mardi 26 juillet 2022

THE GRAY MAN, de Anthony et Joe Russo (critique avec spoilers !)


Disponible sur Netflix depuis Vendredi dernier, The Gray Man est un gros coup pour e géant du streaming : avec son budget pharaonique (on parle de 200 M $), son casting de folie et les frères Russo aux commandes, peu de risques toutefois que ce soit un échec. Le résultat, s'il ne brille pas par sa folle originalité, est tout de même un grand spectacle réjouissant, bien au-dessus des précédentes tentatives de Netflix dans le genre.


Recruté au début des années 2000 par Donald Fitzroy alors qu'il purgeait une peine de prison pour le meurtre de son père, Court Gentry est devenu l'agent Sierra Six, tueur au service de la CIA. De nos jours, il est envoyé à Bangkok éliminer un homme susceptible de vendre des infos secret défense au plus offrant. Refusant de tuer des innocents, Six décide d'éliminer le vendeur au corps-à-corps. Il découvre qu'il s'agissait d'un de ses homologues désirant en fait dénoncer Carmichael, leur directeur impliqué dans des opérations illégales, grâce à des données enregistrées sur une clé.
 

Six disparaît et contacte Fitzroy pour qu'il l'exfiltre, laissant son assistante sur l'opération Dani Miranda, répondre aux questions de Carmichael. Ce dernier appelle Lloyd Hansen, un ancien de l'Agence désormais dans le privé pour qu'il retrouve Six, l'élimine et récupère la clé. Hansen kidnappe la nièce de Fitzroy puis embarque ce dernier pour le faire parler. Contraint, Fitzroy ordonne à l'équipe chargé d'exfilter Six de le tuer. Carmichael envoie son assistante, Brewer, superviser les manoeuvres de Hansen.


Six réussit à abattre les hommes de Fitzroy qu'il rappelle mais Hansen jure de l'avoir. Des enregistrements de vidéo-surveillance à Bangkok montrent que Six a envoyé à Prague un paquet contenant certainement la clé. Torturé, Fitzroy donne le nom de Margaret Cahill, son ancienne intermédiaire au sein de l'Agence. Six arrive à Prague pour avoir de faux papiers mais il est piégé par le faussaire qui le dénonce à Hansen. Pourtant il réussit une nouvelle fois à lui échapper, aidée in extremis par Dani Miranda, convaincue qu'elle sera la prochaine cible de Carmichael. Ils vont chez Cahill qui découvre avec eux les infos accablant Carmichael sur la clé puis se sacrifie à l'arrivée des équipes de Hansen.


Une course-poursuite et une fusillade dans Prague oppose Six, Miranda et les équipes de Hansen lancées à leurs trousses. Six et Miranda se réfugient dans un hôpital où sont trransportés les civils pris dans les tirs échangés en ville. C'est là que les suit Lone Wolf, un agent de Hansen. Blessant Six et désarmant Miranda, il récupère la clé et file. Six, sachant que Claire, la nièce de Fitzroy porte un pacemaker, la localise en Croatie où Hansen a installé son Q.G. et retient ses prisonniers.


Miranda fait diversion pendant que Six entre dans le château occupé par Hansen, ses hommes et ses prisonniers alors que Lone Wolf remet la clé à Brewer. Hansen devine que Six est dans les murs et le rattrape dans les étages alors qu'il s'enfuit avec Fitzroy et sa nièce. Fitzroy, blessé, couvre Six et Claire en retardant Hansen. Miranda entre dans le château et affronte Lone Wolf qui lui rend la clé, dégoûté par les méthides de Hansen.


Hansen capture Claire et l'entraîne dans le parc labyrinthique du château. Six le convainc de règler leurs différends sans impliquer l'adolescente. Au prix d'une bagarre disputée, Hansen est abattu par Brewer qui immobilise aussi Six. Elle s'assure qu'il confirmera ses dires lors de l'enquête sur la mission. Ainsi, elle et Carmichael échappent à toute sanction en accablant Hansen. Miranda récupère son poste et Six est hospitalisé dans une unité de soins militaire. Brewer explique à Carmichael son intention de se servir encore de lui dans l'avenir.


Mais Six s'évade et retrouve Claire sous bonne garde. Il s'enfuit avec elle...

Régulièrement, le cinéma d'action connaît un film qui redéfinit ses codes esthétiques, sinon narratifs. La série des longs métrages Jason Bourne avec Matt Damon a ainsi forcé la franchise James Bond à se réinventer en remplaçant Pierce Brosnan par Daniel Craig. Puis John Wick a imposé une nouvelle norme, qui donne encore le "la" actuellement.

The Gray Man s'inscrit donc logiquement dans la lignée de John Wick (comme Tyler Rake, autre production Netflix avant). C'est flagrant quand on examine la chorégraphie des gunfights et des bastons mais aussi la gestion des cascades en général, et plus généralement encore avec la résurgence de héros/anti-héros taiseux mais efficaces.

De fait, The Gray Man ne révolutionne donc rien sur ces plans. Adapté de la série de romans écrits par Mark Greany, par Anthony et Joe Russo avec leurs scénaristes habituels (Christopher Markus et Stephen McFeely), c'est un divertissement qui puise à plusieurs sources : espionnage, action, polar, buddy movie.

