, elle s'évanouit à cause de son ombrophobie. Elle se réveille dans son sofa au matin sans se souvenir comment elle est rentrée, mais après avoir fait un rêve érotique avec son voisin.
Hélas ! une mauvaise surprise attend Anna car Neil retrouve sa fiancée, Lisa, hôtesse de l'air. Elle se remet à boire et à absorber des calmants, contre l'avis de son psy, se rappelant qu'elle avait confié leur fille à son mari, agent du FBI. Il l'avait emmenée dans une prison de haute sécurité et l'avait laissée seule dans la salle d'interrogatoire avec un tueur en série cannibale qui l'avait dévorée. Sloane, la meilleure amie d'Anna, lui commande une peinture pour la prochaine exposition qu'elle organise, mais c'est un échec : contrariée par la présence de Lisa, elle saccage la toile. Anna consulte le compte Instagram de Lisa et découvre qu'elle suit celui d'un nommé Rex. Mais c'est alors qu'elle aperçoit la jeune femme égorgée dans le salon de Neil. Elle se précipite mais une averse l'empêche de franchir la rue.
L'inspectrice Lane, appelée par Anna, lui annonce qu'aucun meurtre n'a été commis chez Neil. Peu convaincue, elle se glisse chez lui apr effraction et trouve une boucle d'oreille près de la baie vitrée du salon avant d'être surprise et de rentrer chez elle, Neil lui ayant expliqué que Lisa est partie en voyage à Seattle. Anna cherche sur Internet le nom de la compagnie aérienne de Lisa mais ne trouve rien, puis pour en savoir plus s'adresse au FBI en se faisant passer pour l'assistante de son mari.
C'est ainsi qu'Anna découvre que la première femme de Neil est morte noyée. Suspecté, il est relâché rapidement. Mais peu après, c'est une enseignante d'Emma qui trouve la mort après avoir chuté du haut d'un phare lors d'une sortie scolaire. Anna se rend sur place et rencontre une photographe qui accepte de lui montrer un cliché qu'elle avait fait de la classe d'Emma ce jour-là : Neil accompagnait les enfants et l'enseignante. De retour chez elle, Anna voit Neil charger un gros sac dans le coffre de sa voiture. Elle le suit jusqu'à un cabaret où il se produit comme ventriloque, sa marionnette étant dans le sac. Lorsque Anna est de retour à son domicile, Rex l'attend à l'intérieur.
Rex explique à Anna que Lisa s'appelle en vérité Chastity et qu'il l'a connu dans un club où il était strip-teaseur. Ensemble, ils ont monté une arnaque pour plumer de riches veufs jusqu'à ce que Chastity cible Neil. Mais Rex était réticent à s'en prendre à lui à cause de Emma. Depuis quelques jours, il est sans nouvelles de sa complice. Troublée, Anna passe la nuit à faire l'amour à Rex. Dans la forêt voisine, la police, avertie, trouve le corps démembré de Chastity.
Au matin la police vient arrêter Rex chez Anna. Choquée d'avoir passé la nuit avec un tueur, Anna arrête la boissson et les médocs. Elle revoit Sloane et s'engage à peindre à nouveau. Elle soigne Buell, son homme à tout faire, qui s'est blessé à une main en lui installant une nouvelle boîte aux lettres. Lane lui rend visite et lui annonce avoir libéré Rex qui a un alibi. En revanche, on a trouvé un couteau à peindre à côté du corps de Chastity. Anna est embarquée.
Au poste, Anna clâme son innocence même si elle reconnaît qu'avec lles pilules et le vin qu'elle avalait, elle ne se souvient pas de certaines choses qu'elle aurait pu faire. Sa jalousie envers Lisa et son ressentiment envers Neil sont aussi de solides mobiles. Sloane paie la caution pour la sortir de cellule. Anna rappelle son psy, paniquée, lorsqu'elle entend des bruits provenant de son grenier. Elle y monte et découvre une toile lacérée représentant Lisa puis une couchette avec des effets appartenant à Buell. Celui-ci traverse la rue, un marteau dans une main, pour visiter Neil.
Surmontant son ombrophobie, Anna se précipite chez Neil et trouve Buell gravement blessé puis Neil poignanrdé. Emma la surprend en la menaçant avec un couteau de cuisine, avouant avoir tué successivement sa mère (qui voulait un autre enfant), son enseignante (qui avait une liaison avec Neil), Lisa (qui ne l'aimait pas) et son père (dont sa passion pour la ventriloquie l'exaspérait). Anna affronte Emma et la tue en état de légitime défense. Doug, le mari et le psy d'Anna, arrive sur les lieux avec la police. Un an après, Doug et Anna revivent ensemble et ont un nouvel enfant. Anna part à New York pour son expo à la galerie de Sloane mais, dans l'avion, elle constate la disparition suspecte de la passagère assise à côté d'elle et la signale au steward qui lui assure que personne n'était à cette place...
Cette fin laisse la porte ouverte à une saison 2 mais pour l'instant, rien n'a été communiqué par Netflix - et donc on peut douter que La Femme qui habitait en face de la fille à la fenêtre aura une suite. Dommage car c'est une comédie policière parodique épatante, aussi absurdement drôle qu'efficace.
