BATMAN - SUPERMAN : WORLD'S FINEST #1, de Mark Waid et Dan Mora

C'est une des nouvelles séries DC que j'attendais avec le plus d'impatience. En effet Batman - Superman : Wolrd's Finest est écrit par un de mes scénaristes préférés, Mark Waid, et Dan Mora dessine. Rien que ça ! Située dans un passé proche, donc n'ayant pas se soucier des événements en cours ou à venir, cette histoire est un pur régal, un vrai feel-good comic-book.

Metropolis. Batman et Robin interviennent au sommet du "Daily Planet" où Poison Ivy s'est postée pour attaquer la ville. Superman sauve des civils et rejoint ses amis lorsque Metallo lui saute dessus pour lui injecter de la kryptonite rouge. Superman est à l'agonie.

Metallo neutralisé par Robin et Poison Ivy arrêté par Batman, Superman perd le contrôle de ses pouvoirs et cède à la panique, causant d'énormes dégats en ville. La Doom Patrol, alertée par Batman, intervient alors que Superman semble se ressaisir.

Mais l'accalmie est brêve. Superman est ensuite victime d'hallucinations et se croit agressé par ses ennemis les plus acharnés. Batman tente de le raisonner, au péril de sa vie. Non sans avoir au préalable convenu d'une stratégie avec la Doom Patrol.

Negative Man sonne Superman. Il est transporté chez Niles Caulder, le Chef de la Doom Patrol. Negative Man examine la seringue utilisée par Metallo et croit reconnaître une inscription dessus. Elastigirl introduit Batman et Robin auprès de Caulder qui veut opérer Superman...

J'ai fait peu d'achats cette semaine (Nightwing #90, Catwoman #41 - dont je parlerai vite) mais je misais beaucoup sur ce n°1 de Batman - Superman : World's Finest. Quelques pages avaient paru dans Detective Comics #1050, qui sont reprises ici (l'épisode compte 37 pages !), qui mettaient l'eau à la bouche. Mais j'étais en confiance vu l'équipe créative aux commandes.

Je suis un grand fan de Mark Waid à qui je dois parmi mes lectures préférées : ses runs sur Fantastic Four, Daredevil, Black Widow, Captain America, les mini-séries Kingdom Come, JLA Year One, la maxi 52 (avec Rucka, Johns, Morrison)... Le bonhomme a une carrière exceptionnelle, à la mesure de son talent de conteur. Il reste associé à des artistes que j'adore : Wieringo, Samnee, notamment. Il a aussi été editor, sa culture comics est encyclopédique.

Visiblement à la fin d'un cycle chez Marvel (qui a coïncidé avec le départ de Samnee, devenu son partenaire de prédilection), Waid revient chez DC pour lequel il a de nombreux projets alléchants (dont une mini-série sur le Black Label consacrée à Superman, dessinée par Bryan Hitch). Et comme il est malin et ne veut plus être embarrassé par ce qui se passe dans les autres titres, il a obtenu que Batman -Superman : World's Finest se situe dans un passé proche.

Ce côté rétro reste subtil, discret : on note que l'emblême de Batman date affectivement, le dark knight opère encore avec Robin (Dick Grayson), et un flashback permet de noter que lui et Superman ont appris à travailler ensemble précédemment, en se promettant de surveiller les arrières l'un de l'autre. Superman, lui, n'a pas encore révélé son identité secrète au monde entier, et à Lois Lane et Jimmy Olsen en particulier, il n'est donc pas encore père de famille ni marié. Le look de Poison Ivy au début de l'épisode renseigne aussi sur une certaine époque.

L'intrigue ne perd pas de temps pour s'installer, on est plongé dans le feu de l'action immédiatement. Metallo empoisonne Superman qui disjoncte. Avec l'aide de la Doom Patrol, Batman réussit à le maîtriser et il compte sur Niles Caulder pour le soigner. Dans l'ombre deux silhouettes observent tout et savourent cette crise, estimant que les héros ne verront rien venir et que le pire les attend. On est dans un format simple, très efficace. Mais ce n'est pas tout.

Car Waid a ostensiblement écrit cela de cette manière pour tourner le dos à une certaine "modernité", non par passéisme ou nostalgie, mais comme une sorte de profession de foi. Il faut savoir que Waid, qui a écrit Kingdom Come, une mini-série qui, comme Watchmen de Moore et Gibbons, réfléchissait à la postérité des héros classiques avec un regard critique, s'est désolé (comme Moore) que les comics deviennent un marché de niche, principalement destiné à un public adulte, de fans de longue date. Pour lui, quelque part en cours de route, les éditeurs ont trop négligé les jeunes lecteurs, qui ne maîtrisent pas forcément des décennies de continuité ou à qui des récits trop violents, trop cyniques, ne s'adressent pas. Cette orientation explique justement que des nouveaux lecteurs aient délaissé les comics (pour les mangas ou d'autres types de récits).

Avec World's Finest (qui reprend malicieusement le titre d'une ancienne revue, où Batman et Superman vivaient des aventures en tandem), Waid propose donc une histoire immédiatement accessible et plaisante, qui synthétise les codes du récit d'action avec des héros sympathiques et amis face à des méchants vraiment méchants. Ce n'est pas manichéen, mais plus simplement basique. On revient à l'essentiel. Et ici, ça passe par la neutralisation de Superman, qui induit un suspense accrocheur : comment soigner le plus grand des super-héros ? Comment vaincre les vilains sans lui ? Batman, comme se le demande Robin, a-t-il perdu la tête en s'en remettant à Niles Caulder et la Doom Patrol ?

On imagine fort bien que si Mike Wieringo était encore là ou que si Chris Samnee avait signé chez DC, Waid aurait écrit cette série pour l'un d'eux. Mais DC l'a gâté en lui adjoignant les services de Dan Mora, qui, visiblement, s'amuse beaucoup. On espère juste que l'artiste, encore occupé par ailleurs par la série Once & Future (de Kieron Gillen, chez Boom ! Studios), restera sur le titre longtemps pour lui conserver tout son attrait.

Car Mora est un sacré dessinateur. Son aisance technique est imparable, il peut tout se permettre et ne s'en prive pas. Chacune de ses planches déborde d'une énergie grisante, on en prend plein les mirettes, et dans le cadre de l'histoire, c'est appréciable. La puissance déréglée de Superman cause des dégâts spectaculaires dont Mora rend compte sans s'économiser. Il y a une générosité dans ce dessin qui ne peut que combler le fan.

Mais surtout, avec ces incarnations des personnages, Mora n'a pas à se soucier d'une quelconque conformité avec les canons actuels. Son Superman a une intensité presque juvénile qui le rend irrésisitble. Batman est son contrepoint parfait, cérébral et athlétique. Robin bénéficie d'un léger redesign qui est superbe. Et la Doom Patrol est merveilleusement représentée, dans toute sa bizarrerie. On tourne les pages en jubilant, même au plus fort du drame.

Pour parfaire l'ensemble, Tamra Bonvillain aux couleurs donne un look lumineux à tout ça. C'est bigarré, peut-être même limite kitsch pour certains, mais ça change de toutes ces histoires où tout paraît si sombre, sérieux, pompeux. La palette ici influe vraiment sur l'humeur du lecteur qui savoure les ambiances, les contrastes. C'est extra.

Cette fraîcheur et ce dynamisme m'ont conquis. Le métier de Waid et le tonus de Mora forment une combinaison absolument démente, qui vous consolent de toutes les autres lectures en deçà des attentes. Merci pour ce moment. Et vivement la suite !