samedi 21 mai 2022

FABLES #151, de Bill Willingham et Mark Buckingham


Voilà un come-back sur lequel personne n'aurait parié, vu que personne ne l'attendait ! C'était entendu, il y a sept ans, quand parut le n°150 de Fables (avec la pagination d'un recueil entier), Bill Willingham jurait en avoir terminé avec son grand oeuvre. Ce fleuron du défunt label Vertigo, à la longévité record, reprend pourtant exactement là où il avait cessé sa publication, avec toujours Mark Buckingham au dessin, pour un arc de douze épisodes. Retour gagnant ?



New York. Fabletown est désormais visible de tous les humains et King Cole, son maire, explique la situation aux autorités. Mais ils sont observés par Peter Pan et la fée Clochette à leur insu.


Dans la Forêt Noire, Gwen croise la route de Monsieur Ours à qui elle explique avoir endossé le nom et le rôle de Jack in the Green. Ils se séparent en se souhaitant mutuellement bonne chance pour la suite.


Bigby Wolf et Blanche Neige posent leurs valises dans une vallée où ils comptent s'installer avec leurs enfants. Le magistrat de la région vient les aborder pour discuter de leurs intentions.


Gwen arrive chez le précédent Jack in the Green pour lui annoncer sa volonté de le remplacer. A la morgue de New York, un médecin légiste commence l'autopsie d'une habitante de Fabletown...

Qu'est-ce qui a pu motiver Bill Willingham à replonger dans Fables pour lu donner un nouvel arc ? C'est un mystère. Même si on peut légitimement supposer qu'il s'y est résigné parce qu'aucun autre de ses titres n'a connu la même renommée critique et publique. Alors, pourquoi pas un autre tour de manège ? Histoire aussi de prouver qu'il n'avait pas perdu la main et avait encore des choses à raconter dans cet univers.

C'est vrai qu'en tenant ce fascicule n°151, on a du mal à y croire. En 2015, paraissait le dernier épisode de Fables et ça semblait bel et bien fini. Non pas que la matière soit épuisée, mais parce qu'on acceptait que ses auteurs veuillent faire autre chose. Entretemps, le label Vertigo de Dc, dont la série fut un des fleurons et qui s'est distinguée par sa longévité exceptionnelle (bien loin devant Y the Last Man, Preacher, The Sandman, etc), a disparu, ce qui marque encore plus le coup de ce come-back.

Mais venons-en au contenu. Bill Willingham reprend exactement là où il s'était arrêté. La terrible bataille entre Cendrillon et Frau Totenkinder s'est soldée par la mort des deux adversaires et la révélation pour les new yrokais de l'existence de Fabletown, enfin devenue visible pour les "mudanes". Quantité des habitants de la ville sont partis pour des royaumes légendaires refaire leur vie, parmi lesquels le couple Bigby Wolf et Blanche Neige avec leurs enfants. King Cole, le maire de Fabletown, est donc bien seul pour expliquer aux autorités new-yorkaise ce qui se passe.

Ailleurs, dans la Forêt Noire, une jeune femme habillée comme un archer rencontre Monsieur Ours. Ils échangent en marchant côte à côte. Gwen explique au plantigrade son intention d'endosser le nom et le rôle de Jack in the Green (héros issu du folklore britannique), une tâche visiblement peu enviable mais adaptée aux personnes braves comme elle.

Témoin de l'apparition de Fabletown, Peter Pan et la fée Clochette n'ont pas l'air ravi et pensent à un mauvais coup de Gepetto. Tandis qu'à la morgue, un médecin légiste débute l'autopsie d'une habitante de la cité cachée qui n'est peut-être pas tout à fait morte, encore moins inconnue, et très en colère elle aussi...

L'épisode enchaîne les scènes courtes mais denses en allant de personnages familiers à d'autres jamais vus dans la série. Ce qui est épatant, faut-il le dire, c'est que, même sans avoir révisé (comme c'est mon cas), on n'est pas perdu. On a l'impression grisante d'avoir terminé le n°150 hier (ou disons le mois dernier) et de reprendre naturellement le train en marche, sans heurts, sans problèmes. Réussir cela, c'est déjà un exploit. Mais aussi le signe, indéniable, que le souvenir de Fables est resté vivace - et ce n'est pas rien après un hiatus de sept années !

Ensuite, cette construction pour classique qu'elle soit, assure un rythme tranquille mais efficace au récit. Willingham avance avec l'expérience de ceux qui connaissent parfaitemetn leur affaire (comme dans un autre genre et une autre série, Mark Waid sur Batman - Superman : World's Finest). Peut-être est-ce moi qui suis plus désormais plus sensible à ce type de narration, mais j'apprécie particulièrement qu'un auteur oublie son ego pour se "contenter" de me raconter "juste" une bonne histoire, qui m'accroche sans effort. Je sui intrigué par ce Peter Pan vêtu de noir et au regard sombre (on se souviendra que Willingham avait d'abord prévu d'en faire le grand méchant de Fables au tout début de l'aventure avant de renoncer pour des questions de droit et d'opter pour Gepetto), par cette Gwen et son projet de remplecer un héros pourtant encore vivant et peu enclin à abandonner son titre. Je sui ravi de renouer avec Bigby et Blanche Neige et leurs "cubs". Et la fausse morte qu'on retrouve à fin promet du mouvement.

On est en terrain connu, balisé, entre caractérisation solide, éprouvée même, et histoire pépére mais entraînante, entre quête initiatique et problèmes ordinaires, miracles et banalités. Les dialogues sont un régal, spirituels à souhait, parfaits pour souligner sans être lourdingue l'absurdité fantastique. Bien entendu, on s'attend à ce que toutes ces pistes convergent, ou du moins savamment développées comme l'ont été avant elles le premier acte de la série avec l'Adversaire puis le deuxième avec Mr. Dark, puis le troisième avec Camelot. On est en confiance avec un auteur comme Willingham qui est un spécialiste du genre.

Et puis quel plaisir de voir que c'est toute l'équipe artistique de Fables qui est au rendez-vous. Sans Mark Buckingham, je n'aurais sans doute pas craqué, et il est bien encré par le fidèle Steve Leialoha et colorisé par Lee Loughridge

Là encore, c'est épatant car ça n'a pas bougé : les bordures de pages ornementées, le trait un peu gras, les décors fouillés, les personnages tels qu'en eux-mêmes, comme si, là encore, le précédent épisode avait été produit le mois dernier. Certains vieillissent mal (regardez ce pauvre Romita Jr sur Amazing Spider-Man qui ne ressemble plus à rien) et d'autres semblent défier le temps qui passe en ayant conservé un (haut) niveau après avoir quitté leur série de longues années. Stupéfiant.

On repart donc pour un an et, pour ce qui me concerne, c'est une joie. Par les temps, incertains, qui courent, lire Fables, c'est comme retrouver de vieux amis, un peu perdus de vue. Une vraie madeleine de Proust, mais toujours fraîche. C'est la magie de ce titre.

La variant cover de Mark Buckingham.

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