Créée par Rachel Amras, Hugh Davidson et Larry Dorf, on reconnaît dans ce titre à rallonge des références à des romans de gare à succès adaptés ces dernières années pour le grand écran (comme La Fille du train d'après Paula Hawkins) ou le petit (La Femme à la fenêtre, déjà sur Netflix).
Bien que cette littérature ne soit pas sans qualités, elle s'appuie sur des clichés récurrents, avec un personnage féminin dépressif, qui noie son mal de vivre dans l'alcool et les anti-dépresseurs, jusqu'à ce qu'elle voit/croit voir un drame dans son entourage. Cela la sort de sa torpeur, plus ou moins franchement, et la pousse à enquêter, quitte à se mettre en danger et/ou à être confondue avec le véritable coupable.
Toutes ces grosses ficelles, La Femme qui habitait... les reprend à son compte et les détourne pour en rire. Mais les auteurs le font subtilement. On n'est pas ici dans un exercice outrancier façon Z.A.Z. (ou les Nuls), on mise sur l'absurde, le décalage, le pas de côté. Et on n'oublie pas d'entraîner le spectateur dans une intrigue qui sait être accrocheuse.
Car on pourrait presque regarder La Femme qui habitait... au premier degré et s'en contenter. Jusqu'au bout, on se perd dans des fausses pistes, des soupçons, des suspects successifs, c'est tortueux à souhait, et quand l'état mental de l'héroïne est interrogé, on se demande si en effet ce n'est pas elle qui a commis des atrocités dans un état second causé par les médicaments et l'alcool.
La réalisation est à cet égard remarquablement soignée : les lumières établissent des ambiances fortes, le décor de ce quartier pavillonnaire évoque Blue Velvet de David Lynch avec les secrets sordides dissimulées derrière de belles façades.
Mais, bien entendu, il y a des éléments qui dissipent tout malentendu sur le véritable projet de la série. Par exemple, la consommation ahurissante de vin rouge d'Anna se traduti aussi bien dans les verres remplis à ras-bord qu'elle se sert que par ce saladier débordant de bouchons de liège qui trône sur la table de sa cuisine. Ensuite, il y a les circonstances, rappelées dans un flash-back hilarant, de la mort de sa fille, laissée négligemment dans la salle d'interrogatoire d'un tueur en série cannibale. Et ainsi de suite.
C'est par petites touches vraiment tordantes que la comédie s'installe et mine toute l'entreprise. Parfois ce mélange entre une intrigue qui pourrait être sérieuse au premier degré et cet humour parodique aboutit à des chutes de rythme frappantes, comme si les scénaristes avaient hésité à souligner telle ou telle intention, à emprunter telle ou telle direction. Mais il suffit d'une scène pour que tout bascule, comme la filature de Neil par Anna au terme de laquelle elle découvre que le gros sac suspect dans lequel elle imaginait trouver le cadavre de Lisa renfermait la manrionnette de ventriloque de Neil. Ou encore quand elle soigne la main de Buell qui est transpercé par un énorme clou et que l'homme à tout faire ne souffre pas du tout.
Le cas de Buell est un parfait exemple de la façon dont les auteurs du show nous mène en bâteau pendant toute la série. On le voit installer pendant sept épisodes une banale boîte aux lettres puis Anna se souvient que c'est lui qui l'a ramenée chez elle après qu'elle se soit évanouie sous la pluie. Lorsqu'elle découvre qu'il couche dans son grenier et qu'elle le voit traverser la rue d'un pas menaçant, un marteau dans une main, en direction de chez Neil, elle (comme nous) est persuadée qu'il est le tueur. Mais l'identité du meurtrier en série surprendra spectaculairement.
Le dernier épisode est complètement déjanté et très culotté en faisant d'une gamine de neuf ans la coupable d'assassinats violents aux motivations ahurissantes. C'est très politiquement incorrect mais jubilatoire. Et l'épilogue de la série, avec une guest-star de luxe (Glenn Close), est un clin d'oeil malicieux à Une Femme disparaît de Hitchcock (peut-être le film matriciel de tout ce sous-genre).
Le casting ne réunit pas de vedettes, à dessein, pour égarer le spectateur et faire de tous un suspect. Néanmoins, deux acteurs sortent du lot : Shelley Hennig est extraordinaire en arnaqueuse et Benjamin Levy Aguilar irrésisitible en complice benêt. Toutefois, le show tourne autour de sa comédienne principale avec des yeux énémourés : Kristen Bell est, comme toujours, fabuleuse. Révélée par la série culte Veronica Mars, elle a été la tête d'affiche de The Good Place sur Netflix pendant quatre ans, et cette fois encore sa vis comica est imparable. Son point fort : elle ne joue jamais en cherchant à faire rire, ce qui donne du relief justement à tous les moments complètement barrés de l'histoire. C'est incompréhensible qu'un tel talent n'ait jamais trouvé un cinéaste capable de lui donner un succès au cinéma car c'est un actrice géniale.
Pour les fans de Kristen, des parodies bien faîtes, ceux qui veulent se marrer pendant quelques heures en "binge-watchant" une série... La Femme qui habitait en face de la fille à la fenêtre est fait pour vous.