En recrutant les frères Russo au lendemain de leur triomphe chez Marvel (avec Captain America : le Soldat de l'Hiver - Civil War, et Avengers : Infinity War - Endgame), Netflix assume ses ambitions tout en s'attendant à un bashing qui est entretenu à la fois par ses détracteurs et ceux de Marvel. Pourtant, il faut reconnaître que The Gray Man est nettement plus convaincant que les précédentes super-productions de la plateforme avec des vedettes de premier rang (je pense à Red Notice avec Dwayne Johnson, Ryan Reynolds et Gal Gadot, une grosse déception sous des atours séduisants).

L'histoire suit donc un assassin de la CIA, nom de code Sierra Six, quand il décide de filer après une mission où il sent qu'on lui a caché des choses. En effet, il vient de tuer un de ses homologues qui avait découvert que leur supérieur se servait d'eux pour des blacks ops dans son intérêt. Une chasse à l'homme s'engage quand ledit directeur envoie aux trousses de Six un ancien de l'Agence, complètement fou. La situation va dégénèrer dans des proportions dantesques.

Anthony et Joe Russo connaissent leur métier aussi bien que leur héros et ils transforment ce matériau très basique, et très librement adapté des romans, pour foncer pied au plancher, sans se soucier de vraisemblance. Mais contrairement à Michael Bay avec Six Underground (également produit par Netflix), ils ne sombrent jamais dans la surenchère pour le plaisir idiot d'en faire toujours plus. 

On a le temps de s'attacher aux personnages, et le méchant est très soigné, grandiloquent à souhait, teigneux à l'extrême. Sierra Six est un fugitif qui a de la ressource mais son caractère ombrageux le rend attirant car on ignore jusqu'à quel point il va endurer ce qu'il subit avant de, lui aussi, peut-être, péter un cable. Le supporting cast est suffisamment défini pour ne pas servir que de faire-valoir aux deux antagonistes, avec une mention spéciale accordée aux personnages féminins qui ne sont jamais exploités comme des éléments romantiques mais bien comme des filles aussi badass, suivant leurs propres agendas.

Ce que j'ai apprécié aussi, c'est que The Gray Man ne dissimule pas sa volonté d'être le premier film d'une potentielle franchise. Mark Greany a écrit d'autres aventures avec Sierra Six et il y a donc de quoi faire. Même si, récemment, Netflix a accusé des pertes en nombre d'abonnés, ses finances restent considérables et ses succès abondants, de quoi se permettre des suites aussi coûteuses, en attirrant d'autres acteurs de premier plan et en conservant ceux qui souhaiteront poursuivre l'aventure.

La réalisation est parfois un peu hâché, à cause d'un montage hypercut, mais les frères Russo ont un indéniable don pour ce genre de cinéma en même temps qu'une absence totale de snobisme (leurs sorties récentes sur l' "élitisme" actuel du rituel des sorties en salles en a fait réagir plus d'un, mais leurs arguments se défendent quand ils estiment que le prix des places est trop cher, que le confort est aléatoire - car la salle obscure, c'est souvent supporter aussi des mangeurs de popcorns et des bavards).. Voilà deux cinéastes qui ne prétendent pas péter plus haut que leur cul, en affirmant que Marvel, ce n'est pas du cinéma (comme l'assure Scorsese) ou qui courent après des récompenses (autre que le plaisir exprimé par le public). Et The Gray Man respire tout ça : c'est de l'entertainment, un film d'été, un spectacle, bien faits.

Bien entendu, la liste des acteurs recrutés est l'autre élément de séduction massive de The Gray Man. Le moindre second rôle est campé par une pointure, comme Billy Bob Thonrton (Fitzroy), Alfre Woodard (Cahill), Danush (Lone Wolf), Regé-Jean Page (Carmichael), Jessica Henwick (Brewer). Rien qu'avec eux, déjà, il y aurait de quoi avoir une belle affiche.

Mais ajoutez-y Ana de Armas (Miranda), épatante, et surtout le duo Ryan Gosling (de retour après quatre ans loin des plateaux - depuis First Man de Damien Chazelle) - Chris Evans (chouchou des Russo) et là, on passe au niveau supérieur. Evans s'amuse beaucoup, et nous grâce à lui, en composant ce Lloyd Hansen totalement sociopathe, avec cette impayable moustache et cette jubilation à être une ordure inexcusable. Face à lui, Gosling renoue avec son personnage de mec avare de mots (même s'il a considérablement plus de dialogues que chez Winding Refn), mais pour qui, comme moi, est fan de son jeu minimaliste et intense, c'est un plaisir de le revoir.

Je sais que The Gray Man n'a pas bonne presse. Comme je le disais plus haut, il y a là-dedans une bonne dose de Netflix-bashing bête et méchant (car comme pour Marvel, le succès énerve). D'aucuns sont déçus par le manque d'audace du scénario. Pour ma part, j'ai passé un excellent moment, conforme à ce que j'attendais, et espérant une suite désormais.

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